Test : Valkyria Chronicles 4 sur Xbox One
Du grand SEGA
A l’image de ses prédécesseurs, Valkyria Chronicles 4 se déroule en 1935 sur les terres d’un Vieux Continent remanié pour l’occasion à grand coups de nations fictives. Le tout dans un contexte dont on devine bien vite les dessous du parallèle avec notre histoire, à l’aide d’un melting-pot de références plus ou moins directes à des épisodes militaires et politiques majeurs. A cette époque, l’Empire qui s’étend sur les terres de l’Est se lance à la conquête des possessions de ses voisins occidentaux ; plus petits, moins bien armés, ceux-ci se regroupent pour former la Fédération Atlantique et tentent ainsi de résister aux agressions répétées de ce voisin envahissant. Outragée, brisée, martyrisée, la Fédération se lance alors dans une ultime action visant à mettre fin à la guerre : un percée éclair jusqu’à Schwartzgrad, la capitale de l’Empire. Dans ce contexte de course désespérée vers la victoire, on retrouve et l’on suit du début à la fin les péripéties de l’Escadron E, mené par un certain Claude Wallace. Avec Raz, Kai, Miles et un peu plus tard Riley, ils sont un groupe originaire de Gallia, petit pays pris entre les feus des deux camps. Tous plus ou moins liés depuis l’enfance, ils ont pris part à la guerre pour défendre leur patrie, leur village et deviennent ainsi les membres principaux de l’Escadron E. A leur départ, ils n’imaginent certainement pas mener une si longue bataille et faire face à un danger venu des temps anciens.
Valkyria Chronicles 4 développe ainsi son scénario le long de dix-huit chapitres, parfois eux-mêmes découpés en plusieurs parties, séparés à d’autres moments par des intermèdes (facultatifs mais pas inintéressants). Pour venir à bout de tout cela, comptez une bonne quarantaine d’heures. C’est très costaud, mais ce n’est pas tout parce que viennent se greffer également des missions annexes et des chapitres facultatifs baptisés « histoires d’escadrons » qui se focalisent sur un groupe de soldats le long d’une mission accompagnée de cut-scenes. Autrement dit, tout boucler prend facilement une soixantaine d’heures. Parlant de cut-scenes, préparez-vous à en avaler des kilomètres puisque l’histoire de Valkyria Chronicles 4 est contée, en marge de trop rares cinématiques, essentiellement au travers de plans fixes où seuls les personnages apparaissent animés. C’est une façon de procéder que l’on retrouve de plus en plus souvent dans les JRPG (tout ce qui sort de chez NIS par exemple) mais qui manque tout de même un peu de dynamisme. On se dit aussi qu’il aurait parfois été pertinent d’en grouper quelques-unes pour ne pas donner ce sentiment de hachure permanente que créé la multiplication des scènes. Cela étant et compte tenu de la durée du jeu et du nombre incroyable de scènes qu’il propose, on comprend bien que tout ne puisse pas passer par des cinématiques. D’autant qu’ici tout est doublé en japonais et en anglais, de la première à la dernière ligne et naturellement, on ne saurait que trop vous conseiller de jouer dans la langue de Yu Suzuki par souci de fidélité. Dans un cas comme dans l’autre, on a le plaisir de profiter de textes en français.
On vous prévient parce qu’il est important de le préciser : Valkyria Chronicles 4 n’est pas un RPG au sens aventurier du terme ; c’est avant tout un jeu de stratégie et il est inutile de chercher un moment d’exploration, ne serait-ce que dans un petit hub comme le proposait Valkyria Revolution. L’aventure est la succession de deux grands moments que sont les cut-scenes d’un côté et les missions de l’autre, cycle entrecoupé par des passages au quartier général pour gérer ses effectifs, équipements et apprendre de nouvelles compétences. Le tout est accessible depuis un menu prenant la forme d’un livre et au sein duquel s’ajoutent progressivement les scènes de l’histoire. Cette méthode peu orthodoxe choisie par SEGA nous invite ainsi à visionner des cut-scenes parfois très courtes mais extrêmement nombreuses, pour découvrir un scénario qui souffle le chaud et le froid. L’épopée est longue et dans l’ensemble, la progression tient la route en évitant les creux scénaristiques et autres détours visant à rallonger la sauce inutilement. On ressent une vraie évolution de l’histoire au fil des chapitres et on assiste à plusieurs moments véritablement prenants et bien amenés. En revanche, comme bien trop d’épopées venues du Japon, on n’échappe pas aux poncifs à base de dialogues parfois bien creux, de niaiserie et de discours entendus maintes fois (courage, amitié, la guerre c’est mal… Servez-vous). Peut-être les personnages manquent-ils un peu de profondeur, même s’ils ne sont pas non plus détestables ou proprement insipides. On retient tout de même la prestation du soldat Raz qui amène une bonne dose d’humour aux dialogues, au prix certes des quelques sorties bien graveleuses mais cela tranche tellement avec le reste que ça fonctionne. C’est même plutôt bienvenu.
Quoi qu’il en soit, c’est bel et bien sur le terrain que se juge Valkyria Chronicles 4, puisque c’est ici que l’on passe le plus clair du temps et que s’exprime vraiment l’identité du jeu de SEGA. Valkyria Chronicles 4, comme ses ainés, place le joueur aux commandes d’une unité composée d’une dizaine de soldats pour des affrontements au tour par tour. Mais à la différence de bien d’autres titres proposant ce système, on n’est pas figé ou contraint d’évoluer case par case. Explications. Au début de son tour, le joueur dispose d’un nombre limité d’actions (les points de commandement, ou PC) et à l’aide de la carte du champ de bataille il doit déterminer comment faire évoluer ses troupes pour atteindre son objectif. Cela peut être la capture d’une base, la destruction d’une unité précise ou au contraire, la défense d’un élément déterminé. Lorsque l’unité est sélectionnée, la vue bascule de la carte vers le terrain et l’on prend alors le contrôle du personnage en vue à la troisième personne, comme dans n’importe quel TPS. On est alors totalement libre d’aller où bon nous semble, dans la limite des points d’action (PA) disponibles. Ils baissent progressivement après chaque recours à une même unité et sont surtout plus ou moins importants selon le type de soldat. Un éclaireur peut se mouvoir sur de longues distances mais ne fait que des dégats modérés avec son fusil, tandis que le soldat d’assaut est plus efficace au corps à corps mais se déplace sur une distance moins importante. On retrouve aussi les lanciers (anti-chars), les snipers ou encore les grenadiers (mortiers) dont le champ de déplacement est faible mais qui disposent dans leurs catégories respectives d’une puissance de feu importante. Enfin, il y a les ingénieurs qui sont un peu la synthèse de tous les autres en termes de rapport distance/puissance mais servent essentiellement à désarmer les pièges, fournir des munitions et surtout réparer les blindés alliés.
A une poignée d’exceptions, on dispose en mission du char d’assaut mené par le héros Claude Wallace, rejoint au fil de l’histoire par un blindé d’attaque léger et un véhicule de transport de troupes. Bref, les combinaisons sont nombreuses et il est primordial de bien prendre en considération les éléments informatifs fournis en début de mission. Si le recours à une équipe éclectique permet de palier à la plupart des situations, il arrive que l’audace paye et permette de mener un vrai blitzkrieg avec un peu de chance et surtout une bonne dose de finauderie. Plus la mission est bouclée rapidement, plus grands sont les points récoltés. Une partie du butin sert alors à améliorer les aptitudes des soldats (par classe, comme ça tout le monde est content) et l’autre permet de développer des armes, d’améliorer les protections que ce soit pour l’infanterie ou la cavalerie blindée. L’arbre d’évolution est tout ce qu’il y a de plus simple mais il n’en demeure pas moins très fourni, laissant le choix au joueur de privilégier des armes plus ou moins axée antipersonnel, anti-blindage, avec une meilleure portée, etc. Comme le disait Emile de Girardin, « gouverner c’est prévoir » et pour mener ses hommes vers la victoire la préparation est au moins aussi importante que l’exécution. Autant dire que l’on passe pas mal de temps dans les menus à peaufiner son équipe de choc et heureusement, tout est clair et facile à prendre en mains.
Sur le terrain, c’est tout de suite une autre paire de manches. Valkyria Chronicles 4 est un Tactical pur et dur, un jeu de stratégie qui ne fait pas de cadeau et punit rapidement les actions menées un peu trop radicalement. Si les affrontements contre les quelques antagonistes sont parfois tendus, rien n’est insurmontable cependant. Au pire, il y a toujours le mode facile qui rend le tout bien plus accessible qu’en normal (attention tout de même, les derniers chapitres n’en demeurent pas moins exigeants). Mais même plongé dans la sueur et le sang, il est bien difficile de ne pas se prendre au jeu. Calibré à la perfection, mêlant superbement les aspects intéressants du tour par tour à un dynamisme rare pour le genre, le gameplay efficace comme une bastos de sniper profite d’un gros travail sur le level design, sur la variété des situations. Aucune mission ne ressemble à une autre et avec de la pratique on finit par élaborer sa propre façon de mener la guerre. Une méthode qui ne ressemble peut-être pas à celle qu’emploie votre voisin. On n’a vraiment pas grand-chose à reprocher à Valkyria Chronicles 4 du côté des batailles, à part son système de couverture et de franchissement des obstacles qui manque de précision. Mais pour le reste, qu’il s’agisse du combat simple, de la possibilité de donner des ordres pour améliorer certaines statistiques, des multiples approches offertes par chaque classe, le jeu de SEGA est une réussite.
Bien sûr, on retrouve avec Valkyria Chronicles 4 quelque chose qui a fait la réputation de l’épisode fondateur : une direction artistique superbe propulsée par le Canvas Engine et qui n’a pas vraiment d’équivalent surtout sur Xbox One. Mêlant cel-shadding et dessin au crayon, les graphismes de Valkyria Chronicles 4 sont un régal de tous les instants, une touche de personnification qui sublime les décors et colle assez bien à l’ambiance années 30 en Europe. Le coup de crayon est un peu moins radical que dans le premier Valkyria Chronicles mais il ressort de la découverte successive de tant d’environnements différents un émerveillement, bien aidé par un framerate stable et des temps de chargement rapides comme l’éclair. Testé d’abord sur Xbox One Fat puis sur Xbox One X, le jeu de SEGA se comporte très bien sur la plus ancienne des Xbox One et vous promet de beaux moments. Enrobé d’une bande-originale orchestrale parfaitement adaptée à l’ambiance visuelle et thématique, Valkyria Chronicles 4 remplit parfaitement son contrat et ramène sur le devant de la scène une saga que l’on a cru pendant longtemps vouée à disparaitre.
A lire également : Dossier : Qui es-tu, Valkyria Chronicles ?
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- Approche qui dépoussière le genre
- Exigeant, libre, gratifiant
- Direction artistique superbe
- Techniquement solide, même sur Xbox One standard
- Durée de vie titanesque
- Des tas de choses facultatives pour gonfler la note
- Temps de chargement quasiment nuls
- Bande-son au poil
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- Scénario et personnages finalement assez convenus
- Cut-scenes un peu cheap…
- … Dont l’addition par petits bouts peut finir par ennuyer