Jeux

King Kong

Action/Aventure | Edité par Ubisoft

10/10
360 : 17 novembre 2005
25.11.2005 à 22h16 par

Test : King Kong sur Xbox

En 1933, l’histoire d’amour improbable entre un gorille géant et une actrice de cinéma fut l’une des premières productions à faire appel aux « effets spéciaux ». Un choc visuel pour l’époque et les prémices d’une vocation chez un gamin de neuf ans prénommé Peter Jackson, lequel visionna le film en 1970. Après avoir majestueusement orchestré l’œuvre de J.R.R Tolkien, le talentueux réalisateur néo-zélandais rend hommage à la fiction de Merian.C.Cooper et Ernest.B.Schoebdsack, poussant l’adaptation jusqu’à collaborer avec les studios d’Ubisoft Montpellier et le non moins créatif Michel Ancel – autre prodige des mondes virtuels. C’est parce qu’il est lui-même un héros tout en démesure que King Kong ne pouvait se contenter que du 7ème art et se devait d’approfondir la licence avec un portage en jeu vidéo, défendu bec et ongles par deux génies qui n’ont eu de cesse de vouloir faire rêver les gens. Bienvenue dans l’univers du roi singe – l’une des plus belles réussites de ces dernières années sur Xbox.

La bête traque, l’homme survit et le joueur fait un bond dans le temps

Nous sommes dans les années 30, un auteur de pièces de théâtre etun intrépide réalisateur embarquent pour Skull Island (près de Sumatra) en compagnie d’un équipage et d’une actrice sans le sou. Cette île, non répertoriée sur les cartes, s’avère idéale pour tourner les scènes d’horreur en extérieur de leur prochain film. C’est pourtant un tout autre périple qui les attend, un voyage au bout de l’enfer sur une terre d’asile dont même le temps n’a pas franchi les limites. Une mer houleuse obligera les rescapés à survivre au milieu d’une mystérieuse faune jusqu’à ce qu’un hydravion puisse les secourir. Parmi eux, figurent Jack Driscoll, son comparse Carl Denham, la blonde Anne Darrow, Hayes et le jeune Jimmy (respectivement Adrian Brody, Jack Black et la belle Naomi Watts au cinéma pour les trois premiers). Alternativement dans la peau de Jack (vue à la première personne) ou de King Kong (vue à la troisième personne) – une idée de Peter Jackson en personne – le joueur entamera une croisade en pays sauvage, dans une jungle recelant de créatures surprenantes.Et dès le début, l’immersion est si profondément ancrée que l’on s’imagine dans la peau de l’anthropologue et ethnologue Claude Levi-Strauss, en quête de quelques populations primitives cachées. Dans le rôle du premier, vous serez accompagnés de vos camarades d’infortune ce qui implique – entre autres – que vous aurez à assurer leur survie. Une nécessité qui s’explique par le manque d’indications à l’écran. Première surprise en débutant l’aventure, l’interface de jeu ne possède aucun élément visible à l’écran une fois votre partie activée : ni jauge de vie, ni arme, ni boussole, ni objectif à atteindre. Seule la nature s’étend devant vous à perte de vue, une technique créant une profondeur de champ hallucinante et terriblement prenante. Ce sont, en fait, vos alliés qui suggèreront des actions à entreprendre vous laissant toutefois le libre arbitre pour la méthode à adopter tandis que la gâchette gauche fera apparaître votre arme (le choix nous étant offert de l’activer ou non – une option pratique dans le cadre des courses-poursuites puisque l’arme gêne la visibilité). L’implication dans l’aventure est renforcée par l’essoufflement de Jack, plus prononcé lorsque le héros a couru ou grimpé, ainsi que par une caméra non figée qui évolue au gré de vos mouvements (tressautant par exemple lors des courses).

Au cœur d’une faune de plusieurs millions d’années

Est-ce parce que dès le départ Peter Jackson a pensé à l’adaptation du film en jeu vidéo que ce dernier intègre aussi parfaitement des techniques propres au cinéma (caméra quasiment à l’épaule comme dans Le projet Blair Witch, son en 5.1, sensation d’esprit et de vue brouillés lorsque le héros se blesse, décors gigantesques et faune à la Jurassic Park). En effet, jamais un support vidéo n’aura autant donné l’impression de jouer tout en étant « filmé » – presque une redondance d’ailleurs puisque l’un des héros filme l’action pendant que vous la vivez d’où l’impression de cadrage dans le cadrage. Pour coller au réalisme du support grand écran, l’équipe d’Ubisoft Montpellier a du se prêter à un laborieux travail de modélisation. Invités en Nouvelle Zélande, les membres ont pu visualiser les décors du film afin de retranscrire l’ambiance voulue par Peter Jackson en monde virtuel et mouvant. En dépit de l’aide apportée par les studios WETA (artworks, photographies et modélisations en 3D), le challenge pour crédibiliser les dinosaures et les mouvements de Kong plaçait la barre très haute. Le studio français a donc opté pour la méthode des « inversed kinematics » afin de pourvoir les créatures d’une intelligence artificielle et d’un comportement convaincants. Dans le jeu, cela se traduit par des animaux qui deviennent plus agressifs lorsque vous les blessez ou que vous les attaquez, qui vous cherchent du regard quand ils vous sentent et vous suivent – abandonnant malgré tout la partie quand ils vous perdent de vue. A diverses reprises, vous pourrez détourner leur attention en utilisant le cadavre d’une autre bête ou en jetant un objet puisque ils sont hypersensibles au bruit. Plus intéressant encore, la faune vit indépendamment de votre progression, à savoir qu’il est possible d’observer la vie alentour et que chaque créature se livre à ses propres rituels. Un résultat renforcé par l’utilisation du moteur graphique baptisé « Jade Engine », lequel gère les nombreux effets de lumière et variations climatiques du soft. Au final, les décors et les animations s’avèrent incroyablement fidèles d’autant plus que l’équipe de développement n’a pas pu utiliser les « motions capture » pour toutes les séquences de jeu, se contentant de photographies. Pourtant, le rendu des acteurs s’avère très proche de la réalité mais il n’en demeure pas moins que c’est face aux dinosaures et au grand singe que nous sommes le plus enclins à parler de perfection.

Quand le royaume du roi singe s’étend à vos pieds

L’équipe travaillant sur le projet du jeu vidéo a observé l’évolution de gorilles en milieu naturel afin de mieux intégrer les manières de ces grands singes tout en pensant à l’idée de rendre Kong « humain ». Techniquement parlant, l’objectif – réussi précisons le – était de faire ressentir une certaine lourdeur dans la gestuelle du gorille lorsqu’il est au sol et maîtrise mal son environnement de par sa taille excessive mais une agilité indéniable lorsqu’il évolue dans les airs (lianes, branches, racines). La sensation s’en trouve, du coup, totalement différente entre les passages au sol où Kong se bat la majeure partie du temps (il peut alors arracher un arbre, attraper un ennemi et le jeter, rompre un coup en écartelant la mâchoire d’une créature, détruire des constructions et déclencher un regain d’agressivité en tambourinant sur sa poitrine) et les passages où il passe de plateformes en arbres avec une agilité incroyable. Le choix de la caméra lointaine en vue à la troisième personne met davantage en avant l’imposante carrure et la force magistrale du singe et donne aux décors tout l’aspect « milieu naturel » qui lui est nécessaire pour évoluer avec aisance. Sa fourrure, sa gestuelle et ses expressions, voire sa moins bonne motricité lorsqu’il est blessé, contribuent pleinement à notre attachement envers cette créature au regard extraordinairement rendu. En parallèle, vous serez amenés à croiser des scolopendres, des crabes géants, des galliminus, des terapusmordax (chauve-souris), des araignées et des dérivés de la famille des dinosaures, du petit à deux pattes (teigneux tout de même) au très rapace T-Rex. Certes, personne de notre vivant n’a pu les contempler d’où la réflexion qu’on ne saura jamais vraiment comment ils étaient et pourtant, la sauce prend tant au niveau graphique que sonore. La faune court, vole, mord, attaque, mange…mais sera sans cesse aux aguets pour vous traquer. Cela donne naissance à des scènes d’anthologie comme la marche au milieu des brontosaures en migration (probablement la plus belle scène du soft) ou la course entre des colonnes pour échapper à un T-Rex qui vous prendrait bien comme amuse bouche – il est alors excellent de se retourner et de voir sa grosse bouille derrière vous-même si la scène file une sacrée frousse ! Evidemment, comme vous êtes personna grata que si vous acceptez de vous faire bouffer en ces lieux hostiles, il s’agira de se défendre en récupérant des armes improvisées (pieux, morceaux d’os) et les quelques pistolets et mitraillettes trouvables dans les caisses larguées par l’hydravion. Ne vous attendez pas toutefois à affronter toutes créatures avec vos deux petites poignes : face à un T-Rex mieux vaut prendre ses jambes à son coup et courir à perdre haleine.

Eviter que sa tête ne finisse réduite au bout d’un pieu

Evidemment, la réalisation n’est pas exempte de défauts dont nous citerons essentiellement une durée de vie courte bien qu’intense et la répétitivité de certaines petites missions comme trouver des branches pour remplacer les manivelles qui servent à activer l’ouverture de certaines portes. En contre partie, certains détails reprochés au titre sont peu tangibles : on ne peut porter plusieurs armes, certes, mais nous sommes en 1933 et les sacs à dos à poches multiples n’ont pas été inventés (qui plus est, les personnages sortent d’un naufrage), les gestes sont limités c’est vrai mais les héros ne sont pas des agents de la NSA en mission d’infiltration et non, ils ne font pas de roulés boulés sous les pattes des brontosaures, les balles ne touchent pas au premier coup : tentez donc de ralentir un T-Rexà coups de chevrotine, au mieux vous lui abîmez une dent !. Quant à évoquer un scénario plutôt mince, il est fidèle à l’œuvre originale et ne nuit nullement aux émotions ressenties- d’autant plus qu’il n’est pas moins étoffé que tout titre où le but est de survivre. Recadrons la situation, le titre ne s’adresse évidemment pas aux fans de héros bourrés de testostérone et surarmés, les personnages sont ici des civils comme vous et moi, ce qui renforce l’idée que l’être humain n’est qu’une poussière face à ses créatures millénaires. En sus, le joueur appréciera l’interactivité entre les personnages puisque vos compagnons peuvent, entre autres, vous lancer une arme ainsi que des bornes de dialogues et une bande originale qui mérite d’être salués. Le bruit, élément essentiel au cœur de cette exploration, s’exprime par des sons très réalistes et faisant souvent sursauter – à noter que Ann hurle quand même beaucoup (on admire l’actrice qui a prêté sa voix et a du finir aphone).


Des sensations fortes (peur, amour, tristesse), de l’aventure, des paysages grandioses, l’exploration de terres inconnues, des rebondissements…autant d’ingrédients qui nous projettent dans ces films cultes de la Metro Goldwyn Mayer ou des studios Universal. L’alliance mêlant jeu et cinéma est à chaque seconde perfectible, recréant finalement l’osmose parfaite qui s’est installée entre le réalisateur et le créateur de jeu. Entre traqueur et traqué, le titre propose un admirable chassé croisé doté de deux gameplay intéressants à jouer. Gros bémol, l’histoire se conclut trop rapidement malgré les deux « fins » disponibles et des bonus à débloquer, plutôt chouettes à visualiser comme les créatures du jeu répertoriées comme si nous visitions un musée d’anthropologie.

+

  • Des décors en mouvement et réactifs
  • Des graphismes travaillés et réalistes
  • Des effets visuels et sonores totalement immersifs
  • Un savoir faire indéniable avec Ancel et Jackson

-

    • Un travail pointilleux effectué sur des paysages mouvants, réactifs et détaillés (vent qui souffle, herbes que l’on peut faire brûler, ronces qui vous empêchent d’avancer). On est pris au ventre dès les premières minutes tant le réalisme est de mise.
    • Assez surprenante au départ de par son absence totale d’éléments à l’écran et lorsque nous courons derrière nos camarades, avec caméra qui tressaute. La prise en main devient vite acquise toutefois avec quatre mouvements pour Kong.
    • Elle demeure le point regrettable de cette production, en revanche on apprécie les sauvegardes automatiques courantes afin de ne pas trop rejouer les mêmes scènes.
    • Majestueusement orchestrée et ponctuée de dialogues mis en juste proportion et de bruitages ultra réalistes. Avec un home cinéma, on se croit littéralement dans Jurassic Park.
    • Fidèle à l’histoire originale que l’on a pu aimer ou pas, du coup on ne notera pas l’aspect créatif mais plutôt sa retranscription en jeu vidéo – un exercice difficile.
    • Si Peter Jackson réussit aussi bien sa copie alors nul doute qu’il sera en course pour un quatrième oscar. Malgré une durée de vie plutôt mince et quelques objectifs répétitifs, la sauce prend et l’émotion nous submerge.
    • Avec les graphismes et le bruitage, elle constitue le combiné gagnant. Tout simplement grandiose, on frôle la perfection !
    • Cela se termine bien trop vite il est vrai
    • Certains objectifs demeurent trop répétitifs