Test : DOOM Eternal sur Xbox One
Et Dieu créa DOOM
Voilà près de quatre ans que ID Software a remis les barres sur les T et les poings sur les gueules avec DOOM sur Xbox One. Marquant le retour aux sources de la franchise qui a prêté son nom à tout un genre, après une ère DOOM 3 et extensions que tout le monde n’a pas forcément apprécié, DOOM « 2016 » fut un exercice de style rondement mené, une copie rendue avec tellement d’efficacité que l’on peinait à imaginer le développeur faire mieux en annonçant DOOM Eternal. On se disait alors qu’il lui faudrait ramer sévèrement pour proposer quelque chose de valable sans risquer de tomber dans la répétition ou pire, la suite sans ambition. Mais penser de la sorte, c’est visiblement mal connaitre ID Software qui ne se contente pas seulement d’être à la hauteur avec DOOM Eternal, mais propulse carrément la franchise sur une autre planète en se montrant supérieur en tous points. On va évoquer cela étape par étape, en débutant déjà par le premier gros point fort de DOOM Eternal, sa durée de vie. Les développeurs avaient annoncé quelque chose d’énorme et n’avaient pas menti : même en y allant tout droit, il vous faudra près de vingt heures pour voir le bout de l’aventure. Oui vingt heures à l’aise. C’est le double du précédent épisode et ça explose la moyenne du genre.
Mais, me direz-vous d’un air peut-être suspicieux et tatillon, il vaut mieux dix heures de plaisir que vingt heures d’ennui. Ce à quoi je vous réponds que le top reste quand même vingt heures de plaisir, chose que vous met dans les mains DOOM Eternal. Il y a bien quelques moments plus passionnants que d’autres c’est évident, mais rarement un FPS de cette trempe n’est parvenu à maintenir une telle cadence sur une durée aussi élevée. Pour ce faire, les développeurs ont radicalement changé leur façon de raconter l’histoire de DOOM. En retrait par le passé, même dans DOOM 3 qui était l’épisode le plus porté sur le background, le scénario est distillé ici avec parcimonie mais beaucoup d’intelligence. Ni effacé ni trop prégnant, le récit du DOOM Slayer prend ici une consistance assez inattendue, qui ravira les joueurs qui ont besoin d’une base scénaristique pour l’immerger, autant qu’il n’ennuiera pas un instant ceux qui sont venus « seulement » pour la baston. Quelques cut-scenes, des personnages secondaires peu nombreux mais bien utilisés donnent du corps à l’univers de DOOM Eternal. Autant de prétextes pour voyager un peu partout vers l’infini et au-delà. Si l’on avait l’habitude de régler les problèmes sur Mars principalement et aux confins des enfers, on se trouve invité ainsi à explorer ces lieux mais aussi la Terre, en proie à de véritables ravages, et d’autres planètes aux styles architecturaux et ambiances très marqués.
La quête du Doom Slayer que vous incarnez, arme de destruction aussi terrible que mutique, s’articule depuis la Forteresse. Sorte de vaisseau/château gravitant en orbite autour de la Terre, la Forteresse est le lieu où êtes amené à passer quelques minutes entre chaque mission. Le temps de faire avancer l’histoire, admirer les collectibles que vous avez trouvé précédemment mais aussi de débloquer les nombreux bonus qui viennent renforcer la puissance de frappe de votre Slayer et dont nous reparlerons un peu plus loin. La Forteresse est assez impressionnante mais après avoir plié quelques niveaux on se dit qu’elle n’est qu’à la hauteur du reste. Vingt heures de solo, c’est vous l’imaginez l’occasion de visiter bien des lieux et les développeurs ont mis le paquet pour proposer une direction artistique maitrisée de bout en bout. Habitués depuis longtemps au duo station martienne/terres et bâtisses infernales, on découvre avec plaisir une succession de lieux qui rivalisent de beauté, d’un travail minutieux apporté à la direction artistique. En changeant sa façon de raconter une histoire, DOOM Eternal en a aussi profité pour donner de la richesse visuelle et « culturelle » à son univers. Alors que l’on trouve ici et là des notes qui nous apprennent plus sur le background, on se surprend à être véritablement en admiration devant certains points de vue. Mention spéciale aux derniers niveaux, absolument grandioses.
Mais pour profiter de la vue, il faut bien évidemment dégager le passage. On en vient naturellement à ce qui nous intéresse dans un FPS : le shooting. Vivace, brutal, sans concession, le gameplay remis au goût du jour par Doom 2016 trouve avec Eternal une approche peaufinée. Plus brutale encore, mais aussi plus stratégique. Oui, ça peut sembler étonnant de parler de stratégie dans DOOM Eternal et que l’on a en tête une horde démons qui nous saute à la gueule et que fusent les plombs des cartouches de .12. On est en effet très souvent submergé d’ennemis, des petits, des gros et des très gros. Le bestiaire est d’ailleurs absolument énorme, tellement que l’on croise dans les premières heures de jeu des ennemis que l’on avait plutôt tendance dégommer dans la seconde moitié des précédents DOOM. Trouver dans son sillage, au bout de deux heures de jeu, quelque chose qui ressemble au balourd qui ornait la jaquette de DOOM III, ça en dit long sur ce qui nous attend plus loin. On est dans DOOM, aller au front est donc une évidence ; mais il faut y aller avec intelligence. Sans quoi, c’est la mort assurée en quelques instants.
Jouer avec efficacité, c’est utiliser à bon escient un système en trois temps très déroutant au départ, mais finalement bien fichu une fois en main. Effectuer un « Glory kill », ou une exécution ultra violente sur un ennemi étourdi, n’est pas seulement un immense défouloir mais le moyen de récupérer des points de vie. A côté de cela, on dispose en permanence d’une tronçonneuse qui permet de découper d’un coup les ennemis les plus faibles pour récupérer cette fois des munitions de tous types. Attention toutefois, car la tronçonneuse demande du carburant pour fonctionner ; une fraction se recharge avec le temps mais autrement, il faut scruter les environs à la recherche d’un jerrican souvent bien seul. Enfin, on dispose d’un petit lance-flammes qui ne fait pas de dégâts mais force les créatures enflammées à lâcher des bonus d’armure. Et encore un peu plus une fois exécutées. En bref, et dans la mesure où les réserves de munitions sont très basses et la vie rapidement mise à mal par les démons, il faut alterner efficacement shooting/Glory Kill/tronçonnage et barbecue pour demeurer en vie. Les développeurs ne sont cependant pas des tortionnaires et vous observerez que durant les affrontements des petits démons faibles apparaissent régulièrement pour vous permettre de faire quelques emplettes entre deux mises à mort. Mais dans tous les cas, le système doit être impérativement maitrisé : les packs de munition ou de vie sont rares sur le terrain et de toute façon trop peu nombreux pour venir à bout des centaines d’ennemis qui vous tombent dessus au fil des niveaux.
Cela étant, vous ne vous baladez pas tout nu. Dans la plus pure tradition de DOOM, on débute avec un fusil à pompe et on récupère progressivement des armes jusqu’au fameux BFG 9000, toujours aussi cruel. On retrouve ainsi un fusil d’assaut, une gatling, un fusil à plasma, un lance-roquette, une arbalète et bien sûr un juxtaposé à canon scié, la vraie arme des durs à cuire. En chargeant la jauge de sang à force de mises à mort, on peut envoyer un coup de poing dévastateur et à certain point du jeu, on trouve une arme blanche peu souvent utilisable mais terriblement efficace. Enfin, on dispose de deux types de grenades : à fragmentation ou qui gèlent les ennemis. Chacune des armes à feu, à l’exception du canon scié et du BFG, disposent de deux modes alternatifs. On passe d’un à l’autre d’une simple pression de la croix haute et ainsi, on peut par exemple projeter une grenade avec le fusil à pompe ou alors privilégier les cartouches trois par trois dans la face des démons. On vous laisse donc imaginer ce que donne un arsenal de la sorte, face à des hordes de dix ou quinze ennemis, dans un FPS survitaminé où pullulent les plateformes qui vous propulsent en l’air, les barres auxquelles s’accrocher pour s’évader avec style ; où trainent toujours quelques barils explosifs.
Oui, DOOM Eternal est une expérience purement jouissive. Il faut un petit temps d’adaptation, mais une fois qu’on est dedans, c’est que du bonheur. On ne va pas nier la difficulté plus relevée que dans la moyenne des FPS (même en normal, c’est tendu) et quelques combats particulièrement casse-bonbons. Oui, une manette n’est pas passée loin de la mort lors de la rencontre avec un certain ennemi, ou lors de l’affrontement de l’avant-dernier boss. Le dernier est de son côté plus facile à manœuvrer mais n’en demeure pas moins plaisant à occire. Mais dans l’ensemble, c’est avec grand plaisir que l’on a traversé l’expérience DOOM Eternal. Pour toutes les qualités évoquées précédemment, mais aussi pour celles que l’on attendait moins. La plateforme occupe une part importante dans l’aventure. Vous serez ainsi contraint d’utiliser la vitesse du Slayer et sa capacité de Dash pour autre chose que du combat. Pas forcément facile à appréhender au départ, la plateforme se révèle finalement être comme le combat : une fois que l’on a pris le coup, ça va tout seul. On a alors tout loisir d’explorer les niveaux qui regorgent de zones secrètes, d’objets de collection à débloquer mais aussi d’éléments permettant de jouer des combats optionnels particulièrement retords. A vous de voir si vous tentez le défi, mais la récompense peut valoir le coup de l’effort. Cela dit, même sans franchir les « portes du Slayer » explorer est un plaisir autant qu’une activité importante pour gonfler les capacités de notre personnage. Rien n’est jamais inutile et surtout, rien n’est jamais pénible ou punitif. Les sauts dans le vide nous ramènent simplement quelques pas en arrière avec certes un peu de vie en moins, mais sans aucune frustration. Parce que ça finit par passer et qu’en plus, tout est pensé pour ne jamais vous obliger à un aller-retour. La marche se passe vers l’avant, toujours.
Vous aurez cependant tout loisir de revenir faire un tour dans un niveau une fois celui-ci terminé, en utilisant pourquoi pas au passage un cheat code récupéré un peu plus tôt. De quoi compléter votre recherche de points d’armure, points d’armes, des runes pour améliorer certaines compétences (vitesse d’un Glory Kill, maitrise des mouvements dans l’air, effet secondaire pour une grenade, etc) ou d’éclats de cristaux pour augmenter la vie, l’armure ou le plafond de munitions transportables. A l’image du reste, DOOM Eternal a mis le paquet sur l’arbre d’évolution du personnage. Les points d’armure n’ont pas à faire avec la résistance du personnage, mais vont plutôt améliorer les informations de la map, l’effet des grenades, la vitesse d’accroche aux parois lors des passages de plateforme… En bref, une vingtaine de capacités qui ne sont pas indispensables mais qui facilitent la vie et nous incitent à aller chercher ces points d’armure. Il en va de même pour les points d’armes qui sont nécessaires au déblocage et à l’amélioration des modes alternatifs des armes. Il y a tant à faire, tant à voir pour un FPS solo et tout cela proposé avec tant de maitrise -sans jamais jouer sur le rythme effréné- force à une certaine admiration.
On termine l’évocation du solo avec encore une fois des choses positives. Dans le feu de l’action, DOOM Eternal carbure à 60 images par seconde et ne tousse jamais. Testé ici sur Xbox One X, le jeu d’ID Software est un modèle d’optimisation qui devrait en inspirer plus d’un. On peut faire un FPS long, bien rythmé, varié visuellement comme dans son gameplay et flater les yeux comme l’esprit. Tout cela est bien aidé par un environnement sonore aux petits oignons. Mélange subtil de métal et de symphonies, la bande originale de DOOM Eternal devrait, comme celle de son prédécesseur, finir dans quelques playlists. Oui, c’est du bon, du très bon et si l’on devait évoquer un point négatif pour en finir avec le solo, on dirait que le fusil à pompe de départ manque d’impact. Voilà, c’est à peu près la seule chose face à laquelle on a eu envie de dire « peut mieux faire ».
Cela étant, DOOM Eternal c’est aussi du multijoueur et peut-être ne sommes-nous pas le public qu’il faut, ou peut-être est-ce tout simplement moyen mais nous ne voyons pas vraiment matière ici à passer beaucoup de temps. Intéressant sur le papier car il permet à un jouer (le Slayer) d’utiliser tout sa batterie de capacités pour affronter deux autres qui ont le choix entre plusieurs types de démons pour en venir à bout, le Battlemode de DOOM Eternal peut être amusant quelques temps mais n’incite pas vraiment à l’investissement. Le mode nous a semblé déséquilibré en opposant un joueur à deux autres, en dépit de capacités de combat et d’une vitesse de déplacement plus grande. Les joueurs démons peuvent invoquer des sbires, bloquer le butin du Slayer et un joueur démon tué réapparait au bout d’un certain temps. Celui qui incarne le Slayer doit être donc rapide pour occire les deux le plus vite possible, dans des conditions tout de même assez compliquées. A essayer toutefois.
+
- Le meilleur de Doom 2016 en mieux
- Durée de vie énorme pour le genre
- Beau graphiquement et artistiquement
- 60 FPS stables en toutes circonstances
- Rythme maitrisé du début à la fin
- Combats intenses, brutaux, jouissifs
- Plateforme mieux fichue que ce qu’il peut paraitre
- Incite intelligemment à l’exploration
- Sound design au poil
- Bestiaire surchargé
- Des tonnes de choses à découvrir, améliorer, etc
-
- Deux combats de boss précis bien lourds
- Le pompe manque de punch
- Multijoueur assez secondaire
- La difficulté peut rebuter (mais il ne faut pas)