Une interview pour Forza Motorsport
Voici recopiée l’interview Forza Motorsport disponible sur le
site officiel. Rien de bien folichon à apprendre, un beau
discours commercial et des questions consensuelles. On retiendra surtout que
«oué, les développeurs sont des ouf malades de course, et qu’ils sont assez
riches pour faire les malins en Ferrari». Mais en ce beau samedi, c’est toujours
ça de pris !
Il est déjà difficile de concevoir un jeu de conduite
révolutionnaire, mais cela le devient plus encore si le secret qui entoure le
projet est tel que même vos collègues travaillant dans le bureau d’en face ne
s’en rendent pas compte. Et pourtant, c’est ce que l’équipe de Studio RX a
réussi à faire : sans que personne ne se doute de ce qui se passait, elle a
développé ce qui risque fort d’être le meilleur jeu de conduite jamais publié
pour Xbox. Il y a peu, Dan Greenawalt, le responsable de la conception, a cessé
quelques instants de peaufiner ce qui s’annonce comme la plus belle surprise de
l’E3 pour nous expliquer comment on conçoit un superbe jeu de conduite en
partant de rien.
Cela commence à faire un bon moment que Studio RX
développe Forza Motorsport dans le plus grand secret. Dites-nous comment le
projet a vu le jour. Qui en a eu l’idée, et quand avez-vous compris que le
projet pouvait devenir une réalité ?
Notre bonne étoile veille sur nous depuis le début du projet.
D’une certaine façon, le jeu existait avant même que l’équipe ne soit conçue. En
effet, tous les responsables de l’équipe avaient publié des jeux de conduite
pour Xbox et PC depuis plusieurs années, dont Rallisport
Challenge, Project Gotham Racing, Motocross Madness et
Midtown Madness. Et, pendant tout ce temps, nous avons accumulé
de l’expérience et appris à nous connaître. On pourrait dire que nous avions
déjà une équipe de stars avant d’avoir notre terrain de jeu. Compte tenu de
notre passion commune et de l’expertise de chacun, une simulation de conduite
pour Xbox semblait le meilleur choix possible, d’autant que la série des Gran
Turismo avait fait la preuve qu’un simulateur innovant et bien réalisé pouvait
se vendre à plusieurs millions d’exemplaires sur une console et devenir une
véritable référence en la matière.
Au cours de la première année, nous avons constitué une équipe
réduite d’une vingtaine de personnes et nous avons réalisé un prototype. Le
rendu de l’atmosphère de course était notre principale priorité. Nous tenions à
ce que la conduite de la voiture, les graphismes et les bruitages suffisent à
vendre le jeu. Mais il nous fallait également trouver une approche visuelle
permettant à notre titre de sortir du lot. Un excellent simulateur ne suffit pas
à donner un excellent jeu. Il nous fallait également une vision différente, qui
apporterait quelque chose de nouveau aux passionnés de jeu de conduite sur
console.
Nous avons vraiment travaillé comme des fous pour finir notre
prototype. C’est quand nous l’avons achevé et que la direction nous a félicités
sur la qualité obtenue que nous avons compris que Forza Motorsport allait
devenir une réalité. Et c’est là qu’il a vraiment fallu commencer à
travailler…
Il existe de nombreux jeux de conduite sur Xbox. En
quoi Forza Motorsport se différencie-t-il de titres comme Project Gotham Racing
2 ou RalliSport Challenge 2 ?
Forza Motorsport est un moteur de simulation
pure, autour duquel nous avons conçu un univers de course automobile. Les
commandes, les aides à la conduite et le retour joueur sont excellents, ce qui
permet de se lancer dans le grand bain sans attendre. D’un autre côté, nous
avons tellement respecté la physique que les joueurs pourront sans cesse
continuer d’apprendre et de s’améliorer. Chaque voiture est différente. Le rendu
du poids et des frottements sont extrêmement réalistes, grâce à quoi les
meilleurs pilotes devraient pouvoir donner la pleine mesure de leur talent. Et
les aides à la traction et à l’anti-patinage sont là pour permettre aux joueurs
moins expérimentés de s’amuser et d’être de taille à rivaliser avec leurs
adversaires.
Notre système de suspension et de pneumatiques est extrêmement
réaliste. Nous avons fait équipe avec les pneus Toyo afin d’obtenir des données
réelles que nous avons ensuite appliquées au jeu, avec pour conséquence que des
concepts comme la pression, l’usure, la chaleur et le poids supporté influent
sur le rendement des pneumatiques. Les frottements sont également affectés par
la gomme et les autres impuretés déposées sur la piste.
Nous avons aussi bénéficié de l’apport d’un ingénieur de
l’équipe de F1 de Ferrari pour doter nos bolides de suspensions en tout point
réalistes. Par exemple, si l’on configure cette dernière afin qu’elle simule une
suspension en double «A», cela comprime la suspension et donne un angle de
carrossage négatif, ce qui joue sur la chaleur des pneus, et donc leur pression.
La plupart des consoles n’ont pas la puissance nécessaire pour effectuer tant de
calculs tout en offrant un jeu jouable.
Nous avons entendu dire que certains membres de
l’équipe de développement étaient des fanatiques des jeux de conduite. Est-ce
vrai et, si oui, en quoi cela a-t-il influencé la conception du jeu
?
Notre équipe est constituée de véritables passionnés. Certains
d’entre nous sont des pilotes professionnels, tandis que les autres adorent les
jeux de conduite. Le lundi matin, à la pause-café, on ne parle que des résultats
du week-end, que ce soit en F1, Nascar, Moto GP, etc… ou de notre dernière
contravention, pour ceux qui transposent la simulation sur la route…
L’un de nos développeurs était en cinquième position sur la
liste d’attente pour recevoir une Ferrari, mais quand il a appris que le
concessionnaire de Seattle n’en recevrait que trois, il a préféré commander une
Lamborghini. Il pousse aussi sa 360 Modena jusqu’à la limite chaque fois qu’il
peut la piloter sur un circuit… et même quand il vient au bureau. Quand je
l’ai rencontré, il venait de sortir de sa voiture, à Laguna Seca, après avoir
terminé 7e d’une course du circuit Star Mazda.
L’un de nos infographistes est pilote de rallye professionnel
et deux autres membres de l’équipe ont pris part à des courses officielles. Nous
avons également plusieurs pilotes de moto de très bon niveau, sans oublier les
collectionneurs et autres spécialistes du gonflage de moteur. Un des derniers
arrivants de l’équipe roule en réplique d’AC Cobra de plus de 600 cv qui gronde
à vous en décrocher les mâchoires. Et quand le projet a débuté, notre
responsable de la planification avait une RX7 dont la suspension était si basse
qu’une dialyse était nécessaire chaque fois qu’on en sortait. Depuis quelque
temps, je travaille sur ma S4 avec le chef de projet de PGR 2. Comme ça, elle
n’a l’air de rien, mais je peux vous dire qu’elle a un tigre dans son moteur.
Évidemment, elle ne soutient pas la comparaison avec la Viper ACR de ce même
chef de projet, mais une voiture comme celle-là ne se construit pas en une nuit.
Nous sommes quasiment tous des accros de la vitesse, ce qui est
absolument parfait pour mettre au point un simulateur de conduite sportive. Que
ce soit au sujet du réglage des voitures, du tracé des circuits ou des
améliorations possible, nous avons toujours accès à ce qui se fait de mieux en
matière de conseils, au sein même de notre équipe.
Vous êtes-vous inspirés de jeux de conduite existants
et, si oui, pouvez-vous nous dire desquels ?
La série des GT a eu une influence indéniable pour toute
l’équipe. Personnellement, c’est uniquement pour jouer au tout premier Gran
Turismo que j’ai acheté ma première console. Sans ce jeu, plusieurs d’entre nous
auraient vraisemblablement choisi un autre métier. Polyphony a vraiment réussi
une excellente série.
Je suis sûr que vous reconnaîtrez l’influence de
Ferrari 355 de Sega dans notre présentation à l’E3. D’ailleurs,
355 est installé avec un triple écran dans la salle d’accueil de nos bureaux. Je
joue également aussi au vieux Sportcar GT sur PC avec notre
directeur artistique. Ce titre offre un excellent mélange de simulation et de
jeu divertissant, sans oublier ses super bagnoles et ses circuits tirés du monde
réel.
Quelques membres de l’équipe participent aux championnats de
simulation en ligne de Grand Prix Legends et NASCAR
Racing 2003. Ces jeux ne rassemblent pas grand monde, mais ceux qui les
pratiquent sont vraiment accros. La preuve, certains d’entre eux ont mis au
point leurs propres programmes de télémétrie et d’analyse de ralentis, sans
oublier des mods au contenu impressionnant. Récemment, un ami m’a montré un
championnat en ligne basé sur une version de F1 2004 modifiée pour accepter les
voitures et circuits de FIA GT et d’ALMS. Cela avait l’air très amusant, mais
aussi extrêmement difficile. Ces communautés de fanatiques sont une source
d’inspiration bien plus importante que n’importe quel jeu pourrait l’être.
Parlez-nous du gameplay de Forza Motorsport. S’agit-il
d’une simulation pure ? Les joueurs auront-ils l’option de ne jouer qu’une seule
course, ou bien devront-ils disputer une saison complète en mode carrière
?
Le mode carrière de Forza Motorsport vous
promet des centaines d’heures de personnalisation et de courses de voitures. La
progression du jeu et le déverrouillage des niveaux mélangent exploration non
dirigiste et niveaux linéaires.
Forza Motorsport vous offre la possibilité de collectionner et
de personnaliser des voitures produites par plus de 60 des plus grands
constructeurs qui soient au monde. Vous pouvez les piloter lors de centaines de
courses, réparties en une douzaine de catégories tirées du monde réel. Après, si
vous préférez battre le record du tour, pas de problème. Si vous aimez les
courses allant d’un point à un autre, vous en trouverez aussi. Et si vous êtes
un amoureux des circuits, vous en aurez plus qu’il ne vous en faut, qu’il
s’agisse de modélisations de circuits existants ou d’autres que nous avons
inventés de toute pièce. Forza Motorsport vous propose également plusieurs types
de courses, afin que vous ne soyez en rien limité. Vous pouvez gagner de
l’argent et augmenter votre prestige où et quand vous voulez.
Peu de jeux arrivent à offrir une intelligence
artificielle vraiment réaliste. Comment avez-vous procédé pour garantir un jeu
amusant, même en mode solo ?
Tout le monde parle d’IA dans les jeux de course. Plutôt que de
vous donner des détails techniques, je vais vous expliquer notre approche, afin
que vous puissiez vous faire votre propre avis sur la question. Vous savez, je
ne plaisantais pas quand je vous ai dit que nous avions constitué une équipe de
pros. Plusieurs développeurs hautement qualifiés ne travaillent que sur notre
IA. Notre développeur principal dans ce domaine découvre l’univers des jeux
vidéo, mais l’IA est sa grande spécialité. Il est diplômé en la matière et nous
vient tout droit de la division recherche de Microsoft. De par le passé, il a
travaillé sur les robots et l’apprentissage des IA. Il fait équipe avec notre
division recherche de Cambridge afin de nous permettre d’aborder la question de
l’IA sous un angle radicalement différent.
Une telle approche est vraiment intéressante. Plutôt que de
donner à l’IA des règles de physique différentes de celles qui s’appliquent au
joueur et quelques données aléatoires afin de donner des adversaires différents,
notre équipe conçoit une IA capable de réfléchir et utilisant les mêmes règles
de physique que le joueur. Même les niveaux de difficulté de l’IA sont basés sur
l’apprentissage. Les IA de faible difficulté commettent des erreurs «humaines»,
par exemple en retardant trop leur freinage ou en contre-braquant en sortie de
virage.
C’est fascinant de regarder l’IA en train d’apprendre. Je règle
une nouvelle voiture et je la transmets au développeur afin qu’il forme l’IA,
laquelle prend le contrôle de la voiture et commence à enchaîner les tours. Les
temps s’améliorent au fur et à mesure que l’IA teste les limites de la voiture
et, très vite, elle en obtient d’excellents, en étant soumise aux mêmes règles
que le joueur en matière de physique. Et le plus stupéfiant, c’est que
l’apprentissage de l’IA n’a pas besoin de se faire à chaque circuit, puisqu’elle
applique d’emblée à tout nouveau circuit ce qu’elle a déjà appris sur la
voiture.
Les gens qui ne sont pas du métier auront peut-être du mal à
s’en rendre compte, mais c’est une véritable révolution. Tous les autres jeux de
course automobile que je connais utilisent des règles de physique différentes et
des trajectoires prédéfinies en fonction du circuit pour leur IA, tandis que
l’intelligence artificielle de Forza Motorsport est vraiment intelligente.
En quoi la physique et la modélisation des dégâts affectent-elles le
gameplay ?
Ce jeu est d’abord et avant tout une simulation, mais divers
niveaux de difficulté permettent de personnaliser les aides à la conduite dont
vous bénéficiez, les dégâts subis par la voiture, ou encore la science du
pilotage de vos adversaires.
Les dégâts affectent les performances des voitures à Forza
Motorsport, mais les dégâts réalistes sont bien souvent extrêmement pénalisants.
C’est pour cette raison que nous avons décidé d’intégrer les dégâts au système
de difficulté. Au choix, ils peuvent donc être réalistes, limités, ou seulement
visuels.
Bien sûr, les récompenses seront plus élevées en cas de
victoire si vous jouez avec un niveau de difficulté élevé. La plupart des
joueurs devraient déjà bien s’amuser au niveau de difficulté par défaut, mais le
jeu vous encourage à aller toujours plus loin, à chercher à atteindre et
dépasser votre limite.
Dans quelle mesure les joueurs pourront-ils personnaliser leurs
voitures ?
Il existe trois types d’améliorations : les améliorations
visuelles, les améliorations de performances et les réglages de performances.
Les voitures, qui proviennent de plus de 60 constructeurs
différents, incluent des modèles de sport compacts comme la Dodge SRT4 ou la
Nissan 350Z. Nous avons obtenu des licences permettant de changer d’apparence en
utilisant des kits existants, ce qui constitue les améliorations visuelles. Les
nombreuses permutations possibles offrent plusieurs milliards de combinaisons.
Mais n’oublions pas que ce jeu est un simulateur, ce qui signifie que tous ces
kits ont un poids et des composantes aérodynamiques. Notre éditeur de peinture
est également très puissant. Il permet de placer tous les motifs que vous
souhaitez sur votre voiture, sans vous limiter en rien. Alors, laissez libre
cours à votre imagination !
Quant à ce qui est des améliorations de réglages et de
performances, disons simplement que vous n’avez jamais vu autant de réglages
possibles dans aucun autre jeu. Forza Motorsport vous permet par exemple de
régler votre allumage, votre turbo, ou encore la richesse de votre carburant,
sans parler de la pression des pneus, du pincement, de l’angle de carrossage,
des rapports de vitesses… La catégorie des améliorations inclut tout le
nécessaire pour transformer votre voiture en véritable monstre des pistes. Et,
comme de bien entendu, toutes les pièces existent dans le monde réel, qu’il
s’agisse de superchargeurs centrifuges, de refroidisseurs à large surface,
d’arrivées d’air froid, ou encore d’embrayages triples…
Y a-t-il autre chose que vous souhaitiez ajouter pour terminer
?
Forza Motorsport a été conçu par des dingues de voitures, et
nous espérons bien que tout le monde attrapera le virus. Si vous vous y
connaissez vraiment en course automobile, vous ne pourrez qu’apprécier la
richesse de ce jeu. Si vous êtes un pilote, vous pourrez vous exprimer mieux que
jamais grâce à notre moteur aux règles de physique réalistes. Et même si vous ne
connaissez pas grand-chose aux voitures mais que vos yeux s’écarquillent quand
vous vous faites doubler par une voiture de sport rouge vif, ce jeu est fait
pour vous.