Chronique XM #1 : Mass Effect, de la Science et de la Fiction
Cette chronique amorce un mini-cycle sur Mass Effect, pendant lequel nous disséquerons le background du RPG de BioWare.Pour plus d’infos, rendez-vous sur la fiche du jeu.
1ère Partie : Parlons Physique
L’histoire de Mass Effect se déroule dans un futur encore lointain, le 22ème siècle, et comme dans tout bon univers de science-fiction qui se respecte, l’Homme voyage désormais à travers l’espace, et ce à des vitesses plus rapides que la lumière. Premier point important à noter: en physique, il est strictement impossible de dépasser ce seuil fantasmé par tant d’auteurs. On vous dit que c’est possible dans Star Wars et consorts, mais ce ne sont là que des ressorts scénaristiquesdénués deréelle base scientifique. Sans faire de démonstration mathématique compliquée, disons simplement que pour voyager à la vitesse de la lumière, il faut avoir une masse nulle. Donc, à moins que notre ami Chewbacca fasse faire une cure de régime au Faucon Millénium, Yan pourra toujours gueuler « vitesse lumière » en solo, rien n’y fera. C’est donc sur ce point précis que l’on peut déjà juger de la qualité et de la cohérence d’un univers S-F : dans la justification que les auteurs font du voyage supra-luminique.
Les Mass Relays de Mass Effect ne sont pasdes passe-partoutscénaristiques
Et c’est justement là que Mass Effect surprend.Si vous avez joué au jeu, vous connaissez les relais Cosmodésiques (Mass Relays en version originale), ces artefacts gigantesques bâtis par l’antique civilisation des Prothéens, dispersés aux quatre coins de la galaxie et dont les différentes races ont pris possession et appris le fonctionnement. A partir de là, c’est relativement simple. Mettons que nous sommes le commandant Shepard, que nous sommes sur Terre et que nous voulons atteindre la colonie d’Eden Prime. Si l’on ne peut pas voyager à la vitesse de la lumière, comment faire pour atteindre cette destination avant de faire de vieux os ?
Einstein nous l’avait dit :l’espace-temps est malléable, totalement souple. Les masses le déforment comme un boulet que l’on aurait posé sur un drap tendu. Donc, pour atteindre notre destination plus rapidement, il faut entreprendre de déformer l’espace entre Eden Prime et nous. C’est ce que fait précisément un relais Cosmodésique. Il utilise une énergie mystérieuse (dans le jeu, elle est appelée l’énergie noire) pour contracter les distances et permettre au Normandy de franchir des années lumière en un claquement de doigts. Normandy 1, Faucon Millénium 0. Chewee, t’es qu’une tapette doublée d’une serpillière mon vieux !
Pour revenir à l’énergie noire, il est intéressant de se demander d’où elle peut provenir. Là, sur ce point précis, les choses se gâtent un peu. Si les relais Cosmodésiques s’appuient sur une physique bien établie, lorsque Bioware se met à nous parler d’énergie noire et d’élément Zéro, on frise l’hérésie scientifique (ou le génie, c’est selon). En physique, l’énergie noire est une force mystérieuse qui pousse notre univers à s’agrandir en permanence et de plus en plus vite. Découverte à la fin des années 90, elle joue un rôle déterminant dans toutes les découvertes qui sont faites actuellement, bien qu’on ne connaisse pas précisément sa nature exacte. La chose importante à retenir, c’est que son influence se ressent sur des échelles cosmologiques, des distances de l’ordre de plusieurs milliards d’années lumière. En gros, pour le petit pèquenaud de la Voie Lactée, l’énergie noire n’a strictement aucune influence pouvant être directement constatée.
Dans Mass Effect, cette énergie noire est la même, à la différence près qu’elle a des effets sur les atomes, ce qui, à priori, est incorrect, du moins dans notre ère et celle, supposée, du jeu (j’apporterai des précisions sur le forum si vous le souhaitez). Soumis à un courant électrique puissant, elle peut augmenter ou diminuer le champ gravitationnel (en d’autres termes : modifier l’espace-temps). Le problème est que la force gravitationnelle et la force électromagnétique sont totalement dissociées et n’agissent pas ensemble. En outre, il est impossible de les coupler pour obtenir un résultat combiné. C’est bien évidement là qu’entre en jeu l’élément Zéro, permettant ce brassage un peu contre-nature entre l’énergie noire, la force grav. et la force électromagnétique. C’est qu’ils sont astucieux, les petits gars de chez Bioware.
Suite à ce mélange, l’énergie noire peut donc réduire les masses ou les augmenter et permettre de voyager plus vite, ou même de détruire des objets. Le pouvoir de singularité, c’est, typiquement, augmenter la masse d’un endroit de l’espace de manière à créer un mini-trou noir dévastant tout sur son passage. Bref, Mass Effect marque encore des points de par cette originalité, qui tire sa substance d’une réelle base scientifique.
Drew Karpyshyn, l’un des principaux artisans du background de Mass Effect
C’est tout ? Non. Ces deux grands thèmes que sont les voyages supra-luminiques et l’énergie noire ne sont qu’une partie émergée de tout l’univers de Mass Effect, où chaque concept utilisé est justifié avec une précision scientifique incroyable. Autre petit exemple : on se souvient de l’écran de chargement du jeu, avec le Normandy, le vaisseau de Shepard, lancé à pleine vitesse et entouré de bleu à l’avant et de rouge à l’arrière. C’est ce qu’on appelle une notion de Blueshift/Redshift et d’effet Doppler. Explication.
Vous vous rappelez peut-être des capacités furtives du Normandy. Le navire spatial, unique en son genre dans la flotte des humains, est capable de cacher la chaleur qu’il dégage dans des puits thermiques pour que sa coque refroidisse jusqu’à atteindre la température ambiante de l’espace, et devienne ainsi invisible. C’est scientifiquement correct, puisque dans l’espace, on détecte surtout les objets par le biais de la chaleur qu’ils émettent.
Le camouflage thermique du Normandy lui permet de devenir invisible dans l’espace
On pourrait disserter longtemps sur d’autres exemples, il y en a des tas. L’important est de retenir que Mass Effect utilise la physique à son paroxysme, et c’est suffisamment rare pour être signalé. De mon point de vue, j’ai toujours pensé que la science-fiction de ces dernières années avait totalement perdu son sens, oubliant sa principale composante : la science. Le dernier jeu de rôles de Bioware corrige le tir par son background qui démontre un réel effort de cohérence et de recherche.
Fin du premier Acte sur Mass Effect et la science, on se retrouve bientôt pour disséquer un peu plus en détail les rouages du jeu.