Test : The Wreck sur Xbox Series X|S
Wreck me up
Dans The Wreck, nous suivons donc l’histoire de Junon, une jeune scénariste de 36 ans, à une étape difficile de sa vie. S’éveillant franchement paumée dans les toilettes d’un hôpital, elle est appelée par une urgentiste lui annonçant une triste nouvelle. Sa mère Marie a présenté une hémorragie cérébrale et n’a pu reprendre conscience. Junon est celle qu’elle avait désignée comme personne de confiance pour les décisions de soins à venir. Une responsabilité face à laquelle cette dernière (qui n’en avait pas été informée) ne se sent pas armée. C’est donc pour cette raison qu’elle décide de fuir ses responsabilités – littéralement – en choisissant de prendre la route à bord de sa Polo rouge. Un malheur n’arrivant jamais seul, elle est victime d’un accident de voiture. Tel est le pitch de The Wreck. Bien que déjà porteurs de beaucoup de conséquences et de décisions difficiles à prendre, ces deux évènements ne sont pourtant que les points de départ à des questionnements encore plus poussés, profonds et personnels.
Sans en dévoiler trop, le jeu évoque des thématiques matures et diverses telles que la sororité, le rapport à la maternité, la charge mentale des mères, le deuil, les relations familiales conflictuelles ou encore le rapport à la religion. Quel que soit le thème abordé, celui-ci l’est avec justesse, voire avec une certaine délicatesse. Chose non évidente compte tenu de la dureté des sujets évoqués, l’histoire ne tombe pas dans un pathos exagéré, et la pudeur de l’écriture nous garde d’un ton mélodramatique qui aurait pu desservir l’immersion. Cette dernière est d’ailleurs très réussie. The Wreck arrive en effet à faire écho à l’histoire de chacun.e d’entre nous de par sa maturité et sa narration. On s’y retrouve ne serait-ce qu’un petit peu, dans tel ou tel échange ou dans un évènement de vie partagé par Junon ou sa sœur Diane par exemple. Saluons par ailleurs les choix des prénoms des protagonistes qui sont loin d’être anodins.
L’écueil de longues palabres inutiles et de questionnements pseudo philosophiques stériles qui entache parfois les jeux narratifs est évité. Les dialogues sont justes, reflètent des réflexions du réel. Les personnages sont eux authentiques, vont à l’essentiel, comme dans la réalité. En somme le scenario est de grande qualité puisqu’il réussit à faire appel, parfois avec intensité, aux émotions des joueuses et joueurs, sans les agacer, sans envie de passer les dialogues ou de les lire en diagonale. On peut toutefois souhaiter aller vite, non pas parce l’intrigue est d’un ennui mortel, mais au contraire car celle-ci nous tient suffisamment en haleine pour nous donner envie d’en savoir encore plus.
Les mécaniques de jeu s’articulent autour de deux éléments. Pour explorer l’histoire, les développeurs invitent tout d’abord à lire les pensées de Junon ou ses échanges avec certains personnages. Dans ces lignes de dialogues ou de pensées de l’héroïne il est possible de choisir certains mots pour en savoir plus sur le fond de l’histoire et ses aboutissements. Ces premiers choix n’ont pas de conséquences sur le déroulement des évènements mais permettent d’en apprendre plus sur Junon, sa mère et les autres personnages.
La deuxième mécanique s’articule quant à elle autour des souvenirs de Junon. Ils sont organisés sous forme de dioramas que nous pouvons parcourir après avoir choisi un objet précis. Au moyen des gâchettes, il est ainsi permis d’avancer ou reculer le temps pour que Junon parvienne à décortiquer sa mémoire et l’analyse sous un angle différent, l’aidant alors à cheminer pour faire avancer le scénario. Revivre le passé permet d’influer sur le présent et ensuite de poursuivre l’aventure. Nous pouvons ainsi parcourir en long en large et en travers, parfois à plusieurs reprises, dix souvenirs qui initialement d’allure anodine renferment finalement des problématiques ou des traumatismes anciens dans l’histoire de Junon et de sa famille.
La direction artistique est elle aussi de très bonne facture. Les dessins sont réussis et les graphismes qualitatifs pour permettre des personnages expressifs et des décors immersifs. Le choix du visual novel est pertinent puisqu’ainsi, pas de synchronisation labiale mal gérée qui viendrait nous gêner. Les plans décidés pour certaines phases de dialogues sont assez cinématographiques, comme l’échange de Junon et Diane dans la cafétaria de l’hôpital ou la scène de l’aquarium.
Techniquement, le jeu est qualitatif bien que certains éléments visuels puissent attirer l’œil de façon désagréable avec un aliasing un peu prononcé. A noter qu’il est possible d’opter pour une limitation des mouvements sur certains plans en cas de motion sickness. Les doublages sont réussis bien qu’intégralement en anglais, ce qui est assez dommage pour une production venant d’un studio français. Ce d’autant que les doubleurs sont français, et leur petit accent frenchy se ressent, mais cela ne devrait pas déplaire pour l’exportation du jeu hors de nos frontières. Assez déroutant au premier abord, les habitué.e.s des séries anglophones en VOSTFR s’y feront très facilement puisque le sous titrage est lisible et accessible. Cependant certain.e.s pourraient reprocher ce choix au studio français.
La bande son quant à elle est plus que réussie. Les morceaux d’Adrien Larrouzée, d’Arte Production ou de Colorswap rendent parfaitement hommage à la qualité du titre français. Côté durée de vie, The Wreck se termine en environ cinq heures pour découvrir une première fois le fin mot de l’histoire et le choix ultime qu’il reste à faire pour Junon. Il s’agit donc d’une franche réussite dont la qualité est à saluer pour un studio de la taille de celui de Pixel Hunt, tant dans ses graphismes que dans ses propos.
+
- Maturité des propos
- Réalisme de l'histoire et des personnages
- Bande son immersive
- Direction artistique éclatante
- Souvenirs sous forme de dioramas
-
- Aliasing un peu prononcé
- Absence de doublage français