Test : Sunset Overdrive sur Xbox One
Sunset et match ?
Enfer et damnation, l’Awesomepocalypse jurée par Insomniac Games transforme les badauds en overdosés belliqueux prêts à tout pour tuer tout ce qui bouge, et surtout ce qui ne bouge pas. C’est par une séquence d’introduction qui laisse le joueur directement dans la mouise que le soft empoigne virilement le joueur qui vient à peine de poser les doigts sur son pad. Des secondes qui apprennent à la hâte les mouvements basiques pour mouvoir son avatar. Sauf que dans Sunset Overdrive et contrairement à ce que l’on peut le voir généralement dans ce type de titre, il n’y a pas que l’esquive et le tir à enseigner. Ici, et presque à la manière d’un Jet Set Radio, il va falloir sauter, grinder sur les barrières aux alentours, se suspendre et glisser grâce aux câbles électriques en hauteur ou encore rebondir sur tous les bumpers de fortune qui jonchent la ville. Si vous pensiez vous retrouver dans un TPS open world lambda où la stabilité du sol est la meilleure alliée pour préparer un tir en lançant la campagne, vous allez vite perdre pied.
Dans Sunset Overdrive, on grind, on virevolte, on rebondit, on dash et bien évidemment, on tire sur tout ce qui ose se la ramener. Il est effectivement demandé de tuer des milliers d’ennemis avec style, c’est à dire en s’aidant du décor afin d’enchaîner les figures tel un Tony Hawk de l’espace pour ne pas que les créatures plus ou moins organiques ne viennent mettre leurs sales pattes sur votre vous virtuel. Au sol et face à une horde, la barre de dégâts s’évapore comme jus au soleil, ou plutôt, sur le soleil. Heureusement, la ville de Sunset City est en fait un vaste gymnase travesti où chaque bosquet, voiture et parasol sert de trampoline. Les bâtiments ont par ailleurs toujours des terrasses bonnes pour s’agripper et des murs sur lesquels courir, tandis que le réseau câblé et voies de chemins de fer permettent de retomber à peu près à coup sûr sur une surface à grinder, pour peu que l’on appuie sur la touche « X » dans le but de s’aimanter au rail. Ces éléments de jeu de plate-forme aident donc autant pendant les phases d’exploration de la carte, où tout un tas de collectibles sont placés, que durant les combats. Et des affrontements, il va y en avoir des petits, des grands, des durs et des mous aux grands coups !
Avec les infectés, quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes. Le bon côté de la chose, c’est que plus d’ennemis il y a, plus il est facile d’enchaîner les combos de style. Exploser du méchant dans les règles de l’art sans marcher tranquillement sur le sol fait monter une jauge attitrée située en haut à droite de l’écran. Découpée en 4 portions, chaque partie, quand elle est chargée grâce à vos prouesses, donne accès à un pouvoir spécial, dénommé Rush dans le jargon du jeu. Ces Rushs, qui se récupèrent en réussissant les défis du mentor Floyd peuvent être équipés selon les préférences du joueur dans les cinq slots prévus à cet effet. Oui, cinq, car lorsque les quatre portions de la jauge de style sont chargées, cela donne accès au cinquième super-pouvoir, en plus de garder actif les autres Rushs. Du coup, lancer des tornades à mains nues comme enflammer des rails lors d’un grind ou encore créer des bombes après avoir rebondi contre un objet, en plus d’autres joyeusetés létales, va vite devenir d’une banalité confondante si vous faites l’effort de maintenir votre compteur de combo au septième ciel, ou plutôt au cinquième.
Heureusement, les Overdrives, à débloquer en multipliant les prouesses de plate-forme et d’action, sont là pour augmenter la rapidité de rechargement de la jauge si certaines conditions sont respectées. Ils peuvent aussi apporter des bonus de dégâts s’ils sont équipés dans un des six slots dédiés. En cas de visite touristique de la map à pieds sans prouesse physique exécutée, la jauge de Rush chute jusqu’à priver le joueur des paliers débloqués quelques secondes auparavant. Une mécanique qui pousse définitivement à rester en perpétuel mouvement. Rappelons enfin qu’il n’est pas possible de conduire des voitures, même si certaines missions octroient la faculté de se mettre aux commandes de véhicules spéciaux, pour des séquences au gameplay spécifique qui apportent un peu de fraîcheur au périple.
« Dans Sunset Overdrive, on grind, on virevolte, on rebondit, on dash et bien évidemment, on tire sur tout ce qui ose se la ramener »
Chaque ennemi appartient à une race (trois au total) qui est elle même composée de plusieurs catégories. Par exemple chez les overdosés, il y a le monstre de base bête et méchant qui court après le joueur, puis sa variante capable de lancer de l’acide ou encore de glacer les câbles de grind, parmi beaucoup d’autres. Chaque race d’adversaire se bat contre les autres espèces, permettant au joueur de profiter du chaos de certains affrontements pour retourner une situation en sa faveur. La qualité et la variété du bestiaire font d’ailleurs plaisir à voir. En plus de devoir imiter les yamakasis, le joueur est incité à varier les armes. Chaque ennemi est en effet plus ou moins sensible à un type de cartouche. De même, lorsque l’on ramasse des munitions, c’est souvent pour une autre arme que celle qui est déjà entre nos mains. Pas de lock possible pour se concentrer sur une créature en particulier, dans Sunset Overdrive, c’est la foire au gros ! Afin de varier les plaisirs, certaines séquences demandent de défendre une base donnée.
Le titre d’Insomniac Games se transforme alors en un Tower Defense, puisqu’il est demandé de placer des pièges qui vident petit à petit un jauge de puissance à chaque fois que l’on en pose un. Après avoir appelé le bestiaire, il est possible de participer au combat en se servant de ses armes, en activant des pièges manuellement (ou plutôt en rebondissant dessus), ou en déplaçant ces derniers pour mieux couvrir une zone. Entre chaque vague, le jeu octroie un petit peu de puissance supplémentaire, donnant la possibilité d’ajouter de nouveaux pièges sournois. Avec les lames rotatives, tourelles à têtes chercheuses, catapultes vicieuses et autres détecteurs de présence explosifs, les possibilités sont bien là, même si au final cela ne demande pas forcément trop de stratégie ou temps de préparation pour réussir. Heureusement, Sunset Overdrive n’avait pas pour vocation de finir comme un Brutal Legends. Ces scènes nocturnes sont avant tout des entraînements pour le mode multijoueurs du jeu, qui en reprend donc le principe en en décuplant la difficulté. Le challenge en lui-même du mode solo n’est pas des plus élevés, si l’on ne souhaite pas recommencer des missions ou défis pour battre les meilleurs scores, bien entendu. La mort en tout cas est peu punitive. En cas de décès, l’avatar est renvoyé à quelques mètres de la baston incriminée qui a causé le trépas. Et si le niveau de vie arrive au plus bas, le prochain ennemi tué libère tout simplement un orbe de santé.
Les deux premières heures de Sunset Overdrive inondent le joueur d’informations. D’abord les mouvements, puis le système de combo, d’upgrade, les Rushs, les badges, les Overdrives puis les pièges à poser… Les développeurs ont clairement souhaité donner un grand nombre de possibilités à leur bébé, même si cela est un peu déroutant lors de la découverte. Entre la roue des armes («LB»), la roue des pièges (croix directionnelle puis «RB» pour poser) et le fait que tous les autres mouvement s’exécutent avec seulement «A» et «X», le temps pour trouver ses marques peut s’étendre. La tonne de choses à ramasser et de caisses à exploser peut également sembler déraisonnable. Ces collectibles ne servent en effet pas seulement à débloquer des succès, puisqu’ils permettent d’améliorer les armes, ce qui peut pousser à du tourisme forcé. Il est même possible de trouver des écrans géants diffusant des messages des développeurs, un peu à la manière de ce que l’on pouvait voir dans la cave de Comic Jumper. Les amateurs apprécieront les longues heures de recherche à prévoir pour tout collectionner, même si l’on peut acheter des cartes d’emplacement aux marchands pour gagner du temps. Car oui, si l’argent coule à flot dans les rues de Sunset City, les armes et divers objets spéciaux coûtent cher.
Quelques légers soucis d’accessibilité sont également à déplorer. Si un petit « nouv » rouge apparaît sur le picto personnage en cas de possibilité d’évolution de l’un des quatre critères (armes, pièges, Rushs et Overdrives), il est cependant délicat de voir rapidement ce que l’on a débloqué sans passer par différents menus. De même, si l’on peut upgrader une arme avec un Rush d’arme, ce dernier ne se retire pas en cas de suppression de l’arme de notre roue de sélection. Il est donc possible d’oublier que l’on a laissé une amélioration précieuse sur une arme que l’on n’utilise plus, en cas de manque d’attention. Peut-être aurait-il fallu préciser en détail quelque-part sur quel objet tel Rush est utilisé (plus qu’avec un simple «équipé») ? Enfin, si les armes sont symbolisées par des logos spéciaux représentant leur type (coup par coup, automatique, explosif, etc) dans l’arbre d’évolution, ce même logo n’est jamais inscrit sur la fiche même de l’arme, ce qui peut rendre la perspective d’évolution légèrement confuse : difficile parfois de savoir si un flingue qui envoie une munition explosive est considéré comme explosif ou coup par coup, en guise d’exemple. De menus détails, oui.
« En plus de devoir imiter les yamakasis, le joueur est incité à varier les armes. Chaque ennemi est en effet plus ou moins sensible à un type de cartouche »
Comme nous le disions, les premières missions ne sont donc pas forcément très excitantes, puisqu’il s’agit de ramener tel objet à tel personnage, escorter un VIP ou encore de détruire un certain nombre de monstres, afin de se faire la main avec les mécanismes de jeu. On sent que certains défis ont été placés pour donner un côté désinvolte qui se veut assumé, comme le fait de devoir ramasser du papier toilette ou des chaussures nauséabondes, même si cela n’a rien de drastiquement « fun ». Le premier quart de la campagne est, à ce titre, assez décevant, la faute à une trop forte impression de jouer à un spin-off de Dead Rising avec des allumés qui peuplent Sunset City d’un classicisme désarmant. Véritables caricatures revendiquées (du geek, du patriote, etc), ces caractères peinent à sortir du lot, à de rares exception près, tant nous les avons déjà vu partout. Le bon côté de la chose, c’est que le jeu lui-même semble s’en amuser, puisque l’on entendra notre personnage s’exclamer « comme c’est original » après la description du profil d’un autochtone à rencontrer. Vendu comme un gros délire de sales gosses par des auteurs décomplexés, Sunset Overdrive n’est pas vraiment subversif dans les thèmes qu’il aborde.
Il réussit par contre à enchaîner quelques clins d’œils d’œuvres iconiques de la culture pop avec la finesse d’un éléphant rose dans un magasin de porcelaine. Il faut dire que le doublage français, au premier abord passable, se permet des joutes verbales spécialement localisées pour notre beau pays (avec quelques références à notre Johny Halliday national ou même à Grand Corps Malade, entre autres). Notons cependant de rares répliques coupées lors des cinématiques, ne laissant pas le temps à certains PNJ de s’exprimer jusqu’au dernier mot de leur phrase. Les personnages et les situations donnent en tout cas tout son sens à l’anglicisme argotique «WTF». Les gens qui passeront dans votre salon pendant que vous serez en train de jouer se demanderont quelle drogue ont bien pu prendre les développeurs, pendant que vous vous sentirez comme un poisson dans l’eau, pour peu que vous ayez accepté dès le départ le ton grosse déconnade du titre. Si Sunset Overdrive commence doucement au point où l’on peut douter des réelles qualités de sa campagne et de sa désinvolture promise, les missions qui s’enchaînent vont de mal en pis question délire. En d’autres termes, ça monte en frénésie ubuesque au fil des heures, faisant passer la relative déception des premiers instants pour un rancard temporairement manqué.
Pourtant tape à l’œil et bruyant, Sunset Overdrive ne se révèle donc que sur la longueur. Le temps de débloquer de nouveaux mouvements, rencontrer une partie du casting de monstres comme de survivants, et surtout d’avancer dans ses missions qui passent d’anecdotiques à véritablement marrantes. Signalons la présence de vannes bien senties qui brisent le fameux quatrième mur. Le personnage principal s’étonne par exemple de la voix off sortie de nul part qui explique les règles du jeu, et les murs invisibles sont tout simplement visibles. Les références à l’univers du jeu vidéo abondent, comme ces checkpoints utilisant le warpeur de portal afin d’éviter de recommencer une longue séquence (d’escalade par exemple) en cas de chute inopinée, pour ne citer que cet élément. En tout cas, tout le monde s’en prend gentiment pour son grade dans cet univers caricatural. Même Microsoft, ou plutôt Windows 8, est gentiment fustigé, alors que certaines scènes clés, généralement des combats contre des boss tous très réussis , méritent leur pesant de cacahuètes.
Pour donner vie à ce monde effronté, les artistes d’Insomniac Games ont tranché pour une direction artistique colorée à forte inspiration bande dessinée, avec onomatopées visibles, sans être du Cell Shading pour autant. Cela signifie que les personnages ne sont pas entourés d’une ligne noire visant à les démarquer de l’environnement. La plupart des adjuvants du héros sont de véritables odes au mauvais goût, sûrement assumé par le studio, mais qui pourra rebuter n’importe quel œil élitiste. L’avatar principal du joueur peut s’en sortir mieux, puisqu’il est totalement personnalisable. Il est en effet possible à tout moment de changer les choix que l’on a précédemment faits dans le physique de son héros. Une personnalisation qui va du sexe, de la corpulence, de la couleur de peau et du type de visage aux vêtements et autres accessoires. Avec un peu d’imagination, il est même possible de créer des personnages assez connus. Votre serviteur s’est par exemple éclaté à créer un clone du grand Beat de JSR, on ne se refait pas !
« Le premier quart de la campagne est assez décevant, la faute à une trop forte impression de jouer à un spin-off de Dead Rising avec des allumés qui peuplent Sunset City d’un classicisme désarmant »
La grande fluidité du jeu est en tout cas remarquable. Seul un tearing un peu trop présent et des textures quelquefois très simples gâchent ce festival acidulé. Lorsque des dizaines d’ennemis ne sont pas en train de défiler, les rues de Sunset City sont vides, hormis la présence de quelques rares civils ou meutes de rats en fuite. Normal après tout, on parle d’une ville où toute la population a été infectée. Au rayon des bonnes idées, notons la présence de musiques dynamiques. Quand il ne se passe rien, la musique est absente. Si quelques monstres débarquent, une ligne de basse et des percussions résonnent. Tout s’agite ? Alors une guitare principale s’immisce dans la partition accompagnée d’un chanteur lorsqu’il y a plus plus d’explosions à l’écran que de cheveux sur la tête de Mika. Après, il faut aimer le pop rock Californien, même si de temps à autre certaines compositions plus électroniques viennent ponctuer les missions. Les thèmes ont quand même tendance à tourner un petit peu trop en rond à notre goût. La durée de vie, quant à elle, avoisine les vingt heures de jeu en réussissant les 32 quêtes annexes et les missions de la campagne, mais sans faire les 54 défis supplémentaires ni chercher les collectibles. Petit détail que nous signalons ici, durant notre périple, il nous est arrivé à deux reprises de ne pas réussir à déclencher un script pour deux quêtes annexes.
Heureusement, il est possible de rejouer n’importe quelle mission via un menu attitré et de voir qui de ses amis est dans le top trois côté points, transformant Sunset Overdrive en jeu de scoring une fois le périple terminé. Même s’il est amusant, ce n’est en tout cas sûrement pas avec son mode multijoueurs, jouable jusqu’à huit et accessible via des cabines téléphoniques dans la carte, que le bébé d’Insomniac Games peut espérer garder les joueurs sur la longueur. Lorsqu’un groupe est trouvé, on se retrouve dans un coin de la map avec un point qui caractérise un objectif à atteindre le plus rapidement possible, c’est à dire avant la fin d’un compte à rebours signifiant le début du défi. Il ne s’agit pas d’être en retard, sinon l’épreuve commence tout simplement sans nous, et les badauds déjà présents sur le lieu pourront commencer à amasser des points pendant que nous tentons encore de les rejoindre. Une idée amusante, surtout lorsque l’on voit tout le monde détaler à la recherche du moindre raccourci pour gagner quelques précieuses secondes. Les modes de jeu en eux-mêmes ressemblent à des variantes des défis du solo (recherches de points, destruction d’objets, peluches à trouver puis ramener, etc). Une session en ligne se termine, à l’image de la campagne, par une défense de base. Beaucoup plus difficiles que les épreuves éponymes du solo, ces missions demandent à la fois coopération (pour préparer la base et protéger les points chauds) et doigté, la faute à des ennemis extrêmement nombreux et puissants. Simple mais challengeant, ce bonus multijoueurs est un plus appréciable dans l’expérience générale Sunset Overdrive, sans en être l’élément central qui vous tiendra en haleine des heures.
+
- Fluide, grand et presque sans temps de chargement
- Nombreuses options d'évolution et de personnalisation
- Un level design qui porte admirablement un gameplay orienté mouvements
- La campagne réserve des moments drôles et mémorables
- Graphismes chauds et colorés pour un univers bourré de références populaires
- Bestiaire fichtrement varié
-
- Fatalement répétitif sur la longueur
- Des vannes, personnages et quêtes annexes quelquefois peu inspirés
- La campagne n'est pas jouable en coop
- Le design des PNJ ne sera pas du goût de tous