Fort de leur expérience dans le STR avec des licences aussi renommées que hardcore que sont Act of War ou encore Times of Conflict, les frenchies de chez Eugen Systems accouchent d'un nouveau jeu de stratégie non pas sur PC cette fois-ci mais sur Xbox 360. Un exercice de style qui a laissé plus d'un prétendant sur le carreau, pour qui l'expérience STR sur console s'est vite révélée être une véritable bérézina. Si pour faire la guerre la ruse demeure une indispensable qualité, il reste désormais à juger si le titre édité par Ubisoft est plus qu'un simple coup de bluff.
La course à l’héritage
Développer un jeu de stratégie pour console de jeu relève bien souvent du combat perdu d’avance pour les studios de développement, aussi prestigieux qu’ils puissent être. On se souvient entre autres du mythique et désormais disparu Ensemble Studio avec son Halo Wars qui bien qu’efficace conservait d’inexplicables carences pour des géniteurs qui ont en leur temps accouché des Age of Empires. Le fantôme de la simplification pour console nous assène-t-on. Loin de tout fatalisme qui pourrait être de rigueur et visiblement à l’écoute des multiples revendications des joueurs faits sur les titres de la concurrence, Eugen System fait table rase des licences évocatrices pour créer une R.U.S.E. aussi surprenante sur la forme qu’exigeante sur le fond.
Du haut d’une table sur laquelle sont posées cartes détaillées et pions colorés façon jeu de société à la RISK, les chefs de guerre américains préparent avec fureur leurs stratégies pour annihiler les forces allemandes, en pleine Seconde Weltkrieg mein Kapiténe ! Si le scénario somme toute classique, construit autour de taupes à dénicher, de forces à repousser et encore de flashbacks à survivre, n’est clairement pas ce qu’il y a de plus motivant niveau narration malgré des efforts certains de mise en scène, l’aspect jeu de société de guerre est une trouvaille surprenante qui assure une sacré personnalité au titre.
En effet, de simples pressions sur le stick gauche permettent de passer de la vue « table de guerre » où des pions ronds avancent sur une carte imprimée d’une région, avec tout autour le QG des opérations, à une vue approchée des combats in situ, où soldats, tanks, hélicoptères, se bastonnent en taille réelle au milieu des montagnes et autres lacs infranchissables. Le tout avec différents niveaux de zoom pour plus de précision dans la lisibilité de l’action, et ce sans le fameux « brouillard de guerre » noir que l’on se tape habituellement . Ce Google Map à la R.U.S.E., même s’il est saisissant dans son effet manette en main, n’est pas qu’un gadget pailleté puisqu’il propose au joueur stratège de voir en un simple coup d’œil les positions ennemies sur la table ainsi que leurs déplacements, en lui laissant la possibilité bien sûr de bouger ses propres troupes de la même manière que dans les vues plus rapprochées. Dommage cependant que les faux plans d’insert cam dans les scènes scriptées viennent (trop) souvent pointer leurs pixels et ainsi faire ralentir très dangereusement la framerate.
Dix de chute
Des niveaux de zoom nombreux et réussis qui assurent une bonne lisibilité de la map, c’est bien, mais un contrôle optimal de ses escouades de guerre, c’est mieux, surtout dans une jeu de stratégie temps réel ! Les ingés d’Eugen Systems, à l’aise depuis toujours avec la couple souris/clavier, s’en sont-ils sortis avec la maniabilité au pad qui a déjà causé bien des cauchemars aux studios précédents ? Avec la possibilité de sélectionner par types de troupe (X), à l’unité (A) ou par zone (RT), R.U.S.E. dispose déjà en un minimum de boutons de tout ce qu’il faut pour mener précisément ses escouades là où il le faut, avec un pathfinding de qualité qui renvoie celui de Halo Wars aux oubliettes. Afin d’être plus efficace sur le terrain, il est à tout moment possible via la touche Y d’accéder à des « ruses » de combat, sortes de pouvoir d’espionnage, de décryptage et d’infiltration – et non d’attaque – qui peuvent renverser le cours d’une bataille s’ils sont bien utilisés. Il est également possible de gérer tous ses bâtiments à construire (casernes, bases spéciales) via un des onglets de ce menu, constructions que le joueur peut placer à bon escient à peu près partout où il le souhaite sur la carte, pour peu qu’une route se trouve à proximité.
En plus de bien gérer tout ce que l’on a déjà vu il est vrai un petit peu partout dans les jeux du genre, R.U.S.E. réussit à parfaire les meilleures idées prises çà et là, lorsqu’il n’en apporte carrément pas de nouvelles. Ainsi, même si comme à l’accoutumée il faut faire attention aux type de troupes que l’on envoie au charbon, les antichars pouvant se faire exploser en deux secondes par une malheureuse petite escouade de quatre soldats au sol, R.U.S.E. apporte un système de fuite de l’unité lorsque cette dernière est dépassée par les événements. Si elle réussit sa retraite, grâce à une diversion orchestrée par le joueur par exemple, cette même unité pourra retrouver son niveau de vie et sera opérationnelle pour le prochain assaut. Mais ce qui est vrai pour nous l’est aussi pour l’ennemi. Il faut donc dans le titre d’Eugen Systems toujours se demander si les troupes envoyées au combat direct se sentent en confiance, et ainsi asséner à l’adversaire des attaques groupées avec divers véhicules, une unité apeurée qui s’enfuit étant une unité incontrôlable sur le terrain pendant un certain temps, et donc une cible facile. Les affrontements en cours de partie deviennent donc véritablement stratégiques lorsque l’on tire convenablement profit de cette feature.
Heureusement, afin de faire comprendre en douceur toutes les subtilités du gameplay de R.U.S.E., Eugen Systems sous l’égide d’Ubisoft a doté à leur dernier bébé d’une stratégie d’accessibilité très bien mise en place. Que vous soyez un amateur de STR comme un néophyte sans vergogne, R.U.S.E. prend le temps d’expliquer les règles, de manier les nouveaux pouvoirs, de dompter les dernière acquisitions. La courbe d’apprentissage se révèle de ce fait d’une justesse rare, surtout pour un jeu de stratégie résolument hardcore. Les faux pas sont effectivement rapidement punis, et la difficulté générale est bien présente, même en mode normal. Voilà qui prouve une bonne fois pour toute qu’un jeu vidéo peut disposer d’une bonne stratégie d’access sans pour autant prendre le joueur pour un débile en lui simplifiant tout. Les néophytes apprécieront enfin les indicateurs de menace qui varient de « danger » à « très facile » selon la puissance de feu des escouades sélectionnées et le type de l’ennemi ciblé, qui permettent du premier coup d’œil de savoir si le choix fait est réaliste ou suicidaire.
Mastermind
Avec les ressources à gérer/capturer pour s’assurer des revenus suffisants pour développer sa base, les rangers à surveiller et à poser si possible dans les forêts pour leur donner une puissance de feu énorme, les véhicules à materner car bien souvent la cible d’escouades téméraires, le titre d’Ubisoft propose un challenge corsé et véritablement plein de stratégie. Les victoires comme les défaites apportent des points d’expériences dans R.U.S.E., points qui servent à trouver des joueurs de niveau équivalent lors des parties en ligne. Car la réelle force de R.U.S.E., et de tout STR digne de ce nom, vient comme il est bon de le rappeler de son mode multijoueur. Outre des petites missions (au nombre de six) mal engagées qu’il faudra réussir avec l’I.A ou un réel ami en coop sur le Live, le bébé d’Eugen Systems propose à deux équipes pouvant aller jusqu’à deux joueur chacune de se tirer dans les gambettes dans de gigantesques cartes. La lenteur des unités et l’absence de brouillard de guerre rend alors vite le système de ruses obligatoires pour espérer vaincre ses adversaires. Une petite percée sous silence radio juste avant d’attaquer par camions entiers, un petit décryptage des communications pour connaître les ordres donnés par un autre joueur à ses unités, les stratégies pour l’emporter ne manquent pas, ce qui est plutôt de bonne augure pour un STR en multi.
Même si R.U.S.E est loin d’être parfait sur le plan technique avec un clipping très présent en vue rapprochée et des textures un peu fades, même si la prise en main avec l’attraction automatique du curseur façon aimant sur les unités/bases peut parfois gêner la maniabilité surtout dans la précipitation, le plus gros défaut du titre d’Ubisoft vient sans aucun doute du fait que malgré tous les gros efforts faits par le studio français pour rendre le jeu accessible à tous, R.U.S.E. n’intéressera au final que les amoureux du genre. La difficulté relevée, et ce malgré des checkpoints vraiment bienvenus, pourra rebuter au milieu de l’aventure les néophytes du genre s’étant lancés en mode normal par défi, alors que le solo un peu à la ramasse n’intéressera certainement pas le tout venant qui n’a pas d’affinité particulière avec les épisodes de la Seconde Guerre. Un très bon jeu de stratégie au final sur console, mais pas Le titre fédérateur que nous aurions rêvé avoir. Félicitations tout de même pour le travail intelligent accompli par Eugen System sur ce R.U.S.E., qui délivre tout simplement le meilleur jeu de stratégie en temps réel actuel sur Xbox 360, si l’on passe le solo en deçà des attentes.
Avec son aspect jeu de table qui passe en un éclair de carte lointaine habillée de quelques pions à la guerre à l'échelle humaine, R.U.S.E. surprend autant dans sa forme que dans son fond avec des mécanismes intelligents et plein d'idées. Le bébé d'Ubisoft n'arrivera cependant pas à intéresser longuement ceux qui n'ont jamais eu d'atomes crochus avec les STR, bien qu'il plaira à coup sûr aux fans du genre qui ont troqué leurs PC pour une console de jeu dernier cri. Si Eugen Systems avec leur R.U.S.E. a perdu quelques combats, ils n'ont donc pas perdu la guerre, puisque les frenchies livrent juste le meilleur STR réalisé jusque là sur Xbox 360. Une victoire méritée, même si grandement facilitée par la concurrence quasi absente du genre dans la ludothèque de la three sixtee.
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Le système table de jeu surprenant.
Complet et intelligent dans ses mécanismes.
Jouable au pad !
Excellente stratégie d'accessibilité...
Les R.U.S.E.S, surtout en multi.
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… mais un jeu qui ne plaira qu'aux amateurs du genre.