Jeux

Quantum Break

Action/Aventure | Edité par Microsoft Studios | Développé par Remedy

8/10
One : 05 avril 2016
01.04.2016 à 09h01 par

Test : Quantum Break sur Xbox One

Remedy Entertainment nous laissait il y a six ans avec Alan Wake, resté comme étant l'un des jeux mémorables de la génération précédente. C'était peu dire que l'on attendant avec grande impatience leur nouveau titre sur Xbox One. Quantum Break s'annonçait comme une expérience "révolutionnaire", cross-media de surcroît puisqu'elle mêle jeu vidéo et série. Tout cela avec une trame de fond qui parle de contrôle du temps. Audacieux sur le papier.

Après les deux premiers Max Payne et Alan Wake, Quantum Break était attendu comme la quatrième production phare de Remedy. Dévoilé à l’E3 2013 via un trailer pour le moins mystérieux, le jeu s’est fait attendre en tant que grosse exclusivité de la Xbox One. Si la donne a un peu changé entre temps, il n’en reste pas moins l’un des jeux les plus désirés de cette année. Le bébé du studio finlandais a d’ailleurs belle allure et fait même office de très belle vitrine technologique (malgré la fameuse résolution en 720p, oui) pour cette génération de consoles. Dès les premiers instants, on découvre des effets visuels assez saisissants. Les jeux de lumière, la gestion des ombres, et tout ce qui est relatif aux effets temporels témoignent d’un travail remarquable. Lors des cinématiques, Quantum Break nous bluffe bien plus encore, avec en tête de liste les visages des personnages, réalisés de mains de maître. Les expressions faciales, les pupilles, la modélisation globale (à part peut-être les cheveux qui font un peu « pâte à modeler ») est impressionnante. Et à part du pop-up dans certaines zones, graphiquement, on ne trouvera pas grand-chose à redire sur un rendu global très maîtrisé. À cela s’ajoute une direction artistique de grande qualité. À mi-chemin entre la classe et la froideur de l’univers contemporain d’un Deus Ex, et le côté  plus industriel d’Alan Wake (dont les références sont éparpillées ci et là) pour d’autres endroits, celle-ci s’avère être convaincante de bout en bout.

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Comme vous pouvez vous en douter logiquement, production de Remedy oblige, le jeu laisse la part belle à la narration. L’histoire prend donc pour trame de fond des voyages temporels, et les impacts que ceux-ci peuvent avoir sur le fil de la vie, jusqu’à la fin du temps qui s’annonce comme inéluctable. Sans rentrer davantage dans les détails, puisque il serait dommageable de spoiler un jeu autant axé sur son histoire, l’ensemble est très soigné (avec moins d’incohérences et de maladresses qu’un Life is Strange, qui mise lui aussi sur la manipulation du temps) et se suit avec plaisir. Les machines à remonter le temps sont donc au cœur de l’histoire de Quantum Break, et c’est après un contact avec l’une d’entre elles que Jack Joyce, notre héros, se découvrira des pouvoirs particuliers. C’est en partant de ce postulat que le gameplay se trouve de la profondeur, puisque pour le reste, il s’agit d’un TPS relativement classique. Attention, cela n’est en rien péjoratif : les gunfights sont loin d’être mollassons, au contraire, l’utilisation de nos pouvoirs est grisante et le fait de rencontrer des ennemis qui peuvent aussi les utiliser nous oblige à nous mouvoir en permanence, rendant ainsi l’ensemble très dynamique.

« les gunfights sont loin d’être molles, au contraire, l’utilisation de nos pouvoirs est grisante [...] rendant ainsi l’ensemble très dynamique. »

Les pouvoirs à notre disposition s’étoffent évidemment au cours de notre progression. On débute avec la possibilité d’envoyer une bulle qui « gèle » le temps, ce qui peut être pratique sur les ennemis (pour les mitrailler bien comme il faut pendant ce laps de temps) mais également sur une porte électrique qui se ferme de façon intempestive, afin de la traverser en évitant qu’elle ne se referme contre nous. Celui-ci évoluera avec la « déflagration temporelle » qui envoie une puissante attaque sur une surface plus large. De surcroît, on peut faire des esquives supersoniques, ou encore ralentir temporairement le fil du temps autour de nous : pratique par exemple pour se glisser discrètement derrière un ennemi alors que ce dernier était en train de prendre l’ascendant sur nous ! L’utilisation de ces pouvoirs se fait de façon très intuitive via les gâchettes LB et RB (en appuyant une fois, ou en maintenant la touche selon celui dont on souhaite se servir). La touche B nous sert à déployer un bouclier, renvoyant les balles, tandis que Y active la « vision temporelle ». Sous ce nom un peu fumeux se trouve une fonction de plus en plus présente dans les jeux modernes, qui permet de mettre en valeur les ennemis ou les objets importants autour de nous. C’est plus ou moins l’équivalent de l’instinct de survie dont bénéficie Lara dans Rise of the Tomb Raider, ou encore des sens de Sorceleur de Geralt dans The Witcher III.

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Ces pouvoirs ajoutent un tantinet de variété aux joutes et de la sorte, nous sommes en mesure d’aborder les situations de plusieurs manières. Après la répétitivité des mécanismes d’Alan Wake, on craignait pour la redondance de Quantum Break et honnêtement, ce dernier évite cet écueil avec réussite. Une fois toutes nos capacités en notre possession, les combats sont assez plaisants, voire parfois jouissifs. La lassitude ne s’installe pas et cela, c’est tout de même une bonne chose. Il est toutefois conseillé de faire le jeu en mode Normal ou Difficile sinon, sans le moindre challenge, cela perd grandement de son intérêt. Le reste du gameplay est, comme dit plus haut, assez basique avec des armes convenues (pistolets, mitraillettes et fusils de plusieurs types), un système de couverture automatique comme c’est le cas dans Rise of the Tomb Raider, et même les fameux barils rouges explosifs qui sont toujours présents dans nos jeux vidéo après vingt ans de bons et loyaux services. En outre, il y a une foule de documents en tous genres à découvrir (des papiers, des ordinateurs, des graphiques…) qui nous permettent d’en apprendre plus sur ce qui se joue en arrière-plan de l’intrigue principale, et d’éventuellement mieux cerner les relations entre les divers personnages.

« Une fois toutes nos capacités en notre possession, les combats sont assez plaisants, voire parfois jouissifs. La lassitude ne s’installe pas et ça, c’est tout de même une bonne chose. »

Outre les documents, les sources de chronons sont essentielles à découvrir. Celles-ci, souvent bien cachées malgré la linéarité des niveaux, nous font obtenir des points permettant ensuite d’améliorer nos pouvoirs. Eh oui, nous sommes dans un jeu de 8ème génération messieurs dames, il nous manquait la caution RPG. Donc, en accumulant ces points, nous pouvons renforcer l’utilité ou la puissance de toutes nos compétences temporelles, ce qui est facile à comprendre et très accessible. Comme vous venez de le lire, les niveaux de Quantum Break sont en effet très linéaires. Il est assez amusant d’ailleurs de constater à quel point la production de Remedy est un mélange d’éléments de jeux modernes et d’autres qui nous renvoient à des classiques d’il y a dix ans. Vous ne serez guère surpris par un level-design très sage et un jeu au déroulement fortement scripté. On alterne gunfights et phase plus posées où il faut comprendre comment accéder à la zone suivante, avec une « énigme » (il faut le dire très vite) mettant spécifiquement à contribution l’un de nos pouvoirs, et ainsi de suite. Une fois une zone passée, la porte se referme définitivement. Si on a oublié un document, tant pis, il faudra refaire le niveau (ce qui est par ailleurs faisable à tout moment une fois celui-là terminé, ce qui est un bon point).

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On s’en doutait, mais évidemment, le concept de manipulation du temps est relativement sous-exploité. En dehors des combats, le tout se veut extrêmement scripté et s’abstient de proposer de façon franche plusieurs alternatives. Il s’agit souvent d’un prétexte pour nous en mettre plein la vue avec des effets visuels de haute volée, mais nous ne sommes guère acteurs de tout cela. La manipulation en elle-même se fait aussi de façon scriptée : on dénichera des petites zones où l’on nous indique la possibilité de remonter le temps temporairement (par exemple, pour réparer un pont, suivre une discussion qui a eu lieu à cet endroit dans le passé, etc…), mais ça s’arrête là. Ce n’est pas forcément grave, mais ceux et celles qui s’attendaient à quelque chose de révolutionnaire seront déçus, car dans les faits, Quantum Break ne l’est absolument pas.

« On s’en doutait, mais évidemment, le concept de manipulation du temps est relativement sous-exploité. En dehors des combats, le tout se veut extrêmement scripté et s’abstient de proposer de façon franche plusieurs alternatives. »

En revanche, dans sa construction, le jeu tente des choses. Celui-ci est divisé en cinq actes, ce qui n’a rien de particulier, mais ce qui se passe entre chacun de ces actes l’est davantage. Tout d’abord, nous sommes partie prenante d’une « jonction » durant laquelle nous contrôlons non pas Jack Joyce, mais son ennemi. Et durant ces passages, nous avons à chaque fois un choix crucial à effectuer. Au moment de choisir, on nous annonce franco les conséquences des deux choix possibles, il s’agit donc d’un dilemme purement moral. Notre sélection n’influera nullement sur le cours du jeu, qui restera identique, mais sur le fond de l’histoire avec des conséquences sur les cinématiques mais aussi la série (et plus concrètement, sur le personnage qui nous accompagnera). Puisque là où Quantum Break fait fort, c’est qu’il fait dans le cross-media en disposant de sa propre série, dont les quatre épisodes d’une vingtaine de minutes viennent se caler après chaque jonction. Bien réalisée, elle nous montre surtout ce qui se passe « ailleurs, pendant ce temps » – inutile d’en dire plus, encore une fois pour ne pas spoiler – et la durée des épisodes est parfaitement pensée. Cela ne casse pas trop le rythme du jeu et d’un autre côté, nous sommes rapidement immergés. En soi, le scénario fait très blockbuster américain et ne surprend pas systématiquement mais cela demeure rudement efficace. Au fil de cette série, on retrouve notamment Aidan Gillen (The Wire, Game of Thrones), Lance Reddick (Fringe, The Wire) ou encore Shawn Ashmore (X-Men). Un casting plutôt convaincant pour une série qui l’est tout autant. Ceci étant, en VOST, les sous-titres semblent être – pour l’instant – totalement en décalage. Pour éviter ces soucis, si ça en est pour vous, la VF (d’assez bonne qualité, que ça soit pour le jeu ou la série) est une solution.

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Sur tous les plans, Quantum Break est donc un jeu AAA très plaisant. Il a en outre le mérite de profiter d’une bonne finition, là où les nouveaux jeux sont de plus en plus mal finis : quasiment aucun bug repéré en deux parties (j’ai terminé enfermé dans une cabine de toilettes une fois, mais sinon…), peu de soucis de collision ou d’animations, une bonne traduction… Cependant, de la part des créateurs d’Alan Wake, on attendait surtout de lui d’être un jeu marquant. En l’état, on pourra lui reprocher d’être un peu trop sage. Si son histoire est bien ficelée et assez haletante à suivre, les moments vraiment poignants ne sont pas légion pour autant, et s’achève de plus sur une fin moyenne, qui se perd trop dans le teasing superflu. Le principal défaut de l’œuvre restera toutefois sa durée de vie. Sans compter la série, Quantum Break s’achève en 6-7 heures la première fois, et cela, c’est un poil décevant. Certes, on pourra le recommencer pour le plaisir et pour tenter les jonctions que l’on a évité au premier essai, mais sa grande linéarité n’en fait pas non plus un titre à la rejouabilité très élevée.

8/10
Quantum Break mélange audace et classicisme. La volonté de proposer une expérience cross-media inédite est plutôt réussie. Celle de proposer un gameplay moins rébarbatif que dans Alan Wake, aussi, grâce aux pouvoirs temporels. Mais si Quantum Break est un très bon jeu, ce n'est pas le grand jeu que l'on pouvait attendre. Il lui manque la petite étincelle qui ferait la différence, mais son histoire se finissant sans grand éclat et sa durée de vie légère ne jouent pas en sa faveur. Il restera toutefois un TPS réellement prenant, très réussi graphiquement et artistiquement, réalisé avec maîtrise.

+

  • Histoire qui se suit avec grand plaisir...
  • Cinématiques époustouflantes, mise en scène parfaite
  • Visuellement très réussi
  • Pouvoirs qui suintent la classe
  • Gunfights péchues
  • Série bien fichue
  • Ensemble soigné et maitrisé
  • Choix dans les jonctions

-

    • ... mais qui manque de vraiment nous surprendre
    • Pas bien long
    • Fin quelconque et pas très inspirée
    • Level-design assez sommaire
    • Concept de contrôle du temps seulement effleuré dans le gameplay