Test : The Gallery sur Xbox One
De l’art et du cochon
Les amateurs de FMV (pour Full Motion Video) peuvent difficilement ignorer Paul Raschid. On lui doit la réalisation de deux films interactifs parmi les plus solides apparus ces dernières années, à savoir The Complex et Five Dates. Si les deux expériences précitées sont fondamentalement différentes dans leur expression du FMV, elles partagent assurément le soin caractéristique du travail de Paul Raschid. On prend plaisir à suivre les aventures proposées, la réalisation est supérieure à la moyenne du genre, les acteurs assurent une représentation digne, en dépit de l’excès de jeu caractéristique du FMV. Bref, le film interactif version Paul Raschid, c’est du produit fiable.
The Gallery est donc la toute dernière production du réalisateur britannique et affiche tout de go l’envie du monsieur de sortir – une nouvelle fois – des sentiers battus. Après Five Dates le confiné, voilà donc une aventure qui peut se vivre à deux époques, 1981 et 2021. Dans un cas comme dans l’autre, il y est question d’une galerie d’art où se joue l’arrivée imminente d’un tableau de haute valeur, prétexte dans les deux époques à l’irruption d’une prise d’otage. Les deux époques ne s’influencent pas mutuellement mais s’emploient à dépeindre une situation similaire sous le prisme des dérives politiques et sociétales qui les caractérisent. En 1981, c’est la Grande-Bretagne sous la politique de la Dame de Fer qui sert de toile de fond, tandis qu’en 2021, c’est la crise sanitaire qui est le catalyseur de la colère populaire.
On ne vous dévoile évidemment rien de plus sur l’histoire, mis à part le fait que The Gallery se déroule uniquement dans l’enceinte… de la galerie, et se concentre presque exclusivement sur deux personnages. La bonne nouvelle, c’est que les deux acteurs impliqués ne vous sont certainement pas inconnus et contribuent, chacun à leur manière, à tirer vers le haut ce FMV. On retrouve ainsi Anna Popplewell, que l’on a notamment vu à l’écran dans la trilogie Le Monde de Narnia (Susan) ; à ses côtés, un visage qui a accompagné plusieurs saisons de la série Vikings. George Blagden, alias Athelstan chez les nordiques, joue donc le second rôle principal. Selon que l’on choisisse le scénario de 1981 ou celui de 2021, un et l’autre intervertissent leur rôle.
Si les deux époques présentent deux films d’une durée à peu près équivalente (une bonne heure), on a toutefois grandement préféré le scénario de 1981. George Blagden y est parfait dans son rôle et Anna Popplewell se défend elle aussi tout à fait bien. Dans le scénario de 2021 en revanche, ça coince pour la jeune femme notamment, bien peu crédible lorsqu’il lui faut endosser le rôle de la méchante. Il faut dire aussi qu’elle n’est pas aidée par l’environnement « culturel » dépeint ici et le motif qui entoure la prise d’otage en 2021. Le contexte britannique de 1981, avec sa contestation sociale historique et l’ombre de l’IRA qui plane alors fortement sur le Royaume-Uni (1981 est par ailleurs l’année de « l’Irish Hunger Strike »), donne une toile de fond autrement plus convaincante.
Toujours est-il que dans les deux cas, il est beaucoup question d’art et du rapport de la peinture (le portrait en particulier) avec les évolutions de la société. On n’est certes pas dans un débat sur France Culture, mais les références sont nombreuses, les détails techniques tout autant, ce qui peut éventuellement passionner les uns et ennuyer passablement les joueurs qui ne portent que peu d’intérêt à l’art pictural sous cette forme. Cela contribue aussi à donner à The Gallery un rythme globalement très posée, lent par moments, par ailleurs peu soutenu par les apparitions sporadiques de personnages secondaires ô combien insipides. The Gallery se pose ainsi comme un huis clos dont l’essentiel se passe autour de la longue conversation entretenue par l’otage et son geôlier.
Qui dit FMV dit choix bien sûr, menant à divers embranchements et plusieurs fins possibles. Douze pour le scénario de 1981, moitié moins pour celui de 2021, chaque film disposant par ailleurs d’environ 150 scènes à découvrir. Comme souvent il y a les choix qui comptent vraiment et ceux qui tendent plus à varier les têtes qui seront présentes ou non lors que dénouement. Refaire le jeu permet donc de comprendre comment se construisent les différents chemins proposés, une partie reposant grandement sur le niveau de confiance qui s’établit au fil des choix entre l’otage et le criminel. Le menu permet de savoir où l’on en est à ce sujet. Dès la seconde partie engagée, le bouton RT permet de passer les scènes déjà observées ; on revient donc facilement sur le jeu pour tenter de connaitre un maximum de dénouements possibles.
D’un point de vue technique, The Gallery est sans surprise un FMV plutôt soigné, à la manière de The Complex. Sans valoir véritablement quelque chose en tant qu’œuvre cinématographique, The Gallery se place dans le haut du panier de ce genre vidéoludique, avec un réalisateur qui travaille autant que possible ses plans et s’emploie à transmettre quelque chose. On préfère toutefois oublier les effets spéciaux particulièrement grossiers, heureusement très peu mis à contribution. Il est dommage également de constater un léger décalage entre l’image et le son, espérons que cela finira par être corrigé via une mise à jour. Sachez pour finir que The Gallery propose des menus et sous-titres en français, les voix étant proposées dans leur format original, en anglais donc.
+
- Duo d’acteurs principaux très bon pour le genre
- Esthétique soignée
- Bon nombre de choix et d’embranchements
- La thématique de l’art est véritablement exploitée
- Une histoire, deux possibilités de la vivre…
-
- ... Mais un scénario 2021 bien en dessous de son pendant 1981
- Décalage du son léger mais gênant
- Personnages secondaires sans intérêt
- Rythme globalement lent
- Des références précises à l’art qui peuvent éventuellement finir par ennuyer