Jeux

Lake

Aventure narrative | Edité par Whitethorn Games | Développé par Gamious

6/10
One : 01 septembre 2021 Series X/S : 01 septembre 2021
06.09.2021 à 08h44 par - Rédacteur

Test : Lake sur Xbox One

On doit honorer le chêne sous lequel on habite

Passer le cap de la quarantaine sans encombre n’est pas donné à tout le monde. Si la vie est faite de remises en question permanentes, celles qui surgissent au moment où l’on se rend compte que la première moitié de notre aventure est derrière nous débouchent parfois sur des choix éminemment importants. Ces deux phrases ne sont pas là pour vous mettre le cafard, mais pour introduire la critique de Lake sur Xbox Series X, jeu fraichement débarqué en téléchargement sur nos consoles. Nous avons ainsi voyagé dans l’Oregon de l’an de grâce 1986, pour un moment à mi-chemin entre la quête introspective et l’excessive douceur d’un téléfilm automnal sur M6.

Nous voyageons dans Lake jusqu’en 1986 pour faire la rencontre de Meredith Weiss. La quarantaine bien tassée, célibataire urbaine et indépendante, Meredith officie comme programmeur à l’heure des débuts de la démocratisation de l’informatique à domicile. Elle est l’élément clé du travail de son entreprise sur un logiciel de planification, ce qui implique autant de satisfaction dans la réalisation de ses missions que de pression dont il lui est difficile de se débarrasser. Heureusement pour elle les penseurs qui sévissent sur Linkedin n’existent pas encore, mais Meredith ressent toutefois le besoin de faire une pause. Alors, lorsque lui est proposé par son père l’opportunité de le remplacer pour une paire de semaines comme factrice à Providence Oaks, sa petite ville natale, Meredith saute sur l’occasion. Direction donc l’Oregon en septembre pour quinze jours de tournée aux commandes du fourgon postal local, le « bureau » du père de Meredith.

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D’aussi loin que l’on puisse s’intéresser à l’histoire et la géographie des Etats-Unis, ou que l’on se soit borné à en découvrir les spécificités en jouant à Life is Strange, voire par l’intermédiaire du visionnage contraint d’une bête histoire d’amour à 14h30 sur TF1/M6, on sait que l’état de l’Oregon a ce petit quelque chose de doux et de romantique que les autres n’ont pas. C’est le genre de région où le temps s’imprime sur l’écorce et s’exprime sur les feuilles des arbres millénaires, où la luminosité a quelque chose de spécial, où l’on ne va pas sur la plage pour siroter un cocktail mais plutôt pour songer au comment et au pourquoi de la vie. Bref, c’est le cadre parfait pour suivre Meredith durant les 5-6 heures que se développe Lake, un jeu qui n’a pas d’autre ambition que celle de dépeindre des tranches de vie.

Ne vous attendez pas à des surprises, à des mystères, des rebondissements, pas même à la découverte d’un colis piégé. Providence Oaks a le même niveau d’animation en faits divers qu’un journal télévisé dans la Creuse. Au fil des tournées de notre nouvelle factrice, absente de la région depuis près de 22 ans, on suit ses retrouvailles et ses nouvelles rencontres. Amis d’enfance, personnes nouvelles et disparues, lieux qui ont changé et d’autres qui demeurent, propices dès lors au souvenir… On discute, on rend service ou non, on cherche à renouer des liens ou au contraire à ne pas se laisser envahir par les racines du passé : le choix appartient au joueur, sachant qu’il n’y a pas de mauvaise réponse. A chacun de vivre son aventure, laquelle débouche sur deux fins principales possibles, voire une troisième qui demande cependant, à l’inverse du reste de l’aventure, d’opérer quelques choix précis.

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Lake est dans tous les cas la définition d’un jeu vidéo paisible. Il n’est rien d’autre que ce qu’il prétend, l’illustration d’une quête personnelle et simple dans un monde simple, et le fait d’une manière générale plutôt bien. Il faut être bien sûr prêt avant d’y jouer à suivre une histoire très ordinaire, à vivre des discussions qui pourraient être celles de monsieur et madame tout le monde dans la « vraie vie ». Les doublages en anglais sont bons, les textes en français globalement bien traduits, ce qui facilite le suivi de la pause opérée par Meredith pendant deux semaines.

C’est d’ailleurs sur ces quinze jours que se structure la progression de Lake et se développe la partie jouable du titre. Chaque jour Meredith se voit remettre un ensemble de lettres et de colis à déposer à des adresses précises. Aux commandes du fourgon, on gère librement l’ordre de passage sans risque d’erreur ou d’oubli, tout est fait pour que les choses soient claires et qu’il ne soit pas possible de commettre d’impair. Sur une petite carte dont on fait le tour en cinq minutes et qui comprend quelques petits embranchements, le fourgon se dirige de la même façon que dans un GTA ou assimilé. Une seule caméra (poursuite) est disponible, ce qui est dommage pour l’immersion et la présence de la radio aurait été vraiment appréciable si elle offrait un petit peu plus de pistes musicales. On a rapidement fait de la couper pour profiter plutôt de musiques d’ambiance discrètes et très à propos. Pour peu que l’on soit lassé au bout d’un moment de conduire sur des routes dont on fait rapidement le tour, il y a la possibilité de voyager rapidement vers quatre points principaux ou d’activer la conduite automatique vers de nombreux points de chute.

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A chaque fois que l’on arrive à destination, il convient de descendre du camion pour aller jusqu’à la boite aux lettres déposer un courrier ou la porte de la demeure pour un colis. Comme un vrai facteur, il arrive que l’on dépose le carton au pied de la porte un jour de pluie, faute de présence dans la maison. Et non, il n’y a pas dans Lake la possibilité de laisser un avis de passage alors que la personne est à son domicile, la quête de réalisme a ses limites. C’est lorsque l’on se déplace à pied que l’on remercie alors le ciel de ne pas avoir à aller très loin : Meredith marche ou marche un peu plus rapidement en appuyant sur une gâchette, mais elle ne peut courir. Impossible donc d’envisager de garer le véhicule pour déposer plusieurs courriers dans une même rue, c’est beaucoup trop lent. Comme un vrai facteur, on remonte parfois dans le véhicule pour n’avancer que de quelques mètres. Ces phases de livraison représentent une bonne grosse moitié du temps passé dans Lake et débouchent régulièrement sur des rencontres, des discussions menant éventuellement vers taches annexes. On dispose d’un agenda pour s’assurer de ne pas accepter deux choses à la fois mais dans 99% des cas le jeu fait en sorte que vous puissiez faire plaisir à tout le monde.

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Tout est ainsi simple dans Lake, clairement paisible, taillé pour les joueurs à la recherche d’une expérience reposante. De ce point de vue le jeu se défend bien et nous avons globalement apprécié la quinzaine au service postal de Providence Oaks même si on le répète, il ne faut s’attendre à rien de renversant. Cette relative réussite dans la simplicité se vérifie également d’un point de vue visuel, avec un jeu qui dispose d’une direction artistique agréable, tout en s’appuyant sur une prestation technique en dents de scie. L’ensemble est joli vu de loin, mais surprend dès que l’on s’éloigne des zones principales avec des modèles et des textures que l’on n’avait pas croisé depuis la première Xbox. Il en va de même pour certaines animations du personnage, mouvements du corps comme du visage, clairement « à l’ancienne ». Mais ça reste globalement agréable à regarder avec ses couleurs chaudes et ses effets de lumière prenants. L’ensemble considéré, on aurait envie d’applaudir le tour de force. Il faut cependant mettre au crédit des développeurs un certain souci du détail, visible notamment lorsque l’on visite la supérette ou le vidéo-club. Pour le reste, Lake est un jeu stable sur Xbox Series X mais qui souffre cependant de clipping et de petits bugs ici et là : musique qui refuse de se couper dans le véhicule, succès bloqué, changement de langue qui ne fonctionne pas dans le menu principal mais en jeu, oui… Il y a encore quelques petites choses à corriger pour que le dépaysement soit total.

6/10
Simple, honnête, paisible : les qualificatifs pour Lake auraient facilement pu être piochés dans les paroles d’une chanson de Lynyrd Skynyrd. Sans folie, sans surprise aucune, Lake déroule quelques heures de jeu que l’on a cependant apprécié dans leur ensemble, sensibles que nous sommes aux questions et situations dépeintes par le jeu. Lake n’est pas un jeu qui parle à tous et il ne saurait briller pour son scénario ou sa qualité technique, bien qu’il réussisse le double exploit de ne pas ennuyer et de ne pas être non plus désagréable à regarder. Un petit OVNI dans le paysage vidéoludique, à essayer si vous êtes en quête de quelques heures de déconnexion totale avec ce que le jeu vidéo a l’habitude de nous proposer.

+

  • Ça sort clairement de l’ordinaire
  • Bonne durée de vie
  • Expérience paisible qui se laisse suivre
  • Jeu sous-titré en français
  • Artistiquement joli…

-

    • … Mais techniquement très inégal
    • Déplacements à pied trop lents
    • On aurait aimé une partie « postale » un poil plus riche
    • Quelques bugs ici et là
    • Bande-originale vite répétitive