Test : Truck Driver: The American Dream sur Xbox Series X|S
Tu vuo' fa' l'americano
Le Truck Driver de 2019 sur Xbox One nous avait plutôt fait plaisir. En dépit d’une modestie et d’imperfections qui l’empêchaient ne serait-ce que de chatouiller le talon d’un EuroTruck Simulator 2, cador du genre sur PC, le jeu édité par Soedesco venait alors combler un grand vide sur consoles. Celui des simulations de poids-lourds. D’autres ont tenté l’aventure depuis, avec assez peu de réussite. Aussi accueille-t-on avec un certain enthousiasme Truck Driver: The American Dream sur Xbox Series X|S et Xbox One. Une petite mise en garde s’impose toutefois : nonobstant l’appellation « Truck Driver » et la jaquette du jeu reprenant l’identité visuelle du jeu de 2019, Truck Driver: The American Dream a été développé par un studio différent. Ce sont les Bulgares de Kyodai qui ont concocté cette aventure américaine. Récemment acquis par Soedesco, Kyodai n’était connu jusqu’ici que pour la petite aventure narrative « Elea », disponible sur Xbox One depuis plusieurs années. Un jeu par ailleurs estampillé « Episode 1 » sur nos consoles et qui, sauf erreur, n’a jamais reçu d’épisode 2. Voilà qui promet.
On laisse bien sûr le bénéfice du doute à Truck Driver: The American Dream et on se lance à corps perdu dans le rêve américain, ignorant que nombre de surprises s’apprêtent à jalonner l’aventure. La première et probablement plus marquante tient au fait que Truck Driver: The American Dream repose sur un scénario. Alors que la quasi-intégralité des simulators se contente de nous laisser choisir un nom avant de nous propulser dans le business, Truck Driver: The American Dream s’emploie à « humaniser » son expérience. On joue le rôle d’un trentenaire un peu paumé, en difficulté professionnelle autant qu’affective, qui s’apprête à redonner un sens à sa vie au volant d’un poids-lourd. Une tâche difficile, d’autant qu’il prend la suite d’un paternel qui fut une figure du métier dans la région et dont la disparition tragique a laissé des traces. Des petites cut-scenes à base de dessins et surtout d’innombrables dialogues (en anglais sous-titré français) donnent corps au scénario de Truck Driver: The American Dream. Mais n’allez pas croire que ce n’est qu’un enrobage de départ ! Non, car le jeu est carrément découpé en une trentaine de chapitres et c’est précisément autour de cela que s’articule l’expérience. Chaque chapitre met en scène un personnage, une situation, qui est un prétexte pour nous faire prendre la route.
Truck Driver: The American Dream est ainsi très différent de ses pairs. Il se caractérise – paradoxalement pour un simulator – par une absence totale de liberté. Il y aura bien à l’avenir un mode libre, il apparait d’ailleurs dans le menu, accompagné de la mention « prochainement disponible ». L’éditeur en parle sur son site, certifiant que ce mode, accompagné de boulots pour l’occuper, sera disponible courant 2024. Pour l’heure, on doit donc faire avec un système de mission linéaire, un objectif unique succédant à un autre, ouvrant machinalement sur un bout supplémentaire de l’histoire. Si l’on n’a rien contre cette volonté de scénariser l’expérience à priori, force est de constater qu’un malaise s’installe rapidement : on s’ennuie ferme. On a plutôt l’habitude de jouer à ce genre de jeu pour y gérer des livraisons, s’organiser en fonction des coûts/gains potentiels, gagner de l’argent pour augmenter l’efficacité de l’entreprise dont on tient les commandes. Il n’y a à peu près rien de tout ça dans Truck Driver: The American Dream. On va ici et là en fonction des exigences du scénario, quitte à tomber dans l’absurde. Comme devoir rouler d’un point A à un B pour s’y reposer, puis retourner chercher le chargement au point A, pour ensuite le livrer près du point B. La façon qu’a le jeu de tirer en longueur sur ses premiers chapitres est horrifiante.
Truck Driver: The American Dream tient moins de la simulation de transport routier que du walking simulator. On se contente de se diriger en écoutant de longues discussions (pas forcément inintéressantes cela dit) sur des thèmes divers tels que le couple, la famille, la place de chacun dans la société, le sens de la vie. Côté conduite et simulator c’est le minimum syndical qui est servi : on fait l’essence, on se repose, on répare le camion, on attache et on détache des remorques. Le jeu nous propose quelques possibilités d’amélioration du véhicule, des éléments de personnalisation esthétique plutôt cools et un système de points d’expérience permettant de rendre la conduite moins énergivore, les réparations moins chères ou encore l’endurance du conducteur plus grande. Tout cela est très bien mais le jeu est tellement cloisonné et dirigiste que ça n’a pour ainsi dire aucune espère d’intérêt.
On peut entendre la volonté des développeurs de faire de Truck Driver: The American Dream un jeu grand public, dirigiste dans le but d’être accessible. Mais en l’état l’expérience est surtout pauvre, trop vite ennuyeuse. La conduite manque clairement de punch, de poids. C’est fade. On gère uniquement les phares, les clignotants et les essuie-glaces, sachant que la pluie ne produit aucun effet sur le pare-brise. Pire encore, le trafic géré par l’IA se moque royalement de l’usage que vous faites des clignotants, entre autres choses. Les voitures mettent un temps fou à s’engager à un croisement, certains se plantent parfois au beau milieu de la route, bref l’IA est une catastrophe. On conduit ainsi un camion avec autant de plaisir qu’une voiture le long d’une autoroute un jour de retour de vacances. Sans régulateur de vitesse, sans aucun réglage possible du frein moteur, sans limiteur, sans rien qui vienne un peu dynamiser la conduite. On peut au moins régler la radio et choisir parmi quelques pistes sonores anecdotiques. Attention tout de même avec les commandes puisque l’on a par exemple, sur une même touche, l’activation des essuie-glaces avec un appui long et celle du frein à main en pressant brièvement. On a connu des assemblages moins douteux.
Tout cela étant dit, on aurait tout de même pu imaginer que Truck Driver: The American Dream conviendrait aux personnes cherchant une expérience simulator très encadrée, facile à prendre en mains, peut-être moins austère que le pendant germanique de ce genre de jeu. Truck Driver: The American Dream avait quelque chose à faire en ce sens, avec sa carte de taille honnête et ses environnements inspirés de la campagne de l’état de New-York. En dehors des camions bien modélisés il n’est pas un beau jeu à proprement parler, mais disons que du côté des simulators de poids-lourds on a croisé aussi bien pire. Il vous laisse le choix entre le mode fidélité 4K/30fps, le mode performance en 60fps (mais alors pas franchement jojo), ou bien un entre deux dynamique. Dans tous les cas, attendez-vous à quelque chose qui n’est clairement pas passé par la case « finitions ». On parle de clipping, de textures inégales, d’effets de lumière foirés, de murs invisibles qui sortent de nulle part. Surtout, Truck Driver: The American Dream est plombé par des crashs à répétition qui renvoient tout bonnement à l’écran d’accueil de la console. On repart alors pour de longues minutes sur des routes déjà parcourues, en croisant les doigts… Avant de rencontrer l’horreur au chapitre 5. Un morceau de route est tout simplement buggé jusqu’à la moelle. Les véhicules passent au travers du goudron (le nôtre aussi), on roule sur des bosses façon Ace Ventura en Afrique, avant d’aller s’éclater sur un mur invisible, en plein milieu de la route. Oui, là où à priori la route redevient normale. La vie de rêve !
+
- Simulator scénarisé pour une histoire qui tient la route
- Univers pas désagréable
- Accessible, sur le papier
-
- Des bugs à foison, de toutes sortes
- Crashs, blocages de la progression au programme
- Expérience archi-cloisonnée…
- … Et donc très vite ennuyeuse
- Conduite sans saveur
- IA très artificielle
- L’impression de jouer à un walking simulator