Test : Psychonauts sur Xbox
Pas besoin d’être psy pour comprendre…
On se demande bien ce qui a pu passer par la tête de Tim Schafer et de son équipe lors de la gestation de Psychonauts. Un éclair (plusieurs sans doute) de génie, une crise de créativité ou un besoin soudain de trouver un exutoire artistique, de taille à plier mais ne pas rompre sous le poids des idées. Toujours est-il que le résultat va bien au delà d’un simple jeu d’action-aventure-plateforme de base. Non seulement Psychonauts se révèle être le meilleur titre de sa catégorie – peu explorée, il est vrai – sur Xbox, mais il se hisse également parmi les tout meilleurs hits parus sur la boîte noire à ce jour. Et pour plein, mais alors plein de raisons qui apparaîtront évidentes aux amoureux d’oeuvres originales. On est ici à mille lieues des titres développés à la six-quatre-deux, tirés de licences juteuses, au gameplay aussi aride que le désert de Goby. Avec Psychonauts, on entre dans une catégorie supérieure, celle des jeux caviar qui restent pour longtemps dans la tête, dans l’imaginaire mais surtout dans le coeur des joueurs.
Le songe doré débute par l’arrivée impromptue de Razputine (appelez-le Raspoutine à la française et Raz pour que ça le fasse), jeune garçon de 10 ans, au camp du Roc-qui-murmure, un centre où desenfants de son âgesont entraînés chaque été dans le but de devenir psychonautes. Les psychonautes ? Mais si, vous savez, ces agents psychiques, mentalistes aux pouvoirs sur-développés et chargés de maintenir l’ordre à l’aide de leurs capacités. Faire partie de cette élite, Raz en a toujours rêvé, mais son père, acrobate de cirque, nourrit une profonde rancoeur à l’encontre deces explorateurs de l’esprit et s’oppose farouchement aux aspirations du jeune garçon. Cela conduit ce dernier à s’enfuir et, vous l’avez lu, à s’infiltrer en douce parmi les apprentis psychonautes. Ses prédispositions psychiques impressionnantes vont convaincre les enseignants du camp de le laisser participer aux différentes activités et cours, mais les parents du jeune prodige sont tout de même prévenus. Résultat, Raz n’a que quelques jours devant lui pour brûler les étapes et devenir psychonaute, avant que son père ne brise ses derniers espoirs en l’emmenant loin, très loin de la paisible colonie. C’est sur ces entrefaites que de curieux évènements commencent à se produire…
Un lavage de cerveau bien agréable
Dès que Psychonauts est lancé, avalé goulument par une Xbox ronronnante (elle aime vous faire plaisir la coquine), le style graphique saute aux yeux. On peut être choqué, ne pas accrocher, comme devant un film de Burton, mais d’un point de vue totalement objectif, rares sont les jeux qui sont aussi beaux dans leur différence. Schafer et son responsable artistique Scott Campbell nous offrent un monde incroyablement esthétique, détaillé et attachant. Bien sûr, techniquement, la barre est placée très haut : Psychonauts tire parfaitement parti des capacités de la Xbox et recèle moult petits effets sympathiques, qui montrent qu’on peut arriver à quelque chose sans procédés compliqués utilisés à tire-larigot. Cependant, l’essentiel n’est franchement pas là. L’incroyable construction artistique du jeu prend le pas sur ce qu’on pourrait appeler la technique pure, celle qui empiète parfois sur la fameuse, la fantasmée créativité. Une fois embarqué dans l’histoire, on se met à adorer la bouille de Raz, on trouve sa camarade Lili mignonne à croquer et chaque nouveau personnage prend une place bien particulière dans un trombinoscope qui reste un des plus originaux jamais créé.
Outre les intervenants, on tombe en admiration devant un level-design tout bonnement génial. La diversité est telle qu’il est impossible d’en donner la teneur en si peu de lignes. Les niveaux se partagent entre le monde réel, consistant en quelques lieux clés, comme la colo du Roc-qui-murmure, et celui issu du psyché des différents personnages. En tant qu’apprenti psychonaute, Raz sera en effet amené à visiter l’esprit d’une dizaine de quidams aux personnalités hautes en couleur. Ainsi, par exemple, on seracatapulté dansla caboche du très ordonné (malgré le bordel de son labo !) agent Sacha Nein, ce qui donnera un niveau de la forme d’un cube, dans lequel pensées et émotions sont hermétiquement enfermées, du moins temporairement. Dans un style différent, le dérangé Boyd Cooper offrira aux yeux des joueurs un monde totalement biscornu, sous surveillance permanente, habité de paires d’yeux inquisitrices et de clones inquiétants au phrasé proprement incroyable d’humour et de logique. Tout autre chose encore avec le peintre Edgar, qui fera pénétrer Raz dans un magnifique univers d’art abstrait. En ce qui concerne le monde matériel, en dehors de la sympathique colo, notre héros devra braver sa malédiction héréditaire vis-à-vis de l’eau pour visiter les fonds du lac Oblongataafin d’arriver sur l’île de l’effrayant Asile abandonné de Thorney Towers au ciel menaçant (jetez un oeil aux nuages hurlants à l’horizon) et aux sublimes derniers étages (vous comprendrez quand vous y serez).
Ces niveaux prennent chacunun emplacementunique dans l’univers de Schafer, contenant des indices sur la vie des personnages, leurs angoisses, leurs peurs, leurs désirs. Comme dans un puzzle, on peut ainsi reconstituer pas à pas les éléments du scénario complexe et déjanté du jeu qui réserve plus d’une surprise. Et il faut ajouter à cela l’humour décapant qui intervient à tout moment, dans des dialogues savoureux et intelligents (au passage, la qualité de la VF se doit d’être saluée) mais aussi dans nombre de petits détails qu’il n’est pas toujours évident de distinguer : références à peine dissimulées ici, astuces et supports scénaristiques là (lisez les panneaux de la colo !). Drôle, oui, Psychonauts est drôle, vraiment marrant même, ce qui n’empêche pas certains sujets sérieux d’être abordés plus ou moins largement comme l’amour, la mort,l’ambition, la cruauté, les rapports parent-enfant, etc. Le tout relevé par une bande-son idéale, éclectique et toujours adaptée. Cela aboutit à une aventure qui touche profondément et tresse des liens solides avec qui s’y laisse immerger.
Et si onreprenait nos espritsdeux secondes ?
Vous l’avez, on l’espère, compris : Psychonauts n’est pas un jeu comme les autres, artistiquement parlant. Reste qu’ilsurprend moins par son gameplay partagé entre aventure et plateforme, relativement classique, bien qu’une nouvelle fois très bien agencé et élaboré. Raz accumule, au fil de ses expériences, des pouvoirs psychiques qui l’aident à progresser. Toujours grâce aux pouvoirs tirés de son cerveau, le jeune garçon sera capable de maintes prouesses, telles que la télékinésie, la pyrokinésie, la protection mentale, la clairvoyance (qui fait voir par les yeux de l’ennemi, chacun ayant une vision différente et délirante de Raz), la lévitation etc. Le gameplay, qui inclut également une palette de mouvements très étendue, tire de ces nombreuses aptitudes une diversité bienvenue en obligeant le joueur à jongler entre les commandes tout au long du jeu. La plupart des (nombreux) objets trouvés dans les niveaux servent à booster ces capacités. Si upgrader ainsi Raz se révèle amusant, il faut avouer que le jeu peut se terminer sans qu’on prête une réelle attention à ces «détails». Néanmoins, la durée de vie, correcte (12 heures environ) mais rendue tellement courte par le plaisir pris en progressant, s’en voit bien revigorée. Une aubaine pour ceux qui se trouvent happés par l’incroyable univers de Schafer.
S’il y avait un reproche à faire à Psychonauts, ce serait peut-être en lorgnant vers quelques phases moins accrocheuses, mais relativement rares finalement, surtout pour ceux qui se laissent entraîner complètement. Certaines commandes ne sont pas des plus ergonomiques (le tir psy par exemple), mais globalement, ça n’empêche pas de progresser avec plaisir. Quelques secondes de frustration tout au plus, rien de très dommageable.
+
- Vendu à petit prix (45 euros neuf) !!!
- Tous les petits détails qui font la différence
- Musiques et doublages
- Un scénario solide et plein de surprises
- Techniquement réussi
- Un gameplay intelligent et varié
- Un univers drôle et très attachant
- Réalisation artistique d'exception
-
- Se termine trop vite tellement c'est bon
- Quelques rares phases un peu moins prenantes (mais on s'en fout en fait)