Jeux

Jade Empire

Aventure | Edité par Microsoft Studios | Développé par BioWare

8/10
360 : 22 avril 2005
03.05.2005 à 18h09 par |Source : http://www.xbox-mag.net/

Test : Jade Empire sur Xbox

Comme pour un cocktail à base de litchi et d’alcool de riz, l’ivresse vous étreint dès les premières minutes de Jade Empire dont les paysages aux mille senteurs et couleurs laissent en bouche un goût fruité. Carte postale du bout du monde, l’univers onirique et fantasmé du nouveau titre des studios BioWare se manifeste sous la forme d’une invitation au voyage, aussi mystérieuse qu’une peinture sur paravent ou ces îles lointaines qui passionnèrent tant d’intrépides navigateurs. Le rideau s’ouvre enfin sur une scène de théâtre chinois et la marionnette narratrice commence à raconter le récit des tribulations d’un héros qui s’ignore encore.

Lao Tzeu a dit « il faut te couper la tête pour connaître la voie »

Sous un ciel rouge sang, une citadelle périt sous les flammes pendant que se faufile dans l’ombre, invisible aux yeux des ennemis, un homme étreignant un nourrisson contre son cœur… Vingt ans se sont écoulés et le jeune apprenti guerrier que vous êtes s’apprête à quitter l’école des Deux Fleuves où vous fut dispensé un enseignement en arts martiaux, sous le regard bienveillant du sage maître Li. Au terme de votre formation, le seigneur des lieux vous convoque car le temps est venu d’extraire de sa mémoire des informations longtemps cachées au su et au vu de tous. Ne peut devenir un héros celui dont les dieux ne se sont pas penchés sur le berceau, semant ainsi la poudre d’étoile qui fait d’une simple vie terrestre un destin de meneur d’hommes. Deux décennies auront été nécessaires pour vous préparer à affronter une destinée dont le poids pèsera à jamais sur le sillage sinueux que vous emprunterez dans la peine, la joie ou la tourmente. Serez vous le digne descendant de maître Li en adoptant la philosophie de la Paume Ouverte – la voie de la Bonté – ou opterez vous pour une façon de vivre plus vindicative à l’instar des défenseurs du Poing Fermé ?

Mille questions à propos des étranges circonstances entourant votre naissance vous assaillent comme mille aiguilles d’acuponcture plantées dans le dos, mais déjà les affres d’une vie de héros se dessinent insidieusement tandis que le village qui abrite votre école subit les assauts d’une attaque de pirates. Votre maître y voyant un signe annonciateur de mauvais présages vous divulgue une dernière vérité au milieu des cris : il n’a pas juste été l’enseignant adepte du chemin de la sérénité que vous avez toujours connu, mais fut autrefois un vaillant combattant – frère de l’empereur régnant – qui fit vœu de repentance lorsque les liens du sang ne surent plus justifier les exactions machiavéliques de son aîné.

A peine avez-vous le temps de méditer sur cette ultime révélation que vous voilà lancé sur les traces d’Etoile de l’Aube, votre amie d’enfance, enlevée par un autre élève le Petit Gao – l’indiscipliné rejeton du puissant seigneur Gao le Grand. Tentative visant à vous éloigner momentanément de votre lieu d’instruction, c’est une école ravagée et désertée que vous rejoindrez, apprenant que votre maître a été emmené par les sbires assassins de Main Noire, l’homme le plus redouté de la côte. Cette entrée en matière, durant laquelle vous seront montrées les techniques de base en combat, ouvre la voie vers une aventure à rebondissements dont les aléas vous mèneront fatalement vers la grande cité impériale afin de découvrir ce qui se trame derrière l’enlèvement de votre protecteur et gardien de la paix.

Le théâtre du Destin se joue entre ombres chinoises

Le dernier descendant des guerriers du Dragon d’Eau, que vous incarnez, sera à sélectionner parmi un panel de sept profils (quatre masculins et trois féminins) – tous affublés de caractéristiques de départ ayant trait à la force, à la rapidité ou à la magie mais dont vous pourrez en gommer plus ou moins les différences grâce à la répartition des points d’expérience propre au style RPG. Outre le classique gain de points lors de l’achèvement d’une quête ou après un combat, votre expérience se construira aussi joliment à travers des propos échangés ou en prenant le soin de lire les assez nombreux manuscrits, éparpillés aux quatre coins de l’empire et sources intarissables de connaissances. Maître mot du jeu, la connaissance s’y transmet oralement et sur papier de soie et vous guidera dans les phases de doutes car comme aimaient à le souligner les philosophes des temps antiques, elle demeurera votre arme la plus fiable.

A la croisée des chemins, jalonnés de voyageurs, paysans et autres marchands, vous rencontrerez des compagnons d’infortune près à vous suivre dans votre périple – que leurs motifs convergent ou divergent avec les vôtres. Les différences d’alignement et de mobiles conféreront une indéniable profondeur aux relations sociales – sous-entendant la possibilité d’interroger vos compagnons sur leurs passés respectifs et d’approfondir des liens que ce périple rendra indéfectibles. Douze valeureuses âmes viendront étayer la liste de ceux qui combattront à vos côtés mais un seul, au choix, devra généralement vous accompagner. L’originalité du titre se manifeste essentiellement au niveau de leurs attributions puisque parmi eux figurent un cuisinier bavard, un savant loufoque, une sorte de bon génie et une petite fille liée par l’esprit à un démon qu’elle peut invoquer à tout moment.

Nombreuses sont les créatures à errer par ailleurs dans l’empire de Jade – issues des mondes d’outre tombe, terrestres ou des paradis célestes : les décors s’en retrouvent incroyablement peuplés et animés d’autant plus que la plupart des PNJ vaqueront à leurs activités professionnelles ce qui renforce l’impression de vie autour de la vôtre. Certains joueront un rôle primordial au sein de votre progression en distillant de précieuses informations, d’autres requérront un service (sous forme de mini-quête) alors que la troisième catégorie se contentera de faire part d’un état d’âme ou d’une constatation. Soucieux du détail, les créateurs se sont attelés à faire du bestiaire une représentation fidèle des contes et légendes asiatiques en y incluant des fantômes, des cannibales, des démons, des esprits de la forêt, des dieux…dans un univers en Yin et en Yang où le Bien se dispute avec le Mal tel deux frères sacrifiés comme nous le narre le vieil homme lors du générique de début. La prédominance du singe, animal vivace et rusé, dans les décors se fait t’elle d’ailleurs le symbole du Malin dont la présence dans l’ombre stigmatise la difficulté de persister dans le droit chemin et de ne pas céder aux nombreuses tentations ?

De la papaye verte vitaminée pour les guerriers

Ce parcours initiatique sera l’occasion de mettre à profit vos talents en arts martiaux, appris au grès de vos rencontres (les PNJ pouvant vous enseigner un style) et ceci à maintes reprises – les combats étant le pilier de cette production. Orchestrés comme de véritables ballets, les affrontements pourront être appréhendés de diverses manières et en fonction de trois niveaux de difficulté tandis que les différents styles pourront être affectés au pad multidirectionnel dans un souci d’usage rapide. Vous pourrez lui attribuer les différents style de combat incluant l’arme de prédilection (bâton ou sabre au départ), les techniques martiales comme Vague Céleste ou Tigre Bondissant, les styles de soutien ou les « dons » magiques – avec pour option de faire appel à la métamorphose en prenant, par exemple, les traits d’un démon requin dont la puissance permettra d’efficaces attaques de zone. En cas de phase plus ardue, l’activation de la touche Y déclenchera une séquence de concentration intense qui ralentira un temps vos ennemis et permettra de placer des coups plus ciblés, de même que les touches A et X simultanées donneront l’opportunité de bénéficier d’un court répit et de se revigorer (via le bouton blanc) lorsque la barre de santé frôle le palier critique.

Si vous souhaitez miser sur un style à la manière d’un Tigre et Dragon de Ang Lee, le bouton B cumulé au stick analogique gauche permettra d’esquisser une parade latérale (arme en avant) ou d’effectuer de superbes sauts avant et arrières, idéals pour se placer derrière un ennemi et lui assigner un coup fatal. Si, en contrepartie, c’est votre adversaire qui pare il s’agira de bien se positionner et d’appuyer sur X pour briser sa défense – en gardant à l’esprit que ce que vous pouvez entreprendre, vos adversaires le peuvent aussi d’où la nécessité de se montrer souvent rapide et attentif. Votre personnage ne portant pas d’armure, le moindre coup peut s’avérer coûteux en points de vie et souvent deux mouvements bien placés vous seront fatals (en mode par défaut). Exception faîte de la possibilité d’acheter des plantes curatives, vous vous soignerez grâce à votre Chi – une énergie intérieure que les maîtres en disciplines martiales apprennent à contrôler -et qui se concrétise par une barre de mana située en haut à gauche de l’écran. De même, on notera la présence de barres de vie et de concentration, toutes trois rechargeables si besoin est dans les fontaines spirituelles et sanctuaires de concentration qui parsèment les environnements ou en tuant parfois un ennemi (récupération de boules de couleur).

En dehors de ces aspects, les points d’expérience se répartiront dans les catégories Corps, Esprit et Raison – elles-mêmes intimement liées aux domaines de la persuasion, de l’intimidation et du charme – ainsi que dans les catégories techniques. La progression, rapide par ailleurs, allouera de combiner par la suite deux styles et de varier à loisir les possibilités. Les affrontements transpirent la fluidité et la rapidité en dépit d’un gel d’écran pendant deux à trois secondes lorsque vous éliminez un ennemi et un traitement du frame rate qui donne parfois l’impression de ne plus voir votre héros à l’écran (les angles de vue étant aussi de temps à autres bizarrement placés lorsque vous vous battez sur un escalier par exemple). Certes, les caractéristiques de votre compagnon ne sont pas paramétrables – hormis le fait de lui demander d’attaquer ou de soutenir – mais il se placera toujours de manière judicieuse par rapport à vous en combat, n’attaquant pas par exemple le même adversaire et se focalisant sur un autre sauf quand il n’en reste plus qu’un évidemment ! Quant à vos ennemis, leur IA a été intelligemment étudiée et ils n’hésitent pas à se jeter sur vous à plusieurs, à vous frapper dans le dos ou à avoir recours à la magie. Le tableau jouit d’une jolie finition, très appropriée et donnant presque l’envie de s’arrêter un instant pour apprécier les circonvolutions des personnages.

Un univers fantasmagorique et introspectif à la Akira Kurosawa

Acidulé et chatoyant comme un fruit exotique, Jade Empire se croque à pleines dentsgrâce à des paysages jouissant d’une superbe colorisation et d’extérieurs finement étudiés (végétation, présence d’animaux, architecture adaptée, magnifiques couchers de soleils, profondeur des effets visuels telles les volutes de fumée ou de brume, ). Les variations de lieux à visiter (villes, villages, cité dans les nuages, grottes, nécropole, campagne, campement…) annihilent toute impression de répétitivité d’autant plus que les allers et retours ne sont pas légion. De taille imposante, les environnements s’offrent le luxe d’être véritablement peuplés et une fois n’est pas coutume, la cité impériale ressemble à une ville avec ses activités journalières, et pourquoi d’ailleurs ne pas en profiter pour se recharger en matériel durant ces haltes dans les villes et villages. Hormis une quête principale sous forme d’investigation pour retrouver maître Li et donner un sens aux évènements qui prirent place vingt ans auparavant, vous serez libres d’accepter toute demande subsidiaire notamment pour l’appât financier et de réunir les vestiges d’une amulette ancestrale qui vous revient de droit (d’après votre protecteur) et dont les morceaux furent dispersés dans le but de ne pas atterrir entre les mains des assassins à la solde de Main Noire. L’amulette pourra être agrémentée de cristaux qu’on ramasse ici et là, sorte de monnaie d’échange dont les caractéristiques en fonction des modèles octroient des surplus d’expérience.

On peut cependant reprocher un système un peu trop basé sur les « couloirs » dans les zones pastorales, aspect nettement moins distinct dans les environnements citadins et qui n’entrave aucunement le plaisir de finaliser les quêtes. En revanche, la jouabilité souffre de l’équation borne de dialogues + séquence cinématique + combats qui se répète perpétuellement et s’avère donc susceptible de plaire surtout aux amateurs de combats. De surcroît,aussi belles soient elles les séquences cinématiques sont en surnombre et le titre bat incontestablement le record de longueur de dialogues d’où un temps de jeu considérablement réduit qui frustre parfois.

Pourtant en parallèle, ces séquences cinématiques mettent en perspective des vues en plongée qui rendent honneur aux sublimes paysages du titre ainsi qu’à l’incroyable modélisation de personnages. Le pari de faire des dizaines de PJ et PNJ au physique asiatique était techniquement audacieux mais les créateurs sont parvenus à les distinguer tout en les munissant d’expressions faciales criantes de vérité et très à propos. Que ce soit au niveau des graphismes ou d’une interface bien agencée et dans la même veine que Star Wars : Knights of the Old Republic, la patte des studios BioWare est encore une fois très perceptible. A l’instar des précédentes productions, un soin particulier a été attribué à la concordance des dialogues et au choix des musiques, essentiellement composées de percussions asiatiques. Palette de couleurs et de goûts, le soft s’ouvre (en bien ou en mal) à un plus large public puisque davantage orienté vers l’action-aventure que vers le RPG au sens littéral.

Bourré de références cinématographiques et se situant à la frontière entre « Rêves » de l’auteur susmentionné et « Le Dernier Samouraï » d’Edward Zwick, Jade Empire vous confronte à un scénario prévisible au sein duquel un simple élève apprend que sommeille en lui un potentiel héros, dernier survivant de sa caste et destiné à endosser un rôle qu’il teintera d’ondes positives ou négatives. L’histoire – sans s’avérer d’une originalité surprenante – est avant tout le catalyseur pour mettre en scène des combats vertigineux servis par une pléiade de mouvements si minutieux et esthétiques qu’on frôle l’envie de s’inscrire au club de karaté du quartier. Les quelques défaillances techniques (gel d’écran quand un ennemi est tué, légers ralentissements lorsque l’on court, mouvements parfois dans le vide avant de pouvoir se repositionner en cours de combat) ne desservent pas vraiment une production qui possède largement les atouts pour convaincre même les plus réticents aux jeux de combat. Manquerait peut être que des borgnes de dialogues un brin moins longues (alors que les temps de chargement ont été réduits) et une personnalisation du héros un peu plus étoffée (le choix des armes et tenues ne valant pas ce que était proposé dans KOTOR) pour parler de perfection. Il en ressort pourtant une production joliment fignolée et qui se pare de vert comme le jade, cette pierre à la finesse impénétrable que les chinois appelaient Yu et à laquelle ils prêtaient le pouvoir d’éternité.

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      • Pierre précieuse sortie de son écrin et polie par les mains expertes des créateurs de BioWare, Jade Empire est un trou de verdure où chante une rivière comme seuls les grands poètes peuvent en clamer la beauté.
      • Une interface calquée sur le modèle de KOTOR, ergonomique et rapidement assimilable pour notre plus grand bonheur puisque, de leur côté, les techniques de combat nécessitent un peu de temps pour être parfaitement maîtrisées.
      • Moins impressionnante que dans les précédentes productions, elle demeure honorable en dépit du surnombre de séquences cinématiques et de bornes de dialogues sans fin qui faussent le « vrai » temps de jeu.
      • Une musique imprégnante et immersive sur fond de percussions saupoudrée de superbes dialogues sans défaut de traduction. Les propos échangés avec les PNJ recèlent bien souvent de précieux détails dans le cadre de vos quêtes.
      • Plutôt prévisible, il retrace votre sinueux parcours de jeune guerrier en proie aux influences bonnes ou mauvaises et à qui on demandera d’assumer un Destin au sein duquel vous assumerez vos choix – votre profil initial n’influençant pas toutefois la tram
      • Tourné davantage vers l’action plutôt que vers le style RPG malgré d’évidentes références (l’épisode de l’esprit de la forêt malade étant calqué sur celui de Neverwinter Nights), Jade Empire est la bouffée d’air printanière que nous attendions.
      • Une superbe modélisation de personnages rehaussée d’expressions faciales très vivantes. De la fluidité et de la rapidité au service des combats dignes des plus grandes productions hollywoodiennes.