Test : Far Cry 4 sur Xbox One
Un peu comme son double d’il y a deux ans, Ajay n’était pas forcément destiné à devenir une machine de guerre prompte à libérer tout un pays du joug de son oppresseur. Lui, ce qu’il voulait, c’était pouvoir amener les cendres de sa mère jusqu’au Kyrat et accomplir ainsi ses dernières volontés. Le truc c’est que, se rendre sur cette terre pour un tel pèlerinage est aussi facile et sûr qu’entreprendre une tournée des bars à Mogadiscio. D’ailleurs, ça ne rate pas et après un contrôle de papiers quelque peu mouvementé, Ajay fait la rencontre de Pagan Min, le grand dictateur/gourou/styliste local, et a vite fait d’être présenté à sa manière quelque peu expéditive de régler les problèmes. Une évasion plus tard, c’est le Sentier d’Or qu’Ajay découvre et c’est avec ces révolutionnaires qu’il va entreprendre son long chemin vers la promesse qu’il a fait à sa mère, profitant de l’occasion pour faire tomber le régime en place. Tout un programme.
Far Cry 4 reprend donc dans les grandes lignes les codes instaurés par son prédécesseur, tout en évitant la plupart du temps de tomber trop bas dans la caricature. S’il n’est pas un modèle d’écriture ni de profondeur, le scénario de ce quatrième épisode s’appuie sur des bases un peu plus solides que le troisième opus, dont les relents de teen movie avaient de quoi agacer. On suit néanmoins les aventures d’Ajay avec un sentiment partagé, entre fil conducteur qui peine à intéresser vraiment mais présentant des personnages plutôt attachants sur bien des aspects. Les luttes intestines dans le clan des rebelles sont à mettre au crédit de Sabal et de sa sœur Amita, ces deux leaders en devenir ne partageant pas vraiment la même conception de la politique à mener pour Kyrat. Particulièrement bien modélisés comme le sont les autres personnages principaux (on repassera néanmoins sur le respect tout relatif des caractéristiques physiques), ils donnent un peu de sens et d’humanité à la quête d’Ajay. Comme eux, il y a aussi le prêtre Longinus, les frères hippies Yoggi et Reggie, ou les principaux lieutenants de Pagan Min. Encore une fois, ils bénéficient d’une modélisation bluffante, d’animations faciales véritablement crédibles à ranger dans le haut du panier. Ils insufflent un peu de l’intérêt qui manque parfois à la trame principale, laquelle constitue une avancée simple et sans grande surprise, de la première victoire locale à l’anéantissement du pouvoir en place. Les gentils, même quand ils veulent faire du pognon avec de la drogue sont quand même des gentils ; les méchants sont d’autant plus méchants qu’ils font croire à leur famille qu’ils sont juste de sympathiques hommes d’affaire en voyage et que les bruits bizarres entendus au téléphone doivent être le fait d’un loup ou d’une marmotte. Bref, ça manque quand même un peu de piquant.
« D’un point de vue visuel, l’exploration est un véritable plaisir et s’anime avec les nombreux animaux qui peuplent Kyrat et les soldats qui patrouillent un peu partout »
Et Pagan Min dans tout ça ? Il tient bien son rang, nous amuse de quelques sorties qui ne manquent pas d’humour un peu noir, nous explique parfois au téléphone que comme dirait Freud, c’est un peu la faute de sa mère s’il est comme ça et qu’il est passé « à ça » d’avoir un cœur tendre. Peut-être un peu moins déséquilibré que Vaas de Far Cry 3, plus loufoque, Pagan Min partage néanmoins avec son compère zinzin une particularité des plus déplaisantes : il se montre très rarement. Au point d’être sous-exploité ? Oui, certainement. Un peu comme on craignait les apparitions d’Alma dans FEAR pour finalement compter les rencontres sur les doigts d’une main, les face-à-face avec le dictateur sont trop rares. La vraie bonne surprise se situe plutôt du côté des environnements qui composent les vastes terres de Kyrat, car, pour le coup, les développeurs ont bien exploité deux choses : l’inspiration tibétaine et les possibilités offertes par la Xbox One. Sur ce terrain offrant forcément bien plus de relief que par le passé, on découvre des vallées à perte de vue et on profite d’une grande profondeur de champs, laquelle laisse apparaitre les sommets enneigés de l’Himalaya. La verdure des forêts, les rochers vertigineux, la végétation relativement dense sont sublimés par la lumière du jour. D’un point de vue visuel, l’exploration est un véritable plaisir et s’anime avec les nombreux animaux qui peuplent Kyrat et les soldats qui patrouillent un peu partout. Dommage cependant que la population civile soit si en retrait. En dehors des quelques petits villages qu’ils peuplent, hommes et femmes de la région sont relativement discrets. Au rayon des petites choses qui fâchent, on trouve quelques modèles qui semblent n’avoir subi pas ou peu de modification par rapport à leur état dans Far Cry 3 comme les voitures ; quelques bugs d’affichage et de collision sont de la partie également, avec par exemple des cadavres d’animaux qui lévitent pour se placer comme si de rien n’était là où ils étaient censés se trouver (on le croise souvent celui-là). Mais c’est probablement les animations qui, sans être prises en défaut, sont l’illustration de la consanguinité qui existe entre Far Cry 3 et 4. Qu’il s’agisse de notre héros, des PNJ ou des animaux (qui affichent cela dit des fourrures parfois splendides), rien n’a vraiment changé et certaines choses ou comportements prennent de l’âge, surtout lorsqu’on les oppose aux graphismes. Mais globalement le travail sur la partie technique est solide, l’ensemble étant porté par un framerate à 30 images par secondes relativement stable.
Ce joli Kyrat est donc le théâtre de l’affrontement entre Ajay et les forces de Pagan Min, le long d’une campagne avoisinant les 10 – 12 heures. Plutôt sympathique pour un FPS. La campagne principale intègre cette année une gestion des choix un peu plus poussée que dans Far Cry 3, et l’on est ainsi régulièrement invité à prendre position pour Sabal ou Amita. Nous l’avons dit, les deux ne partagent pas la même vision des choses et leur ascension dans le Sentier d’Or dépend finalement de vous : faut-il prendre cette usine d’opium pour en exploiter la richesse, ou la détruire pour préserver le peuple ? Doit-on entretenir les vieilles traditions car elles unissent ou devons-nous en détruire les symboles pour avancer ? Les choix ne sont pas toujours faciles à faire car les arguments se tiennent (et que la qualité de la modélisation des personnages, de leur regard surtout, rend difficile le refus de quelque chose à Amita). Néanmoins, et à l’image de son scénario un peu plan-plan, la campagne de Far Cry 4 ne regorge pas de moments mémorables par la construction des missions. On est, la plupart du temps, dans un cheminement très classique avec un peu d’infiltration pour entrer dans la base et beaucoup d’explosions pour en sortir. Ne cherchez pas trop les moments de bravoure ou les retournements de situation : tout se passe plutôt tranquillement, au point que la mission finale arrive un peu brutalement. Il y a bien quelques passages hors des sentiers battus qui sont l’occasion de changer d’air (l’Himalaya, Shangri-La par exemple) et des éléments de gameplay intéressants plus ou moins mis à contribution (le grappin d’escalade pour le plus, la wingsuit pour le moins), mais c’est aussi et surtout autour de la campagne principale que Far Cry 4 se montre costaud.
« Néanmoins, et à l’image de son scénario un peu plan-plan, la campagne de Far Cry 4 ne regorge pas de moments mémorables par la construction des missions. On est, la plupart du temps, dans un cheminement très classique avec un peu d’infiltration pour entrer dans la base et beaucoup d’explosions pour en sortir »
Pas de grande surprise ici pour qui a joué au troisième épisode, on retrouve une foultitude de chose à faire sur cette grande carte. Eliminer une cible désignée sans se faire repérer, chasser l’une des nombreuses bêtes sauvages, faire un contre-la-montre en quad ou encore escorter un convoi allié vers sa destination sont autant de choses qui rempilent dans cet épisode. Et bien sûr, n’imaginez pas échapper aux tours radio à escalader pour dévoiler une partie de la map, elles sont bien présentes et l’exercice toujours aussi rébarbatif (même si l’on peut gruger un peu le système grâce à un certain véhicule). Dans le même ordre d’idée, on est encore appelé à prendre des avant-postes pour réduire la présence ennemie sur la zone ; comme par le passé, on marque les cibles, on désactive – si possible – les alarmes et on nettoie la zone… 24 fois. L’exercice manque encore ici un peu de variété mais accueille tout de même quelques forteresses, mêmes choses en plus protégé. Difficiles à prendre d’assaut tout seul (à moins de les affaiblir en avançant dans le mode histoire), ces zones sont l’occasion de faire appel à un soldat allié géré par l’IA, ou de se lancer avec un autre joueur via le Xbox Live. La coopération en ligne est d’ailleurs de mise dans Far Cry 4 et pas seulement pour les forteresses, avec tout le fun que cela implique, bien qu’il faille noter que seul l’hôte voit sa progression de mission évoluer à l’issue de la session. On continuera donc de progresser en solo avec des missions secondaires de type ravitaillement, destruction de convoi ennemi et secours aux otages, ou encore de la collecte d’objets, destructions d’outils de propagande et recherche d’objets cachés. Et si cela ne suffit pas, chaque avant-poste capturé peut être rejoué pour améliorer son score. Oui, si vous voulez boucler Far Cry 4 à 100%, il va falloir prévoir pas mal de temps.
Temps d’autant plus important qu’il est toujours question ici de chasser pour confectionner des améliorations d’inventaire (butin, armes, munitions, etc), de créer ses seringues en cueillant les fameuses herbes colorées, ou encore de vider tout un pays de ses richesses pour acheter de nouvelles armes chez les marchands. Et puis il y a aussi les points d’expérience à gagner pour attribuer des atouts à son personnage, bien qu’un gros bémol soit à porter sur l’intérêt de cet arbre de compétences. Parce que d’une part la bonne moitié des choses à débloquer est inintéressante et que d’autre part, une autre partie est soumise à l’avancement dans les quêtes principales ou objectifs secondaires. L’intérêt de l’expérience est du coup tout relatif. Même chose d’ailleurs pour les points de karma qui montent péniblement, n’offrent guère d’atout renversant, mais sont au moins l’occasion d’assister à des événements aléatoires sur la map (un peu comme dans un MMO) : sauver des habitants, tuer un messager, détruire un véhicules permet dans ces moments de gagner des points de karma. Tout cela est assez peu engageant malgré tout et vite répétitif. Le nerf de la guerre, le vrai, c’est l’argent et la multitude d’armes qu’il permet d’acheter et d’améliorer ; de ce côté-là, Far Cry 4 est d’ailleurs bien généreux. Armes classiques et spéciales font dans l’éclectisme et permettent de varier les plaisirs grâce à une prise en mains bien différenciée pour chaque modèle de pétoire. C’est d’ailleurs un point fort du jeu d’Ubisoft, véritablement riche quand il s’agit de nous donner le choix de l’approche tout en assurant un très bon feeling dans les gunfights. Deux éléments brièvement évoqués un peu plus hauts, à savoir le grappin et la wingsuit, trouvent leur sens durant les phases hors missions. Pas mal de parois peuvent être escaladées et permettent par exemple de prendre de la hauteur sur un avant-poste, avant peut être de fondre dessus avec la wingsuit en criant « Géronimo ! ».
« C’est d’ailleurs un point fort du jeu d’Ubisoft, véritablement riche quand il s’agit de nous donner le choix de l’approche tout en assurant un très bon feeling dans les gunfights »
Finalement, les seuls choses un peu gênantes dans ces moments de liberté sont surtout le fait d’animaux excessivement agressifs, qui ont le chic pour venir vous mordiller les fesses alors que vous êtes planqués à attendre une ouverture chez l’ennemi. Agaçant. Et puis il y a l’IA ennemie, assez déroutante, tantôt très efficace, parfois capable d’aller se jeter dans un ravin toute seule. Du coup, on pourra chercher cette dose d’intelligence manquante chez nos congénères en mulitjoueur compétitif. Trois modes de jeux principaux (de type capture de drapeau, attaque/défense et domination) surtout intéressants pour l’opposition des classes entre Sentier d’Or et Rakshasa, avec ces derniers capable d’être invisibles ou d’invoquer des animaux, face aux armes conventionnelles mais forcément plus puissantes des révolutionnaires. Les cartes sont plutôt bien construites et utilisent bien le relief pour mettre à contribution la wingsuit. A signaler enfin la présence d’un éditeur de carte permettant de créer des missions solo suivant plusieurs catégories, comme l’élimination d’un certain nombre d’ennemis, la chasse, la capture d’avant-poste et l’extraction à un point précis. Les outils proposés permettent de faire des choses sympathiques bien qu’un certain temps d’adaptation soit nécessaire. Et c’est aussi et surtout l’occasion de s’essayer à certaines créations d’autres joueurs, parfois véritablement bien construites ou totalement barrées.
+
- Techniquement solide
- La modélisation des personnages
- Les gunfights qui ont du punch
- Blindé de contenu…
-
- … Pas toujours passionnant
- Une certaine répétitivité s’installe à un moment
- La campagne manque d’envergure