Test : Resident Evil 5 sur Xbox 360
Lâché en Afrique par son nouvel employeur, Chris Redfield a à peine le temps de faire les yeux doux à sa partenaire, la très séduisante Sheva Alomar, qu’il se retrouve à nouveau plongé dans l’enfer, en l’occurrence un village peuplé d’habitants infectés par un mystérieux parasite. Sa mission va petit à petit se révéler bien plus personnelle que prévu, car une vieille connaissanceest elle aussi du voyage, etcompte bien s’offrir des retrouvailles attendues.
C’est un sentiment qui s’intensifie presque à chaque grosse production Capcom : le studio japonais excelle dans l’art de la présentation, avec des personnages ultra-charismatiques et des cinématiques à la réalisation qui n’a parfois rien à envier au maître Metal Gear Solid. Au niveau de la matière, de la substantifique moelle scénaristique pour parler savamment, c’est en revanche assez pauvre, généralement. Resident Evil 5, contrairement au très bon Dead Rising (et pourtant c’était peu ou prou le même sujet de base) ne fait pas exception à la règle et cumule clichés, maladresses et scènes convenues, dans la veine de l’épisode précédent, en quelque sorte.
Or, car il y a un « or », l’histoire de ce cinquième chapitre est malgré tout suffisamment bien ficelée pour se laisser suivre avec intérêt. En effet, le script, de la même façon qu’il revient au premier héros de la série, se veut proche des éléments de l’intrigue qui constituent la genèse de Resident Evil (Umbrella, les origines du Virus T) et des personnages emblématiques des débuts (J.V. et A.W., par exemple). Le scénario, même s’il est maladroit, apporte donc un certain nombre de réponses intéressantes, et la présence d’une véritable mini-encyclopédie dans les menus contribue à faire de cet opus une espèce de grand résumé de ce qu’est Resident Evil, mêlant plutôt astucieusement passé et présent. Les joueurs ayant suivi toute la saga devraient apprécier.
« Chris… Take care ! »
Ce thème « passé-présent » définit finalement bien Resident Evil 5, car toute la question (essentielle) du gameplay repose également dessus. Pour le comprendre, il est essentiel de se rappeler la métamorphose de la série en 2005. Resident Evil 4, sous l’impulsion d’un Shinji Mikami décidé, avait totalement transformé la série, ce qui avait soulevé un enthousiasme très large dans la presse, le public et même les créateurs, qui sont nombreux à avouer aujourd’hui s’inspirer de cette œuvre majeure.
Depuis, dans le petit univers très nerveux du jeu vidéo, de l’eau a coulé sous les ponts. Ghost Recon Advanced Warfighter, Gears of War, ou plus dernièrement Dead Space, ont tous profité des graines semées par Resident Evil 4, mais ont également imposé des mécanismes de jouabilité plus modernes et plus fluides.
Resident Evil 5, lui, ne bénéficie plus de l’expertise de Mikami en matière de conception, et dérive visiblement d’une volonté d’aller directement combattre les références du jeu d’action gaijin, genre dont l’Occident raffole. Occident sur lequel Capcom mise énormément désormais, l’éditeur japonais étant l’un des seuls, au pays du Soleil levant, à avoir compris ce marché et à accumuler les sorties réussies en Europe et aux Etats-Unis. Resident Evil 4 n’était plus vraiment un survival de l’avis des amateurs du genre, eh bien le cinquième l’est encore moins. Peut-être un peu à cause de Jun Takeuchi, le producteur du très, très action Lost Planet, qui a supervisé les travaux, RE5 a définitivement tourné le dos au passé lointain en se calquant sur le passé proche.
Avant que Capcom ne se la joue Street Fighter 4 et décide de revenir aux vieux manoirs crasseux et caméras fixes (ce sera pour 2016, 2017 semble-t-il, enfin s’ils nous lisent et qu’ils font ce qu’on dit), Resident Evil 5 doit donc assumer son nouveau fond, et justement, il ne le fait pas complètement. Certes, et heureusement, de petites évolutions ont eu lieu, comme la très médiatisée possibilité de marcher de côté, ou encore de mal implémentées mises à couvert, mais l’essentiel de la jouabilité manque affreusement d’ergonomie. On a toujours l’impression de jouer à RE4. Ce n’est pas forcément un mal nous direz-vous, ingénus, seulement les situations dans lesquelles Chris et Sheva se trouvent empêtrés sont dorénavant bien plus comparables à celles d’un Gears of War, avec des ennemis nombreux, très vifs, résistants, parfois armés de bons vieux fusils, qui mettent justement en relief les failles du maniement du personnage. Parce que oui, Chris est lent, Chris ne peut pas tirer en marchant, Chris ne peut pas recharger en marchant, Chris ne peut pas esquiver les coups (esquiver en rechargeant non plus d’ailleurs), sauf par le biais de QTE à l’apparition très aléatoire, Chris est assez nul au corps-à-corps, Chris ne peut pas se soigner rapidement, Chris est nul pour interagir avec son environnement, etc. Et pour Sheva, même avec son physique de gazelle, ça marche aussi. On pourrait presque écrire une thèse sur le côté schizo de ce Resident Evil, attaché d’une part à des commandes rigides comme un cadavre zombifié et d’autre part à une action allant à 1000 à l’heure.
Quelques défenseurs audacieux pourraient avancer que ces contrôles, volontairement limités par de géniaux designers japonais lisant chaque soir les derniers essais de Freud et Miyamoto, sont astucieusement destinés à maintenir le stress, voire la peur, durant l’aventure. Oui mais voilà : en se donnant tout entier et sans retenue à l’action, Resident Evil ne fait plus peur. Et le stress, s’il y en a, est davantage généré par les injustices parfois inimaginables des commandes ou de l’inventaire – si ce dernier est plein, qu’on trouve une herbe et qu’on désire la mélanger avec une herbe qu’on possède déjà, c’est impossible. Non, Chris ne peut pas poser une boîte de munitions par terre pour jouer au petit chimiste – que par les ennemis, qui ne sont jamais d’une résistance insurmontable pour qui a bien fait évoluer ses armes, ni d’une intelligence supérieure.
“I have a job to do, and I’m gonna see it through”
Voilà donc sans doute la principale faiblesse du nouveau titre de Capcom. Surprenant pour un jeu qui ressemble tant à ce qui fut la référence absolue d’un genre il y a quatre ans. Cela prouve à quel point l’équilibre des meilleures productions de notre industrie est difficile à trouver. A la fois trop dépendant de son aîné et trop attiré par ses adversaires, Resident Evil 5 peine à trouver sa propre voie. Pour autant, il ne faut pas se méprendre : il n’est pas non plus obsolète, et le plaisir de jouer, sincère, est toujours là. Il souffre juste d’une conception manquant un tantinet de discernement, d’erreurs de design qui ne devaient pas forcément être évidentes pour ses développeurs, mais éclatent au grand jour dans le produit final. Il y a pourtant un franchement bon jeu qui sommeille sous cette couche de peinture maladroitement appliquée. Les relents de Resident Evil 4 sont naturellement agréables. On râle un peu, mais on continue de jouer parce que c’est bon, tout simplement. La qualité du titre est de proposer un bestiaire varié et une ribambelle de phases de jeu au rythme fantastique, ce qui aide vraiment à faire passer la pilule. L’arsenal évolutif est lui aussi un atout de taille, et pousse à collectionner les divers trésors cachés dans les niveaux. Et puis, il y a le mode coopératif.
« We are partners »
Ayant souvent tourné autour de deux personnages jouables, Resident Evil n’avait pourtant jamais vraiment tenté la coopération. Il aura fallu attendre treize ans pour la voir enfin implémentée dans un épisode principal de la série. S’il est jouable seul, avec une Sheva plutôt compétente pour une IA, Resident Evil 5, un peu comme un Gears of War, prend toute sa dimension à deux. Les niveaux et les boss sont totalement pensés pour exploiter les tactiques typiques du coop, la fin des niveaux compare les statistiques et note les partenaires, on peut s’aider et s’échanger, un peu péniblement certes, ses objets. Bref, c’est une réussite, qui, du coup, fait en partie oublier le manque de frissons ressentis en solo et (moins quand même) certaines des carences de la maniabilité. Clairement, cet épisode a été pensé pour être joué à deux, et il s’agit sans détour d’une des meilleures expériences sur 360 de ce point de vue. Le bilan s’équilibre, par conséquent.
« Nice graphics ! »
Des débats houleux animent déjà les gamers de tous les bords pour savoir si ce Resident Evil est très bon ou très mauvais, mais là où tout le monde devrait être d’accord, c’est sur la réalisation. Série mythique oblige, Capcom a mis les petits plats dans les grands pour proposer un spectacle qui devrait faire date. Là où nombre de développeurs japonais cherchent encore désespérément la bonne recette, le développeur d’Osaka se balade depuis ses premiers pas sur Xbox 360 avec son MT Framework, moteur qui prouve jeu après jeu qu’il vaut bien le très populaire Unreal Engine. La réalisation de Resident Evil 5 est en effet telle qu’on l’attendait et perpétue la réputation d’une série toujours à l’avant-garde de son époque. Fluidité absolue même en coop, animation, effets spéciaux, décors (un peu plus en retrait tout de même), et surtout modélisation des protagonistes, l’ensemble des facteurs déterminants pour remplir le cahier des charges d’une superproduction sont rassemblés, à tel point qu’il est probable qu’on puisse ressortir RE5, dans quelques années, quand il s’agira de dresser une liste des jeux qui auront marqué, techniquement, cette génération de consoles.
+
- Aventure plaisante et pleine de rythme
- Histoire intéressante à suivre
- Impressionnant visuellement
- Chris et Sheva, bestiaire, armement
- Le coopératif réussi
-
- Commandes trop rigides, mal adaptées à certaines situations de jeu
- Laissera les fans de survival sur le carreau
- IA un peu légère
- Solo en retrait