Jeux

Elden Ring

Aventure | Edité par Bandai Namco | Développé par FROM Software

9/10
One : 25 February 2022 Series X/S : 25 February 2022
31.03.2022 à 08h40 par - Rédacteur

Test : Elden Ring sur Xbox One

Braise of the Wild

Qu’on l’aime ou la déteste, on reconnait à la saga des Souls la profondeur de l’empreinte qu’elle a laissé sur les terres des jeux d’action et d’aventure. Sa capacité à piétiner l‘égo des joueurs, aussi. De l’épisode fondateur au spin-off en passant par le remaster, tout a réussi aux Souls de From Software. Alors, à l’image même du défi qu’il impose au joueur, le développeur japonais a voulu aller voir s’il pouvait repousser ses propres limites. Ainsi nait Elden Ring, première tentative d’ouverture d’une recette bien huilée aux mécaniques périlleuses du monde ouvert. Innover sans se renier, être soi-même sans non plus se singer : voilà le défi que s’est imposé From Software avec Elden Ring.

Vous l’avez peut-être déjà compris avant même d’y jouer, mais il n’est jamais inutile de rappeler quelques fondamentaux. Notamment la filiation évidente qu’entretient Elden Ring avec Dark Souls et ses variantes. Bien qu’il nous eût été présenté avant toute autre choses comme un A-RPG en monde ouvert (ce qui l’est d’un point de vue purement structurel), Elden Ring n’en demeure pas moins un Souls dans l’âme. Comprenez par-là que le cœur de l’expérience proposée par Elden Ring, son ADN, nombre de ses mécaniques agissent globalement dans la continuité des précédents Souls. N’imaginez donc pas retrouver avec Elden Ring le type d’action-RPG que l’on croise assez souvent, où les personnages, quêtes, dialogues et autres « points d’intérêt » sont légion dans un ensemble vivant, animé et pas trop brutal. Elden Ring, c’est une énième ode à la solitude, au désœuvrement dans un monde en lambeaux. Un Zelda qui aurait l’alcool mauvais.

Elden Ring est d’une certaine manière un Dark Souls plus grand, plus libre, brutal à tous points de vue. On y retrouve un mode de narration cher à From Software que la collaboration avec George R.R. Martin n’a pas changé d’un iota. Monsieur Game of Thrones s’est plutôt attelé à donner du corps à l’univers d’Elden Ring, tandis que Miyazaki et ses équipes ont de nouveau choisi de nous raconter l’histoire de l’Entre Terre avec la générosité d’un ascète. Personnalités ambiguës de très rares PNJ rencontrés, monologues aussi brefs que sujets à diverses interprétations ; noms de choses, de lieux, de familles envoyés ici et là, et charge à nous autres joueurs de recoller les morceaux pour donner un sens à cette aventure. Si vous n’avez jamais joué à un Souls, ce genre de narration alambiquée a forcément de quoi surprendre et laisser pantois quelques heures. Que suis-je vraiment sensé faire, moi qui ne suis qu’un faible « Sans éclat », ramené à la vie pour marcher vers l’Arbre Monde et restaurer le cercle d’Eden ? Pour quelle raison envoie-t-on quelqu’un qui n’est rien ramener la lumière sur un monde tombé en déchéance à la suite d’une lutte intestine entre les différents porteurs des runes majeures composant le cercle d’Eden ? Pas des petits gars d’ailleurs, mais de véritables demi-dieux qu’il va falloir calmer… Voilà qui s’annonce coton.

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Si l’on peut être échaudé par cette façon étrange de raconter une histoire, on se rend toutefois compte peu à peu que ça fonctionne bien. Toute cette bizarrerie, ce mystère, colle parfaitement et renforce un univers qui dévoile au fil des heures son immense richesse. De l’exacte même manière que les Souls, Elden Ring évoque au travers de sa nature, son architecture, son bestiaire, ses objets, ses moindres détails visuels, quelque chose qui fut et sa place dans ce monde. Découvrir et parcourir chaque nouvelle zone permet de s’imprégner, sans que l’on y fasse véritablement attention, de l’univers d’Elden Ring. Chaque chose a une place, une fonction, un rôle sur ces terres maintenant désolées ; on arpente la ville, les pâturages, les montagnes enneigées et les marais poisseux en imaginant parfaitement à quoi ils devaient ressembler avant que la calamité de n’y abatte. En ce sens, la façon dont on est intégré en tant que « héros » à ce monde doit sa réussite à la même brutalité qui, l’espace de quelques heures, aurait pu nous détourner d’un quelconque plaisir de jeu. On se pose forcément beaucoup de questions, d’autant que l’on nous balance dans le vaste monde l’Elden Ring avec une vague indication du premier point à atteindre, et de la cible qui va avec. Advienne que pourra !

Le monde l’Elden Ring est vaste. On le comprend dès le départ en constatant le rapport entre la zone de la carte dévoilée et tout ce qu’il reste à découvrir. Dans les grandes lignes, on peut dire que l’on avance de la même façon que dans les précédents Souls, à savoir à tâtons avec comme objectif principal de rejoindre le prochain point de grâce, l’équivalent de feux de Dark Souls. Le rayon lumineux qui émerge de ces sites de repos et que l’on retrouve de manière un peu plus visible sur la carte, est la seule véritable indication visuelle concernant la direction à prendre. Si quelque chose bloque le chemin ou que l’endroit semble impossible à traverser, charge à nous d’explorer pour déterminer les solutions disponibles. C’est au gré de cette exploration qu’Elden Ring marque le pas en avant qui le différencie des précédents Souls. La liberté qu’implique la structure ouverte du monde débouche sur une quantité impressionnante de zones optionnelles à découvrir, de nouveaux combats à mener, de rencontres bénéfiques parfois… Ou du genre que l’on aurait préféré éviter. C’est ici que l’expérience prend un peu la tangente vis-à-vis d’un Dark Souls. Alors que l’on étudiait par le passé le placement de chaque ennemi entre un feu et l’autre, que l’on optimisait chaque traversée pour être opérationnel à 100% une fois arrivé au boss, on a la liberté dans Elden Ring de pousser très loin l’exploration et de passer ainsi des heures à s’écarter de l’objectif principal. Porté par un mélange de prudence et d’audace, on accède rapidement à d’innombrables grottes, châteaux, ruines, catacombes et que sais-je encore, prompts à nous offrir l’expérience et les équipements nécessaires à la survie lors des nombreux combats à venir.

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Les différentes grandes régions d’Elden Ring fourmillent ainsi de choses à découvrir que l’on peut diviser en deux catégories. Il y a d’un côté les nombreux lieux clos qui sont autant de passages où l’expérience revient très clairement aux fondamentaux des Souls jusqu’à présent. Des ennemis, des pièges, des couloirs qui s’enchainent et au bout du chemin un brouillard marquant l’entrée de la salle où se trouve un vilain boss. Optionnelles pour la plupart, ces zones finissent toutefois par appeler le joueur à elles, pour la soif de l’exploration ou plus pragmatiquement, pour aller y trouver de quoi s’améliorer pour la suite. L’essentiel du monde se compose lui de vastes étendues que l’on peut alors parcourir sur le dos de notre fidèle monture, Torrent. L’approche est alors tout à fait différente, tant pour les combats qui sont possibles en étant à cheval (enfin, une sorte de cheval), que pour la capacité à éventuellement éviter l’affrontement. Cette sécurité toute relative est un moteur pour l’exploration, elle pousse à s’aventurer au-delà des chemins connus et c’est comme cela que les surprises se multiplient, que les points de repos se déverrouillent et que notre connaissance du terrain s’amplifie pour mieux l’appréhender. Selon les régions on trouve des ressources naturelles différentes, indispensables pour fabriquer des objets de soin, d’amélioration temporaire ou des projectiles de diverses sortes. Si le niveau général des ennemis augmente à mesure que l’on pousse l’exploration, on tombe parfois aussi sur des vilains prenables à bas niveau et qui récompensent grassement notre bravoure. Les boss les plus accessibles ne sont pas non plus ceux que l’on croise les premiers, tandis que l’on découvre qu’il n’existe toujours plus d’une façon d’accéder à un nouvel endroit. Pour peu que l’on cherche.

Explorer est le maitre-mot d’Elden Ring. C’est sa force, ce autour de quoi se construit véritablement l’expérience et il est assez surprenant de voir comment le gameplay darksoulesque sied aussi bien à une approche ouverte. Ce vaste monde est hostile à 99,99% et ne fait aucun cadeau. Combattre est ainsi une constante qui demande courage, application et implication dans la construction d’un héros apte à parer à un maximum de situations. L’éditeur de personnage vous permet de créer les bases de votre aventurier, en l’orientant déjà légèrement vers une spécialisation axée sur le corps à corps, le combat à distance, la magie. Cela en attendant d’être plus spécifique par la suite en distribuant avec prudence les points de compétence (des runes, gagnées à chaque combat) pour améliorer les PV, PC, la force, la dextérité, la sorcellerie ou encore l’endurance. On parle de prudence car il est impossible ici de jouer sur tous les tableaux et aussi parce que si vous souhaitez réinitialiser vos choix, c’est un long chemin qui vous attend. Comme dans tout Souls, rien n’est simple ni automatique. On rappelle aussi que les runes transportées sont laissées sur place en cas de mort et qu’elles disparaissent en cas de nouvel échec si l’on n’est pas parvenu à les récupérer entre-temps. Rien ne change de ce côté-ci. Il est donc indispensable de s’atteler à la construction d’un archétype qui soit le plus précis possible en vue d’utiliser correctement certains types d’équipements (armures, armes, boucliers, sortilèges). S’il est possible de vivoter durant les premières heures, les défis qui vous attendent dans la seconde partie de l’aventure puniront votre éventuelle incapacité à trouver votre voie.

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Elden Ring propose une très large palette d’armes et de sorts. Des dizaines de types d’armes au corps à corps, plus ou moins rapides/puissantes, côtoient boucliers et autres sceptres dédiés à la magie. Outre l’amélioration de tout cela disponible chez l’inévitable forgeron, on peut affiner les choses grâces aux cendres de guerre. Ces compétences que l’on obtient au gré des victoires et de l’exploration viennent ajouter une compétence spéciale et/ou donnent à l’arme une orientation particulière. Une arme peut ainsi, par exemple, prendre une spécialisation « sacré », ce qui a pour effet de baisser les dégâts physiques mais en ajoute côté sacré. Selon votre niveau dans les catégories en question, l’effet des cendres de guerre peut être un élément décisif en termes de puissance. Pas d’amélioration au programme pour les armures (à vous de dénicher les meilleures) mais un élément intéressant permettant à tous les profils d’utiliser un brin de magie sans forcément trop investir de points de compétence. On acquiert ainsi relativement tôt dans l’aventure la capacité d’invoquer, à certains endroits de la carte, des alliés spectraux. Leur nature dépend de ce que l’on aura débloqué en les trouvant (généralement des ennemis vaincus), la capacité à les invoquer repose sur le niveau de PC du joueur. Leur efficacité, elle, dépend du niveau d’amélioration atteint grâce à l’utilisation des « muguets mortifères », trouvables en quantité limitée dans les catacombes. La présence de ces alliés est intéressante, bien qu’elle soit naturellement plus viable pour les profils magiques car les invocations demandent un niveau plus ou moins haut « d’intelligence » (définissant la réserve de PC) pour être lancées. Mais même les plus basiques sont des alliés précieux lors de certains combats, ne serait-ce que pour leur capacité à distraire l’ennemi un instant. Il faut dire que l’on n’est jamais contre un peu de répit dans Elden Ring.

Fidèle à la tradition familiale, le jeu de From Software n’est en rien une promenade de santé. Les petits ennemis peuvent faire très mal, les boss sont pour la plupart des machines à tuer en puissance. S’il est techniquement possible de terminer le jeu en battant une dizaine de boss tout au plus, Elden Ring en propose par palettes et de gré ou de force, il faut les mettre à genou. Le niveau de difficulté très élevé requiert pour le joueur lambda un investissement qui porte aussi bien sur l’observation des dangers que sur sa capacité à s’armer convenablement et faire face. Elden Ring a beau vous dire que votre premier grand combat se trouve seulement à quelques minutes du point de départ, c’est un long chemin de traverse qu’il est nécessaire de suivre. Il faut voir le bon côté des choses : tous ne sont certes pas les plus originaux du monde, mais la profusion des combats de boss débouche le plus souvent sur des affrontements âpres, engagés, prenants. La satisfaction qui suit la victoire ne perd jamais de sa saveur, même après le trentième boss occis. Peut-être aura-t-il été nécessaire de traverser avant cela un donjon qui ressemble un peu trop à celui d’avant, qui est lui-même très semblable à un autre ; ça part aussi un peu en vrille côté caméra lorsque l’on affronte des géants/ennemis volants et ça peut être ennuyeux. Puisque l’on est dans les reproches, on peut aussi pointer du doigts une poignée de combats qui sont trop orientés sur un certain type de profil et sont excessivement tendus lorsque l’on penche du côté opposé. Quoi qu’il en soit les combats de boss sont à la hauteur de la franchise, proposant parfois une approche inédite lorsque la monture est mise à contribution. On ne vous en dit pas plus.

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En dépit de son niveau de difficulté significatif, inhérent au genre, Elden Ring se montre moins frustrant que les Souls grâce à la liberté d’action (et de fuite) qu’il offre. On passe ainsi un peu moins de temps à pester et un peu plus à profiter du monde qui nous entoure. On ne résiste pas au besoin d’appuyer sur Y dès qu’apparait un message laissé par un joueur, pour y trouver le plus souvent une information utile et parfois une utilisation détournée et très drôle du système. Mais c’est bien évidemment la nature environnante qui nous offre de grands moments de plaisir visuel. Testé sur Xbox Series X, le plus souvent en favorisant les graphismes car le framerate -certes plus bas- est tout à fait stable, le jeu de From Software affiche de beaux panoramas, dans tous les environnements possibles. Même les plus glauques. La profusion d’éléments de décor qui accompagne les premiers pas en Nécrolimbe laisse place rapidement à des environnements plus subtils. A mesure que l’on avance, Elden Ring multiplie les sources d’inspiration pour faire de la grande traversée de l’Entre Terre une épopée aux multiples visages. Un 50 nuances de désolation qui évolue au gré du cycle jour/nuit, de la pluie et de la brume. Cette dernière configuration est d’ailleurs celle qui convint le moins côté grands espaces, au regard du rendu splendide de certaines zones le jour. On note par ailleurs quelques éléments pouvant s’afficher avec un peu de retard. Du côté des intérieurs, comme évoqué rapidement précédemment, Elden Ring manque un peu plus d’inspiration. On retombe souvent sur les mêmes choses, sans différence fondamentale à l’intérieur d’une famille de décors. Une grotte est une grotte, c’est certain, mais il y avait certainement un poil de variété à y incorporer.

Que dire de plus à ce stade, sans entrer dans les détails qu’il appartient au joueur de découvrir ? Elden Ring est un jeu qui ne fait pas forcément aimer la recette des Souls à ceux qui y sont allergiques. Même l’ambiance sonore alternant musiques d’ambiance légère, silence total parfois et thèmes plus dynamiques lors des grands affrontements, reprend les codes des Souls. Du côté de la durée de vie, elle tourne autour des 50 à 60 heures selon votre niveau, la bonne centaine si vous décidez d’aller régler leur compte à tous les vilains de l’Entre Terre. Il est évidemment possible pour les joueurs les plus efficaces et expérimentés de boucler l’aventure principale en un temps bien inférieur (le jeu imposant comme on l’a dit assez peu de combats inévitables), mais on imagine que ceux-ci sont déjà au courant. Peut-être passent-ils le temps désormais en envahissant le monde des autres joueurs pour leur mettre des bâtons dans les roues, ou se lancent-ils dans les combats PVP que permettent Elden Ring ? Allez savoir. En tous cas, nous nous sommes contentés de rester en vie le plus longtemps possible et dépit de quelques moments de doute, c’est une grande expérience que nous a offert Elden Ring.

9/10
On s’attendait à retrouver avec Elden Ring un plaisir de jeu semblable à celui d’un Dark Souls. Du défi, de la sueur, des larmes et du sang. A bien des égards, Elden Ring est un Dark Souls 4 qui ne se nomme pas mais en ce qui nous concerne c’est plutôt une bonne nouvelle, il existe des situations autrement moins enviables que celle-ci. Mais il y a ce monde ouvert qui vient tout de même rebattre les cartes. Si l’on n’est pas totalement allergique à la narration alambiquée propre aux Souls, on est pénétré au fil des heures par la richesse et la puissance de l’univers d’Elden Ring. Peu est dit, beaucoup est suggéré, l’exploration et la prise de risque servent aussi bien le besoin d’évolution du héros que l’épanchement de la soif de découverte de celui qui tient la manette. D’un théâtre de désolation à l’autre, subjugué par la grandeur de certains panoramas, on avance alors avec autant de peur que de hargne vers de nouvelles rencontres. Massives, sournoises, impitoyables, elles réclament notre ardeur avant de nous autoriser à progresser. Elden Ring est un jeu qui demande du temps, de l’implication, du courage mais qui en dépit de quelques défauts, s’emploie à rendre la pareille d’une poignée de main franche et inébranlable. Un grand jeu.

+

  • L’Aventure, avec un A
  • Défi relevé, plus engageant qu’il n’est frustrant
  • Monde ouvert très bien exploité
  • Système de combat qui a fait ses preuves…
  • … Renforcé par des ajouts intéressants
  • La monture change l’approche des combats et de l’exploration
  • Réalisation soignée
  • Un grand cru artistique
  • Ambiance sonore au diapason
  • Durée de vie costaude
  • Des environnements extérieurs divers et variés…

-

    • … Mais une certaine redondance des donjons
    • Quelques soucis de ciblage/caméra face aux ennemis colossaux
    • Type de narration alambiqué qui peut déplaire
    • Un peu de clipping par-ci par-là