Test : Ninja Gaiden 2 sur Xbox 360
Ce début de mois de juin marque le retour sur le devant de la scène de deux des plus grands créateurs vidéoludiques japonais, que presque tout oppose. Hideo Kojima, avec ses Metal Gear Solid, reste fidèle à la Playstation et, en grand amateur du septième art, se concentre sur la mise en scène et la qualité du scénario de ses jeux, parfois au détriment d’un gameplay qui ne fait pas l’unanimité. Quant à Tomonobu Itagaki, il voue un culte curieux à la marque Xbox, peut-être justement parce que le Japon, son pays d’origine, la rejette, et que ce non-engouement correspond parfaitement à ses ambitions : de son propre aveu, il souhaite qu’on se souvienne de lui comme « le mouton noir du game design », celui qui n’aura pas fait comme les autres, mais l’aura bien fait. Dans les productions Itagaki, pas de script alambiqué, juste des scènes d’action sans réel lien logique entre elles. Par contre, le gameplay est là, réactif, violent, et c’est particulièrement vrai dans Ninja Gaiden 2, qui, comme Metal Gear Solid 4, marque la fin d’une époque, et peut-être la libération de son créateur, désormais prêt à se consacrer à d’autres travaux.
Ninja Gaiden 2 est, pour dresser une rapide carte d’identité, la suite de Ninja Gaiden, revival fracassant d’une licence parue sur les antiques consoles 8 et 16 bits, au début des années 90. Itagaki ayant tutoyé l’excellence du premier coup, la relève, on le savait, serait difficile à prendre, y compris sous l’impulsion du même homme. Produire un soft identique dans ses bases, mais plus beau, était l’option la plus probable, mais Itagaki ne mange pas de ce pain-là, et a décidé d’opérer quelques modifications sensibles au concept de départ. Et finalement, Ninja Gaiden 2 présente la particularité de s’aligner dans la continuité de son prédécesseur tout en trahissant certains de ses principes de base, dans un mélange détonnant qui paraît souvent à la limite de l’explosion.
La difficulté n’est pas une fatalité
Ninja Gaiden 2, c’est d’abord un challenge revu à la baisse. Petit scandale en perspective chez les plus hardcore des hardcore gamers : pour retrouver une difficulté équivalente à celle du premier épisode, il faudra d’abord conclure l’aventure en « intermédiaire » afin de débloquer les modes les plus extrêmes. Enfin, quand on dit « intermédiaire », la « Voie du Guerrier » de Ninja Gaiden 2 est tout de même déjà propre à donner de sueurs à la majorité des personnes qui s’y aventureront. D’abord parce que les ennemis sont toujours aussi agressifs et intelligents dans leurs attaques, ensuite parce que les points de sauvegarde sont judicieusement positionnés, pas trop éloignés mais pas non plus trop proches les uns des autres.
Par rapport à Ninja Gaiden, on pourrait décrire la difficulté de ce second épisode par « plus segmentée ». Là où le premier travaillait le joueur au corps durant toute la durée de la partie, l’obligeant à gérer sa vie à l’ancienne au rythme d’affrontements intimes avec pas plus de cinq ennemis, Ninja Gaiden 2 le menace de mort dans l’instant, le temps d’affronter des groupes massifs d’adversaires, séparés par des phases d’accalmie où une partie de la santé se régénère d’elle-même. Les combats restent durs, âpres, et l’écran de game over revient suffisamment souvent pour qu’on ne l’oublie pas, néanmoins on n’est presque jamais bloqué. On avance, on progresse de façon visible dans les niveaux (aidé en cela par leur grande linéarité), un ressenti qu’on n’avait pas toujours dans le premier opus. Cette fluidité de progression permet de se concentrer davantage sur les affrontements et de profiter pleinement de leursanguinolentefureur.
Engore plus de gore
Ninja Gaiden 2, c’est une tendance à la surenchère, dans le plus pur style Itagaki. Au fil d’un scénario proprement abracadabrant, on se voit assailli par des hordes d’ennemis de plus en plus grotesques et nombreux, ennemis qu’on est mis en demeure d’éliminer à l’aide d’une panoplie d’armes incroyable, encore enrichie par rapport au jeu précédent. Chaque outil de mort ouvre une nouvelle bibliothèque de techniques, tellement riche (entre 60 et 70 enchaînements en moyenne !) que les équivalents ne se trouvent pas chez la concurrence directe, mais bien dans les jeux de baston pur souche. Hayabusa peut parer, contrer les attaques adverses, utiliser ses nombreux ninpô et armes de jet, le tout avec une ergonomie d’une désarmante (notez l’emploi amusant du terme)évidence.
Les combats en eux-mêmes sont sans doute un peu moins précis, moins chirurgicaux que dans Ninja Gaiden premier du nom. Ici, il s’agit de se débarrasser non pas de quelques opposants, mais de hordes de monstres, qu’on peut démembrer puis achever rapidement, une nouveauté se rapprochant des quick time events si chers au Kratos de God of War. Pareil pour certains boss, membres du club des gros durs dont le niveau général a été clairement revu à la baisse, à quelques exceptions près. Mais la débauche d’effets visuels, la réactivité de l’environnement aux coups de Ryu, le sentiment de toute puissance ressenti une fois la dernière tête coupée, quand le super-ninja nettoie, d’un geste bref, sa lamedu sang qui la recouvre, suffisent à justifier la hausse de la population ennemie. Ninja Gaiden 2 est un vrai bonheur à pratiquer, un tourbillon de violence qui se savoure en mets de choix.
Généreux, trop généreux
Ninja Gaiden 2, c’est un jeu qui fait tellement la part belle à l’action qu’il en oublie de soigner ses à-côtés. Alors oui, on peut à présent sauvegarder l’intégralité de ses parties et mettre en ligne le toutpour la frime et… Surtout la frime en fait. Mais dans le même temps, le soft affiche un niveau technique presque choquant par rapport à ce qu’avait représenté le premier pour la Xbox, c’est-à-direle sommet. Pourrevendiquer les tant fantasmées 60 images par secondes constantes, la Team Ninja a dû se contenter de niveaux juste beaux, pas magnifiques, malgré une réalisation artistique souvent digne d’éloges. La gestion des éclairages est symbolique, certains effets spéciaux presque cheap, et le moteur physique se fait très discret, notamment en ce qui concerne les abondants membres découpés.
Sacrilège : même la fluidité connaît des ratés, notamment à la fin, où d’énormes ralentissements accompagnent des assauts dantesques, mais, du coup, un peu moins que prévu. Le fait que vous, qui nous lisez, possédez ou posséderez une version commerciale entièrement débuguée améliorera peut-être le verdict, mais les faits sont là : on sent que la maestria de programmation n’est plus la même. La Team Ninja de l’époque Xbox aurait-elle opté pour ces concessions ou aurait-elle tout bousculé sur son passage? La question est posée.
Autre regret, des pics de difficultés soudains dont l’origine se trouve dans des choix de design et de rares failles de maniabilité, comme les combats aquatiques ou l’emploi de l’arc, bien lent face à la folie furieuse des attaques adverses. Devoir recommencer encore et encore des phases de jeu mettant en avant des aspects qui n’avaient pas besoin de l’être, quand on voit l’immense variété des combinaisons d’armes possibles, ne rend pas honneur à la réputation de Ninja Gaiden. Fort heureusement, ces moments sont rares.
Il est également rare qu’on perde une partie à cause des caméras, mais il faut malgré tout noter, comme tous les testeurs le font, qu’elles ne sont pas irréprochables, comme à l’époque du premier opus. Ca n’est en aucun cas rédhibitoire. C’est souvent lors des phases décrites ci-dessus, où le gameplay montre ses faiblesses, qu’on peste le plus contre les angles rigides de prise de vue. Mais au fond, ce n’est pas vraiment ce pauvre caméraman qui est à blâmer, plutôt le fait que le soft cherche à diversifier une action qui n’en avait pas besoin. Le gameplay de Ninja Gaiden 2 se suffit parfaitement à lui-même, c’est la star de ce soft totalement décomplexé, peut-être un peu trop, mais, finalement, comme toute production Itagaki.
+
- Gameplay dévastateur et intense
- Quel spectacle !
- Variété de techniques ahurissante
- Adversaires nombreux, IA agressive
- Plus accessible sans être trop facile
- Bonne durée de vie
-
- Caméra (un peu) problématique
- La Team Ninja n’a plus la même maîtrise technique
- Le nombre d’ennemis dessert la précision
- Phases de jeu rendues frustrantes par de mauvais choix de game design
- Scénario sans queue ni tête