Test : Fatal Fury: City of the Wolves sur Xbox Series X|S
Pierre Howard et le loup

Fatal Fury. Un nom qui nous renvoie immédiatement quelque part au milieu des années 90, à une époque où toute une industrie rivalise d’ingéniosité pour tenter de se faire une place aux côtés de l’ogre Street Fighter II. Cette décennie nous a offert pléthore de bonnes expériences côté baston, mais combien peuvent se targuer d’avoir gravé dans nos esprits les images d’un jeu auquel on n’a peut-être même pas joué ? Fatal Fury c’est cela : un nom, des visages, une casquette que l’on associe immédiatement à quelque chose de grand. Le comble quelque part, c’est que c’est plus tard, à l’aube d’un siècle nouveau, sur une console poussée dans ses retranchements, avec un jeu qui fait table rase du passé jusqu’à rhabiller son héros, que Fatal Fury entre définitivement dans la légende.
Sorti en 1999 sur Neo Geo, Mark of the Wolves est une véritable claque dans un monde de la baston 2D que certaines langues fourchues voyaient mort et enterré face à l’avènement de la 3D. L’époque semble cependant vouloir que ce segment pointe vers un certain élitisme. Ainsi, comme Street Fighter III Third Strike, sorti la même année et assurément le plus technique de la saga, Fatal Fury a créé avec Mark of the Wolves une véritable référence en matière de profondeur de jeu. Riche, technique, difficile, merveilleusement addictif, Mark of the Wolves est l’un des plus grands jeux créés par SNK. Avec un tel héritage et un quart de siècle laissé en suspens, Fatal Fury: City of the Wolves ne peut ainsi se permettre de manquer le coche.
On peut d’ores et déjà rassurer tout le monde : City of the Wolves est bel et bien un Fatal Fury. Il faut d’ailleurs mettre de côté les éventuels réflexes liés à l’usage récent de King of Fighters, City of the Wolves n’en est aucunement une variante. Moins « énergique » en apparence, il n’en demeure pas moins un jeu de combat superbement animé, presque chorégraphié, pour peu que l’on ait la volonté d’en découvrir les nombreuses mécaniques et spécificités. Cela en disposant tout de même, comme c’est plus ou moins devenu la norme, de la possibilité d’opter pour des commandes simplifiées qui permettent de faire jaillir une attaque spéciale d’une simple pression sur un bouton. Intéressant pour le jeune public et pour s’amuser en versus local avec quelqu’un qui n’aurait pas d’expérience particulière dans le jeu de combat, mais bien évidemment quelque chose sur laquelle il faut faire l’impasse si l’on veut profiter pleinement de ce qu’est Fatal Fury: City of the Wolves. En raison tout d’abord du niveau assez élevé de l’IA contre laquelle spammer les attaques spéciales ne sert à rien ; mais surtout parce que la richesse de ce cinquième Fatal Fury canonique vaut bien quelque effort.
Fatal Fury: City of the Wolves propose un tutoriel couvrant l’intégralité des techniques de combats proposées, entre nouveautés et héritage. Si l’on peut critiquer la forme que prend ce tutoriel « à l’ancienne », c’est-à-dire pas toujours très clair et quelque peu haché, il reste cependant une étape indispensable à parcourir avant de se lancer dans l’arène. On retrouve un système basé sur quatre boutons (poing faible et fort, même chose pour les pieds) auquel s’ajoute le bouton « REV ». Cette fonctionnalité représente la grosse nouveauté introduite par City of the Wolves et prend la forme de mécaniques d’attaque, de défense et de combos plus efficaces que leurs pendants « normaux ». Par exemple, une garde REV permet non seulement d’absorber 100% de l’attaque adverse (pas de « grattage » possible sur la défense donc avec une attaque spéciale) mais si elle est exécutée au bon moment, elle repousse l’offensive et créé une ouverture. On peut voir cela comme un « Just Guard » (blocage pile au moment de l’impact) plus efficace. Il en va de même pour les attaques « REV » qui s’apparentent à ce que sont les attaques EX dans un Street Fighter par exemple. Cependant, abuser des mécaniques REV fait grimper la jauge dédiée et en cas de surchauffe le joueur est non seulement privé de ces mécaniques mais se retrouve également avec une garde plus faible. Il convient donc de garder un œil sur la jauge REV et de la faire redescendre régulièrement en restant en mouvement et en attaquant.
Ce système REV apporte une dose de stratégie supplémentaire à un Fatal Fury qui adoptait déjà cette dimension avec Mark of the Wolves. En témoigne ici la présence du système SPG (Selective Potential Gear) qui reprend peu ou prou ce qu’était le TOP dans le quatrième épisode. En quelques mots, il s’agit de définir avant le combat sur quel tiers de notre barre de vie se place le SPG, synonyme de puissance décuplée pour notre personnage. A chacun de voir s’il préfère envoyer la sauce dès le départ, ou bien placer la jauge au milieu pour se donner un peu de temps de réflexion, voire tout garder pour la fin et peut-être renverser le cours de la partie. L’addition du SPG actif et d’une jauge de super attaque pleine (deux segments qui se remplissent au fil du combat) permet éventuellement de lancer un « REV blow », soit l’attaque la plus puissante dont dispose chaque personnage. Ajoutez à tout cela les traditionnelles attaques spéciales, super attaques avec deux niveaux de puissance, combos classiques, combos REV et autres techniques diverses de feintes et vous avez là un jeu de combat riche, certes complexe à appréhender, mais diablement engageant.
Tout cela est porté par un roster composé de 17 personnages au lancement, auquel s’ajouteront prochainement cinq personnages via un Season Pass. Et figurez-vous que c’est une bonne nouvelle puisque ce Pass est d’ores et déjà inclus lors de l’achat du jeu de base et qu’il comprendra les incomparables Andy Bogard et Joe Higashi, Mr Big d’Art of Fighting et rien de moins que Ken et Chun-Li de Street of Fighter. Ces deux transfuges de la maison Capcom devraient tranquillement trouver leur place dans ce Fatal Fury: City of the Wolves, son gameplay se rapprochant peut-être plus d’un Street Fighter que d’un King of Fighters.
Pour ce qui est du roster de lancement, il y a beaucoup à dire… Et à redire. Contrairement à Mark of the Wolves qui avait grandement surpris en proposant une sélection de personnages quasi-exclusivement composée de nouveaux combattants (seul Terry Bogard était connu jusqu’alors !), City of the Wolves joue principalement la carte de la continuité. De nombreux personnages sont issus du précédent épisode (B. Jenet, Gato, Hokutomaru, Tizoc ou bien évidemment Terry et Rock Howard), tandis que d’autres ramènent une touche Fatal Fury traditionnelle, à l’image de Mai Shiranui et Billy Kane, bien que leur design ait tout de même significativement évolué. Du côté des nouveaux arrivants, c’est plutôt plaisant avec Preecha, chercheuse et élève de Joe Higashi à ses heures, et l’assassin Vox Reaper. L’un comme l’autre sont intéressants à découvrir. Cela dit, et en dépit d’une bonne variété d’approches du combat que permettent tous ces personnages, on n’aurait pas dit non à quelques poings supplémentaires.
On trouve d’ailleurs deux « invités » de ce Fatal Fury: City of the Wolves. Et là, on ne va pas se mentir, c’est la douche froide. On ne parle pas de personnages issus d’une autre franchise vidéoludique quelle qu’elle soit, mais de deux personnalités bien réelles : le DJ Salvatore Ganacci et la star du ballon rond, Cristiano Ronaldo. Oui, vous avez bien lu. On sait les deux hommes particulièrement appréciés par le Roi Mohammed Ben Salman et à ce titre, ils sont deux figures de proue de l’image de marque de l’Arabie Saoudite à l’international, pays d’où vient le fond d’investissement (Misk Foundation) qui a mis ses billes dans SNK en 2022 pour en acquérir 96% de la propriété. On a donc sorti les forceps chez SNK pour faire de la place à l’envie des investisseurs d’apposer leur marque, ce qui n’a certes plus rien de très surprenant en 2025 mais n’en demeure pas moins désolant.
Car si l’on peut se réjouir que l’investissement saoudien ait eu lieu pour permettre à SNK de vivre et de nous proposer aujourd’hui un Fatal Fury: City of the Wolves dont on n’a pas grand-chose à redire sur le gameplay, cela fait un peu mal au cœur de constater que des moyens ont été mobilisés pour nous pondre deux combattants qui n’ont pas vraiment leur place ici. Difficile par ailleurs d’imaginer que des personnalités telles que Ganacci et Ronaldo puissent favoriser l’ouverture à un plus large public d’un titre comme Fatal Fury, jeu de niche s’il en est. Notons toutefois au crédit de Salvatore Ganacci qu’au moins son personnage est traité avec un certain humour et second degré, et que sa présence s’étend à sa véritable fonction dans la vie : on le retrouve aux platines dans la bande-originale du jeu, pour un ensemble de compositions et remix qui alternent le bon et le moins bon. Quoi qu’il en soit, Fatal Fury: City of the Wolves laisse la possibilité de personnaliser ses musiques avec l’ensemble des compositions de tous les Fatal Fury, des trois Art of Fighting et d’une sélection de musiques issues de quelques autres titres SNK (King of Fighters XIV et XV, SNK Heroines par exemple).
Nos deux improbables compères mis de côté, il nous reste à voir ce que Fatal Fury: City of the Wolves nous propose pour profiter de ses joutes brutales, précises et endiablées. Côté solo, on retrouve la panoplie classique composée du mode arcade, versus, survie, entrainement et contre-la-montre. A cela s’ajoute « Episodes of South Town » (EOST). Ici on choisit n’importe quel personnage pour suivre une petite histoire racontée à la va-vite, sans mise en scène particulière, seulement de brefs dialogues écrits. Si on veut un peu d’histoire, autant se tourner vers le mode Arcade qui propose le minimum habituel (petite intro, rencontre avec le principal rival du personnage choisi, séquence de fin), mais qui fonctionne. Dans EOST le scénario avance à mesure que l’on gagne des combats disponibles un peu partout sur la carte de South Town. Certains sont obligatoires, d’autres non, mais tous contribuent à faire augmenter le niveau d’expérience de notre personnage pour lui permettre de faire face à tous les défis. En parallèle, on débloque régulièrement des bonus de statistiques à équiper en fonction de nos préférences et style de jeu. Si le principe d’EOST est intéressant pour les joueurs solo, il reste trop timide, trop limité pour intéresser au-delà des quelques heures nécessaires à le boucler avec un seul personnage. En dépit de l’ajout côté adversaires de combattants lambda plus ou moins bien inspirés (l’un par exemple combat sensiblement comme Ralph de King of Fighters), la progression est un peu molle et répétitive.
Reste alors à aller chercher en ligne de nouvelles opportunités. Fatal Fury: City of the Wolves propose pour cela ce que l’on retrouve dans la plupart des jeux de baston en 2025 : des matchs classés ou non, la possibilité de créer des lobbys et à l’image de Samurai Shodown, on retrouve les combats contre les clones. En résumé il s’agit de combattre des personnages dont l’attitude, le style de combat, ont été extraits par l’IA en analysant la façon de jouer des joueurs en ligne. On a donc nous aussi notre propre clone et l’on peut ainsi combattre celui des autres, voire celui d’un développeur du jeu. En ce qui concerne les conditions de jeu, Fatal Fury: City of the Wolves utilise le rollback netcode pour faire au mieux (on n’est jamais à l’abri d’un adversaire mal équipé) et grâce au cross-platform la possibilité de trouver des adversaires devrait demeurer correcte pour un bon moment.
On ne saurait bien évidemment conclure cette plongée dans la meute des loups sans un mot sur la prestation visuelle de Fatal Fury: City of the Wolves. Le dernier né de la famille SNK convainc sans trop de réserves, bien que son style tranche clairement avec la sobriété de Mark of the Wolves (même si c’est plutôt logique après 25 ans). Le style comics adopté jusque dans les scénettes d’avant-combat fonctionne bien, les contours sont appuyés, les couleurs saturent et flirtent intelligemment avec la limite acceptable pour un jeu Fatal Fury. On retrouve des décors vivants, détaillés et surtout des personnages qui crèvent l’écran, notamment lors de l’exécution des attaques « REV Blow ». En dehors du fait que ce nouveau style créé parfois quelques petites incohérences sur l’âge supposé des combattants (Mai Shiranui et Billy Kane semblent avoir rajeuni), l’ensemble est très plaisant à regarder.
Notons enfin que City of the Wolves inclus une petite touche nostalgique en réintégrant dans l’un des stages le système de combat sur deux plans ! L’occasion de retrouver ce mode de combat très particulier qui a accompagné la plupart des jeux Fatal Fury. Il ne manque finalement que plus de choses à découvrir, car City of the Wolves est plutôt pingre du côté des tenues alternatives et aucun personnage secret par exemple n’est à débloquer. Il y a bien un éditeur de couleur et des artworks, mais on n’aurait pas dit non à un peu plus de contenu à débusquer.
+
- Fatal Fury, enfin de retour
- Gameplay riche et engageant
- Visuellement soigné
- Jukebox comprenant toute la B.O de la saga
- Cinq personnages supplémentaires à venir
- Roster de base serré mais très intéressant…
-
- … En dehors des deux « invités », complètement hors-propos
- Mode EOST mal exploité
- Peu de choses à débloquer
- Plus difficile d’accès que la moyenne