Test : Alan Wake sur Xbox 360
Préface
Si on y regarde à deux fois, le développement tourmenté et au long cours d’Alan Wake n’est pas une première chez les studios Remedy. Max Payne, un des jeux de tir les plus adulés de mémoire de gamer, a lui aussi nécessité de longues années de production, est sorti deux ans plus tard que prévu et a connu d’importants réaménagements en cours de route. Tout cela pour montrer que le flou qui a baigné Alan Wake depuis 2005 n’était pas, à défaut d’être rassurant, synonyme d’échec programmé. Aujourd’hui, le temps, les incertitudes ne comptent plus vraiment, étant donné que le dernier jeu de Remedy est bien là, fini, et qu’il s’agit – au diable le suspense – d’une des toutes meilleures exclusivités de la Xbox 360, et même, de mémoire récente, d’un des meilleurs jeux tout court.
Chapitre 1 : Lumineuse Narration
Et pourtant, pour parler tout de suite des "défauts" du titre, Alan Wake ne réinvente pas la roue. Il s’agit d’un jeu très linéaire, le monde ouvert originellement prévu ayant été "coupé au montage". Le gameplay du soft, pour sa part, ne propose rien de fondamentalement révolutionnaire ni de très varié. Non, Alan Wake ne cherche pas à innover à tout prix, il se contente de s’appuyer sur deux piliers essentiels à la conception d’un bon jeu vidéo : une excellente jouabilité et un univers extrêmement immersif.
Et impossible de parler d’immersion sans citer l’excellent scénario de Sami Järvi, alias le visage de Max Payne, alias Sam Lake. La qualité d’écriture des deux premiers Max Payne parlait d’ores et déjà pour lui, mais Alan Wake est peut-être encore plus abouti, dans un style plus abstrait, plus difficile à maîtriser. Remedy ayant souhaité que les premiers tests ne contiennent aucuns spoilers, nous ne nous étendrons pas sur le début de l’aventure, qui est de toute façon connu d’à peu près tout le monde grâce aux trailers et présentations du jeu. Ce qui arrive après mérite d’être découvert l’esprit encore vierge. Sachez seulement qu’on a rarement la chance de traverser une histoire de jeu vidéo aussi élégante et sobre que celle d’Alan Wake.
Le rêve, le surnaturel et l’écriture créative, les trois thèmes principaux du scénario, sont merveilleusement exploités, notamment lors du chapitre final, assez époustouflant en termes de conception. Durant les quelques douze heures (environ) que dure l’épopée de Wake, tous les éléments du script fusionnent petit à petit d’une façon extrêmement convaincante et satisfaisante. De plus, le jeu regorge de détails à dénicher dans les niveaux : personnages colorés à rencontrer, shows télé, émissions radio, et bien entendu les pages du roman que Wake ne se souvient pas avoir écrit, lesquelles prédisent les événements à venir et complètent le scénario, parfois de façon vraiment ingénieuse.
La construction épisodique renforce encore cette qualité narrative en donnant un vrai rythme à l’intrigue : chaque chapitre débute par un résumé des événements qui se sont produits précédemment et se conclut sur une chanson de la formidable bande-originale (réécoutable dans les menus). Le procédé est finalement très simple, mais confère une réelle personnalité à Alan Wake, tout en autorisant des ajouts ultérieurs (déjà prévus) sous la forme de téléchargements.
Chapitre 2 : Brillante Jouabilité
Tous ces compliments ne rimeraient pas à grand-chose si le jeu était ennuyeux dans ses phases de gameplay. Fort heureusement, Remedy est un des rares studios à cumuler de bons scénaristes et de bons game designers. Petri Järvilehto et plus généralement l’ensemble des designers de Max Payne ont officié sur Alan Wake, et ça se sent, puisque le jeu est extrêmement plaisant à prendre en main. C’est sans doute bête à dire, mais le feeling des commandes, la façon dont Wake bouge, la réactivité générale procurent un grand sentiment de matérialité au titre, à la manière des productions Valve par exemple, une sensibilité tactile immédiate et forcément positive.
On peut distinguer trois types de phases de jeu dans Alan Wake : le combat, l’exploration et la conduite. Les combats se tiennent de nuit, lorsque la Dark Presence, entité surnaturelle qui menace Wake, se manifeste. Les ennemis peuvent être des humains, mais aussi des oiseaux ou même des objets, animés par l’obscure force. Pour s’en débarrasser, il faut d’abord chasser l’obscurité qui les habite avec une source de lumière. Généralement, Alan dispose d’une torche électrique qui fait office de viseur (originalité : il n’y a pas de point de visée affiché à l’écran) et qu’il doit braquer un certain moment sur ses adversaires avant de pouvoir les atteindre avec ses armes à feu. Le système est simple mais très efficace, et de nouveaux éléments sont progressivement introduits, comme les esquives qui permettent d’éviter les attaques, des ennemis plus résistants ou des feux de détresse, permettant de souffler face à un groupe d’ennemis. Une bonne gestion de ses munitions et des piles, qui servent à recharger les lampes, est nécessaire, surtout dans les modes de difficulté les plus élevés. Il faut aussi savoir se servir de son environnement, un simple lampadaire générant une zone de sûreté et pouvant ainsi éviter un game over. Parfois, fuir face à un groupe d’adversaires pour rallier un endroit protégé est la meilleure solution. Non dénuées de subtilité, donc, ces phases d’action sont bien équilibrées, intenses et suffisamment espacées pour ne pas étouffer le joueur.
L’exploration a souvent lieu le jour, où Wake mène l’enquête sur la disparition de sa femme. On prend alors part à des passages plus guidés, moins riches dans leur gameplay car davantage axés sur la narration. Il y a malgré tout de nombreux secrets à débusquer un peu partout, de jour et aussi de nuit. On peut par exemple chercher des coffres de survie grâce à des indications uniquement lisibles à la lueur d’une lampe. Le jeu propose aussi quelques énigmes, qui ne méritent presque pas cette appellation tant elles sont simples à résoudre, mais qui apportent tout de même des respirations bienvenues entre les combats.
La conduite, enfin, est encore une fois bien maîtrisée en termes de maniabilité, mais rarement essentielle. Elle se présente davantage comme une relique du monde ouvert originellement prévu, apportant un peu de diversité pour parcourir les vastes niveaux du soft.
Chapitre 3 : Etincelante Réalisation
Alan Wake est, comme on le disait, un titre certes linéaire, mais qui dégage une rare sensation d’immensité. Les niveaux sont gigantesques, et on peut souvent voir, depuis une falaise, un bâtiment éloigné de plusieurs kilomètres qu’on ne ralliera qu’une demi-heure (réelle) de marche plus tard. Cette impression d’espace, le jeu le doit à son passé. Comme Remedy l’a dit à plusieurs reprises, Alan Wake devait être, au départ, un GTA-Like. En revenant à une formule plus linéaire, le studio finlandais a conservé une partie de l’ouverture originale du jeu, pour le meilleur. Ses décors naturels, ses bois de conifères géants, ses grandes étendues silencieuses dégagent un charme tout particulier et une ambiance en phase avec les thèmes narratifs développés par Sam Lake.
Ce charme, le soft le doit avant tout à sa réalisation. Car effectivement, techniquement, Alan Wake est aussi un tour de force. Remedy, qui a créé le moteur du soft in-house, fait gentiment la nique à pas mal de studios aux effectifs dix fois plus importants. Modélisation, animation, bruitages, mis à part quelques inconsistances ici et là, à peu près tout est dans la moyenne haute de ce que l’on peut voir aujourd’hui sur consoles. Cependant, l’élément qui frappe plus que les autres, c’est la gestion de la lumière. Les ambiances lumineuses, les jeux d’ombres, les effets d’éblouissement d’Alan Wake sont parmi les meilleurs jamais vus tous supports confondus, et font évidemment partie intégrante du gameplay, pour ne rien gâcher. Si, quand on y réfléchit, le titre ne prend pas énormément de risques, c’est cette interpénétration constante entre ses constituants qui fait sa force.
Alan Wake, en fait, c’est ça : un jeu où technique, gameplay et narration s’entrecroisent astucieusement et renvoient les uns aux autres. Ou plus simplement : un chef d’œuvre du genre.
+
- Gameplay intense et intelligent
- Excellente bande-son
- Atmosphère et sensation d’espace
- Réalisation impressionnante
- Scénario et travail d’écriture remarquables
- Maniabilité idéale
-
- Manque d’un poil de variété
- Très linéaire (pour ceux que ça gêne)
- Pas beaucoup d’originalité