Test : Dragon's Dogma 2 sur Xbox Series X|S
Retour vers le futur
En dépit d’une sortie initiale à la fois sur Xbox 360, PS3 et PC, de l’ajout ultérieur d’une grosse extension (Dark Arisen) et enfin, de la réédition de tout cela sur Xbox One et PS4, Dragon’s Dogma premier du nom n’a pas franchement convaincu les foules pour un jeu signé Capcom. Lorsque l’on connait le catalogue de la société japonaise et sa capacité à enfiler les millions de copies de ses jeux comme certains des perles, ça surprend. Il y avait pourtant dans les entrailles de Dragon’s Dogma, sorti voilà plus de douze ans, la somme des ingrédients nécessaires à la confection d’un titre capable de créer une nouvelle donne dans le monde du RPG. Capcom était-il en avance sur son temps ? En sortant Dragon’s Dogma 2 en cette année 2024, on y voit d’une certaine façon un moyen d’en faire une nouvelle démonstration. On ne saurait cependant parler de suite ici, mais plutôt d’un redémarrage pour la franchise. A ce stade, le « 2 » est là pour être sûr que personne ne se trompe lors de l’acquisition du jeu : on ne le voit d’ailleurs même pas sur l’écran d’accueil qui se contente d’un simple « Dragon’s Dogma ».
Ce reboot affublé d’un chiffre reprend ce qui fit la force de Dragon’s Dogma pour nous servir une mouture forcément plus actuelle, soucieuse de réaliser le coup double souvent espéré et pas toujours atteint dans ce cas de figure : être une merveilleuse madeleine pour les afficionados de Dragon’s Dogma et permettre dans le même temps aux nouveaux venus, voire aux refroidis de la première heure, de prendre leur pied en enfilant les bottes de celui que l’on nomme « L’Insurgé ». Dragon’s Dogma reprend ainsi la même fable que celle de son prédécesseur. Nous incarnons un soldat inconnu qui fut laissé pour mort lors de l’affrontement de l’humanité face au dragon primordial. En volant le cœur de notre soldat, le dragon a fait apparaitre « L’Insurgé » : celui-là même qui est, selon la légende, le seul capable de terrasser le dragon. L’histoire de Dragon’s Dogma s’appuie comme cela sur un chemin prophétique qui doit mener l’homme privé de cœur à s’extirper des dangers de son monde pour accomplir sa destinée. Et par-là même celle du peuple de Vermund. Les principales ficelles sont ainsi très semblables à celles du premier Dragon’s Dogma, mais l’aventure se différencie toutefois significativement par un univers plus dense, par des personnages secondaires plus travaillés et des intrigues sous-jacentes qui donnent du corps à l’épopée. Si l’on a toujours affaire à une narration très succincte et un monde qui s’exprime exclusivement au travers des bribes de conversations et des choses que l’on observe ici ou là, Dragon’s Dogma 2 s’avère moins austère que son ancêtre. Ne vous attendez donc pas à de grands discours ou à des cinématiques à la pelle, Dragon’s Dogma est un peu comme un Elden Ring : un jeu qui suggère bien plus qu’il ne montre.
On retrouve dans Dragon’s Dogma 2 un monde héroïque-fantaisie aux contours sombres, dans lequel humains et « léonides » doivent composer avec le danger permanent que constituent les gobelins, les harpies, les loups, les lézards, quand ce ne sont pas les morts-vivants et les fantômes qui apparaissent lorsque le soleil s’en va. Vagabonder dans le monde de Dragon’s Dogma 2, c’est aussi et surtout se risquer à croiser la route d’un cyclope, d’un troll, d’une chimère, d’un golem ou bien avoir la surprise de voir s’écraser tout à coup, au cœur d’une bataille déjà âpre, un immense griffon. Parachever la destinée de l’Insurgé requiert de braver tous ces dangers et pour nous aider dans cette quête, on peut compter une nouvelle fois sur l’aide des « pions ». L’essence même de la formule Dragon’s Dogma. Si vous y êtes étranger, voilà un petit résumé. Dans le monde que l’on arpente, une « faille » a fait apparaitre sur la surface de la Terre des êtres visuellement semblables aux humains et aux léonides, toutefois dénués de volonté propre. On les nomme les « pions ». Leur unique présence en ce monde est liée à l’apparition de l’Insurgé, le seul être capable de les commander. Les pions n’existent finalement que pour servir l’Insurgé dans l’accomplissement de sa destinée. Toute l’aventure Dragon’s Dogma 2 se déroule en équipe avec des pions. L’un principal que l’on est invité à créer et qui nous suit tout au long de l’aventure, évoluant en parallèle de notre personnage ; deux autres que l’on recrute sur les chemins ou en utilisant les nombreuses « pierres de faille » présentes sur la carte.
Les pions sont véritablement l’ADN de Dragon’s Dogma et l’un de ses atouts les plus forts. Au point que l’on s’étonne vraiment de ne pas avoir revu de système semblable dans un autre jeu du genre. Car si les pions de Dragon’s Dogma 2 sont plus évolués qu’il y a douze ans (on y revient dans un instant), la mécanique générale n’a quant à elle que peu bougé. Et pour cause, c’est déjà formidable à l’origine. Les pions recrutés sont ainsi les pions principaux créés par les autres joueurs, avec leur classe, leur équipement, leurs caractéristiques. Entièrement gérés par l’IA, ils nous suivent sans relâche dans nos pérégrinations. Leur niveau à nos côtés n’augmente cependant pas, ce qui nous invite régulièrement à remplacer un pion par un autre disposant d’un niveau semblable au nôtre. Si ce niveau est inférieur ou égal le recrutement est gratuit, sinon il faut s’affranchir d’un montant de PC proportionnel à l’écart de niveau entre le pion et notre joueur. Les PC en question sont récupérés en combattant tout simplement et plus encore au travers de notre propre pion : celui-ci est régulièrement recruté par d’autres joueurs dans leurs parties respectives, rapportant avec lui des PC donc mais aussi des cadeaux et plus intéressant encore, une connaissance particulière d’une mission, d’un lieu ou de l’emplacement d’un trésor. C’est comme cela qu’un pion fraichement recruté nous parle de quelque chose qu’il sait et nous invite à nous aider à l’atteindre ; plus tard ce sera probablement notre pion à nous qui aidera de la même façon un autre joueur. Ce système absolument génial, ne craignons pas les mots, se trouve grandement renforcé dans Dragon’s Dogma 2 avec l’ajout de spécialités pour les pions, comme la connaissance du langage elfique (inconnu du héros), la capacité à gérer de façon autonome l’inventaire de tout le groupe ou bien de prioriser la récolte de ressources.
Porté par une IA particulièrement réactive aux quatre ordres disponibles (en avant, aide, regroupement, par ici), le système de pions est à lui tout seul un aspect passionnant de l’aventure. On se plait à composer des équipes en mêlant au mieux les classes et les caractéristiques pour partir à l’assaut des défis les plus grands. Et puis il faut dire que leurs nombreuses discussions lors des longues marches apportent non seulement de la cohérence au monde mais aussi – et tout simplement – une certaine animation. On se trouve alors d’autant plus enjoué à l’idée d’explorer un monde ô combien foisonnant des découvertes. Bien plus grande que la carte du premier épisode, celle de Dragon’s Dogma 2 regorge de lieux, de rencontres, de curiosités qui poussent sans cesse à l’exploration. Nonobstant des distances souvent importantes qui séparent les principaux lieux d’habitation et de commerce, exacerbées par un système de voyage automatique hautement restrictif, on se plaît le plus souvent à se perdre hors des sentiers battus. Il y a toujours une récompense au bout du chemin, et au moins aussi souvent un danger qui y rode. La tension est permanente : on sait pertinemment que ça vaut le coup de pousser quelques dizaines de mètres plus loin et en même temps on risque d’y laisser des plumes. D’autant que, comme évoqué plus haut, ne pensez pas à ouvrir la carte, choisir un village et vous y téléporter ! Seule une poignée de lieux peut être rejointe ainsi, et à condition de posséder une « transpierre ». Cet objet à usage unique, coûteux et peu commun, contraint ainsi le joueur à user de la téléportation avec prudence et parcimonie. On navigue le plus souvent à pied, sur de longues distances, un œil sans cesse tourné vers le soleil pour guetter l’arrivée de la nuit, synonyme de danger hautement multiplié. On peut heureusement compter sur les nombreux feux de camp pour faire halte et se reposer, à condition là encore d’avoir avec soit l’objet nécessaire, un kit de campement. Sans quoi il faudra serrer les fesses et courir. A noter cependant que les déplacements d’un village à l’autre peuvent être effectués en char à bœuf. Mais ici aussi des restrictions s’appliquent : un trajet par jour est disponible, vers et depuis un village précis. Si l’on part de A pour aller à C, il faudra obligatoirement faire escale à B et reprendre ensuite un transport vers la prochaine destination. On peut passer rapidement le trajet en utilisant ce moyen de transport, en gardant toutefois à l’esprit que la charrette peut être attaquée en chemin et qu’il faudra alors défendre sa vie et celle de l’équipage.
Rien n’est jamais calme plus de deux minutes dans Dragon’s Dogma 2. Et c’est tant mieux ! Le système de combat, hérité lui aussi en grande partie du précédent épisode, vaut largement le coup de s’attarder sur la figure des monstres. On a le choix entre les classes traditionnelles du jeu d’aventure, du combattant l’épée et boulier au magicien de soutien, en passant par l’archer, l’assassin, le magicien offensif ou le tank pur et dur. Si l’on n’a aucunement la main sur la façon dont s’améliorent les statistiques du personnage et du pion principal à chaque passage de niveau, on peut jouer avec les différentes classes. Ainsi augmenter le rang d’une classe débloque des compétences actives, passives et des talents particuliers. Sachant que l’on peut passer d’une classe à l’autre sans autre condition qu’une visite auprès d’un des nombreux préposés aux questions de classes, les possibilités d’évolution sont grandes. Progresser dans différentes classes permet dans certains cas d’accéder à de nouvelles formules « hybrides » et ainsi arriver in fine à la création d’un héros sur-mesure. Quel que soit le style de combat adopté, les sensations sont au rendez-vous, l’impact des coups se ressent, les affrontements ont la qualité d’un petit beat’em all bien fichu. Puis viennent les oppositions face aux nombreux ennemis colossaux où l’on vient s’agripper tant bien que mal, où l’on se hisse gentiment jusqu’au point faible pour y planter avec délectation en grand coup de lame. On regrette essentiellement que ces combats sont quelque peu bordéliques, soit par ce qu’il y a trop de monde et dès lors trop d’effets en tous genres à l’écran, soit parce que dans le cas d’une escalade de gros monstre la caméra montre une certaine difficulté à suivre. On apprécie dans tous les cas le dynamisme, l’aspect stratégique face aux plus forts, le jeu parfaitement joué par l’IA, indispensable dans ce Dragon’s Dogma 2 dont la difficulté est réelle. Rien n’est insurmontable ou inégal, mais mieux vaut éviter de foncer tête baissée.
Difficile de ne pas se prendre au jeu de l’exploration sans fin dans un monde qui bénéficie d’un rendu graphique particulièrement soigné. On avait vu le RE Engine à l’œuvre dans les précédentes production Capcom sur Xbox Series et une fois encore le moteur maison fait des merveilles. Dragon’s Dogma 2 est un jeu très agréable à regarder, fort d’une belle diversité de paysages et d’une distance d’affichage importante. On ressent le souffle épique de l’aventure qui nous attend en haut de chaque colline, ou à la pointe du littoral. Au-delà de la réussite purement graphique on retient la façon intelligente dont la beauté du monde sert le plaisir de l’exploration. Le relief, les passages rocailleux à flanc de montagne, les chemins semblables à ceux tracés par les animaux au cœur de la forêt contribuent aussi bien au plaisir visuel qu’à celui de la découverte manette en mains. La seule véritable ombre au tableau côté technique concerne le framerate, avec des ralentissements lorsque les affrontements prennent une tournure bordélique. On peut sans doute reprocher aussi à Dragon’s Dogma 2 des menus quelque peu archaïques, une façon de narrer son histoire assez alambiquée, des composition musicales en retrait ou bien des missions qui semblent avant tout être des prétextes pour nous envoyer explorer, plus que de véritables intrigues pour lesquelles on se passionne. Malgré cela, le jeu de Capcom irradie l’aventurier d’une expérience si peu commune et en même temps tellement cohérente qu’on veut bien lui pardonner ses quelques errements. Un grand jeu d’aventures, tout simplement. Notons pour conclure que Dragon’s Dogma 2 propose des textes intégralement en français pour des doublages disponibles en anglais ou en japonais. Une fois encore, le jeu d’acteur parfois poussé à la limite de la caricature sans jamais y tomber fait des merveilles.
+
- Une invitation à la découverte et à l’aventure
- Univers enrichi, éclectique, cohérent
- Graphiquement très réussi
- La beauté au service du level-design
- Système de pions toujours aussi efficace…
- … Porté par une IA parfaitement au point
- Combats amusants et dynamiques
- Des contraintes (nuits, voyages rapides, colosses) qui enrichissent l’expérience
- Textes en français et bons doublages anglais/japonais
-
- Combats parfois bordéliques
- Framerate inégal dans ces moments-là
- Quelques soucis de caméra lors des affrontements contre les colosses
- Menus à l’ancienne
- Rien de marquant côté bande-son
- Expérience dont l’opacité générale peut rebuter (mais il faut passer outre !)