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La Planète des Singes : Dernière Frontière

Action/Aventure | Edité par The Imaginarium | Développé par The Imaginati Studios

6/10
One : 24 August 2018
03.09.2018 à 17h30 par

Test : La Planète des Singes : Dernière Frontière sur Xbox One

Petits moyens, grosse franchise et moyennes ambitions.

Premier jeu édité par The Imaginarium, studio cofondé par l’acteur Andy Serkis, et première adaptation vidéo-ludique de la franchise LA PLANETE DES SINGES, DERNIERE FRONTIERE se présente comme une expérience visant à réduire encore plus l’écart, la frontière justement qui sépare cinéma et jeu vidéo. Alors, pari réussi ou nanar perdu entre deux mondes ?

Note de la rédaction : Bienvenue dans le premier Test XL sur Xbox-Mag, soit l’addition de la critique écrite et du vidéo-test au même endroit, au même moment.

Avertissement : Toi, joueur hardcore pur et duriste, qui t’apprêtes à lire ces quelques lignes. Avant toute chose, mets tous tes aprioris de côté, car c’est d’un film interactif que l’on va parler et pas d’un jeu vidéo « classique ». Alors on range bien au chaud le regard dur que l’on pourrait porter envers ce type de production, grand public, ouverte, pour se concentrer sur ce qui fait les qualités et les défauts de La Planète de Singes : Dernière Frontière.

Pourquoi ces quelques lignes d’avertissement ? Tout simplement parce que parfois la moindre évocation de la désormais très populaire ligne de jeux vidéo cataloguée « film interactif », dont les jeux Telltale, Quantic Dream ou encore de vrais succès commerciaux comme Life is Strange et Until Dawn sont les meilleurs ambassadeurs, déclenche les foudres et passions de deux camps, plus opposés par l’idéologie représentée par le genre en lui-même plutôt que par la qualité intrinsèque de chaque nouveau représentant du genre. Avec d’un côté ceux qui ont décidé que les films interactifs n’étaient pas du jeu vidéo et qui en viennent à rejeter absolument tout ce qui embrasse le format, quand bien même celui-ci serait un retour à un genre particulièrement populaire dans les années 90 (Late Shift) ou bien une réussite totale et majeure qui a marqué la narration vidéo-ludique (Walking Dead Saison 1). De l’autre il y a un groupe, dont votre serviteur avoue sans problèmes faire partie, les passionnés de bout en bout par ce type d’expérience, à mi-chemin entre le cinéma et le jeu vidéo, prêts à tenter tout et n’importe quoi dans le genre, à partir du moment où on leur promet une grande aventure. Devant tant de passion et évidemment un enjeu économique certain, il n’est pas étonnant de voir les majors du cinéma et du jeu vidéo se lancer à corps perdus dans l’exercice. On pense à Sony, Warner, Square Enix et même probablement Microsoft dans un futur proche (des rumeurs reviennent sur un projet en cours de développement en partenariat avec Dontnod, développeur de Life is Strange 1 & 2 et du futur Twin Mirror) et en l’occurrence les studios Fox via leur filiale Fox Next pour l’édition de LA PLANETE DES SINGES : DERNIERE FRONTIERE dont on va parler en détail après cette longue, mais nécessaire, introduction.

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Se déroulant entre le deuxième épisode, L’AFFRONTEMENT, et le troisième,  SUPREMATIE, de la nouvelle trilogie de LA PLANETE DES SINGES (débutée avec l’excellent LE COMMENCEMENT), DERNIERE FRONTIERE (LAST FRONTIER en VO), reprend à sa sauce les événements de L’AFFRONTEMENT, en nous contant les histoires entrecroisées du singe Bryn, cadet des trois fils de Khan, chef d’une tribu de singes obligés de se terrer dans les montagnes pour se protéger du danger humain alors que la famine guette le clan. Il est tiraillé entre son frère ainé, Tola, singe agressif, paré pour la guerre et prêt à tout pour assurer survie et opulence au clan et les ordres de son père, vieux singe pacifiste épaulé par son conseiller Clarence qui prône la paix et la sécurité. Du côté de l’espèce opposée, même si finalement pas tant que ça, on prend le contrôle de Jess, veuve du leader d’une ville fortifiée humaine, obligée tant bien que mal de reprendre le commandement après le décès de son mari, sous l’œil inquisiteur de son rival Rainey et la crise d’adolescence de son fils -tête à claque- Matt.

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L’histoire et son déroulement étant l’intérêt principal du jeu, on s’arrête là pour éviter tout spoiler. Mais sachez qu’évidemment, malgré vos choix, tout ne se passera pas comme prévu et un enchainement de catastrophes et mauvaises décisions provoqueront inévitablement la rencontre et l’affrontement entre les deux groupes, tout en nous forçant à prendre des décisions qui pourront aller à l’encontre de celles faites avec le camp adverse. Grosso-modo, la trame reprend les grandes lignes de L’AFFRONTEMENT, autant dans la caractérisation des personnages (Tola = Koba, Jess = Malcolm, Clarence = Maurice, etc…) que dans les retournements de situations, avec quelques éléments directement repris de SUPREMATIE en prime, malgré une trame totalement inédite et parfaitement intégrée aux épisodes cinématographiques. Dis comme ça, ça peut paraitre réchauffé, mais cela n’a pas empêché THE LAST OF US d’être catalogué comme « Citizen Kane des jeux vidéo » (sic) alors qu’il recopiait la trame et le déroulement du chef d’œuvre LES FILS DE L’HOMME avec talent.

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Là où DERNIERE FRONTIERE réussit son pari et la où il risque de perdre beaucoup de monde en chemin par la même occasion, c’est qu’il prend la décision d’en faire le moins possible dans le spectaculaire et l’action en privilégiant les échanges entre personnages et les longues scènes de dialogues. Jusqu’à faire penser dans certaines scènes de conflits familiaux que oui, un « Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? » version film interactif pourrait exister et qu’en plus de ça il pourrait même être fun, si on nous donnait évidemment l’opportunité d’en claquer une à Ary Abittan et Frédéric Chau au passage. Le jeu offre énormément de séquences dialoguées à l’intensité particulièrement réussie, notamment par le nombre de choix parfois assez hallucinant (il n’est pas rare d’enchainer une quinzaine de choix différents dans une séquence d’à peine 10 minutes) et surtout les jeux d’acteurs. C’est vraiment remarquable, une émotion se dégageant avec réussite au travers, entre autres, du regard des singes, criant de réalisme. A contrario, les scènes d’actions, bien que très bien mises en scène, privilégient un côté « réaliste » en évitant la surenchère pyrotechnique (l’attaque de la ville la nuit est surprenante car réalisée d’une façon à laquelle on ne s’attend pas forcément) et l’absence totale de QTE, à l’exception notable de certains choix moraux à faire en temps limité, comme choisir de tirer sur un singe qui vous fonce dessus, ou abattre de sang-froid un homme désarmé.

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Ce rythme posé et couplé à un « gameplay » minimaliste se révèle efficace et de suite compréhensible, même pour la plus handicapée du pad de vos connaissances. Pour cette version Xbox One, exit la compatibilité Play Link, qui a rendu durant quasiment un an le jeu exclusif à la PS4 pour les versions consoles, tout se joue avec la simple utilisation de l’un des sticks (gauche ou droite, pas de jaloux) ou de la croix de direction pour sélectionner le choix de gauche ou de droite. A de rares occasions la touche A est sollicitée pour les choix moraux, tout cela bien évidemment durant un laps de temps limité, mais jamais trop court. Voila, c’est tout, l’expression « poser sa manette » prend tout son sens et DERNIERE FRONTIERE invente le jeu qui peut se parcourir du début à la fin un Coca dans la main droite et un Bounty dans la gauche, tout en validant ses choix avec juste un doigt de libre. On aime ou on déteste. Personnellement, je valide à mort.

Du côté des petit ajouts « exclusifs » à la version Xbox One, on retrouve une compatibilité Mixer qui permet à vos viewers de voter pour leurs choix en direct. Toujours sympa pour les adeptes du stream. A noter également un mode multijoueur (jusqu’à 4 joueurs) basé sur le même principe et franchement anecdotique, même si ça peut toujours remplacer l’embarrassante partie de 8 Américain quand tous les sujets de discussions ont été usité à table.

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Techniquement, le jeu offre certains passages d’un photoréalisme juste hallucinant (la scène du crâne de singe est tellement bluffant que je me suis réellement demandé s’il ne s’agissait pas d’un passage filmé avec prise de vue réelle), des personnages très bien modélisés, mais couplés à quelques fautes techniques inhérentes à l’ambition relativement modeste du projet. Le jeu a beau être issu d’une franchise connue internationalement, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’un premier jeu. Pour un coup d’essai, on peut saluer la réussite globale du projet et son standing qui malgré son statut de je indé, lui donne le cachet d’une adaptation de licence classe AA, comme on pouvait en voir fleurir par paquets, au bon temps des Xbox précédentes. Reste tout de même, probablement en forme d’hommage au maître du genre Telltale, quelques bugs résiduels de ci, de la, comme de légers freezes à la validation de certains choix, quelques menus ralentissements, des sous-titres parfois défaillants et pas mal de bugs audios. Pour rester sur le sujet, la bande-son est probablement le point le plus faible du jeu. Si la bande-originale est très réussie, bien qu’un brin répétitive, les doublages sont exemplaires et de plus accompagnés de sous-titres dans notre belle langue de Molière et sans trop de fautes ni oublis. En revanche, les cris de singes peuvent parfois s’avérer franchement casse-bonbons, voire carrément ridicules (quoi que, entendre Clarence péter un câble valait son pesant de cacahuètes) et surtout l’habillage sonore est juste totalement raté quand il n’est pas inexistant. Ne soyez pas surpris si au milieu d’une scène avec une demi-douzaine de chevaux vous n’entendez rien de plus que le vent et pas un bruit de sabot ou le moindre pet d’équidé à l’horizon. C’est probablement sur ce point que le jeu souffre le plus de son aspect fauché, limité et c’est bien dommage car l’environnement sonore participe grandement à l’immersion d’une œuvre narrative.

Pour finir, reste la question de la durée de vie. Le jeu est découpé en 5 chapitres plus un prologue et se  termine une première fois d’une traite en 3h30. Sachant qu’il existe plusieurs fins et que la tentation d’y rejouer plusieurs fois pour tenter de nouvelles actions sera plus que tentante, les décisions ayant souvent des incidences minimes sur l’instant, mais très importantes sur le long terme notamment via vos relations avec les personnages secondaires. A chaque fin de chapitre vous avez le droit à un tableau récapitulatif de vos rapports actuels avec les personnages, vous incitant, ou pas, à devenir plus ou moins diplomate et consensuel lors de la suite de l’aventure.

Vidéo-Test de La Planète de Singes : Dernière Frontière

6/10
Si vous recherchez une aventure courte et originale à faire entre deux AAA chronophages et exigeants, ou si vous êtes tout simplement fans de LA PLANETE DES SINGES et/ou du genre, vous pouvez foncer les yeux fermés pour cette très belle histoire, surprenante dans son parti-pris scénaristique. Une vision loin de l’idée selon laquelle un jeu vidéo devrait avoir des climax et des fusillades continuellement pour surprendre. En revanche, si vous avez été jusqu’ici réfractaire aux jeux au gameplay minimaliste, DERNIERE FRONTIERE n’est probablement pas le meilleur ambassadeur pour tenter de vous faire changer d’avis. Mais de toute façon, qui conseillerait un film tout juste sympathique à quelqu’un qui souhaite découvrir le cinéma ?

+

  • Techniquement souvent bluffant.
  • S’intègre parfaitement aux films.
  • Jeu d’acteur impressionnant.
  • Rythme posé et intimiste.
  • Il ne suffit pas de finir le jeu pour débloquer les 1000G.

-

    • Pas de QTE, donc absolument aucun challenge.
    • Petits soucis techniques.
    • Habillage sonore à l’économie.
    • Dernier chapitre un peu trop expédié.
    • 3H30, c’est un peu juste

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