Test : Flight Simulator 2024 sur Xbox Series X|S
Le ciel, le soleil et la terre
À l’instar de Forza Motorsport, Flight Simulator 2020 a amené sur Xbox X|S des performances graphiques jusque là réservées aux seuls PC. Or, dans le cas d’une simulation en monde ouvert — et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agissait rien moins que de notre bonne vieille planète — cela se traduisait par d’énormes contraintes : place occupée par le titre sur le SSD, sollicitation du processeur et de la mémoire vive, etc.
De fait, avec des ambitions considérablement revues à la hausse, Flight Simulator 2024 abandonne le stockage en local au profit du streaming. Un changement majeur qui autorise une souplesse inédite avec des mises à jour transparentes ou très allégées et des temps de chargement grandement réduits. Ainsi, votre disque dur ne s’embarrasse que de l’essentiel et télécharge ensuite à la demande, données vectorielles ou photogrammétriques, avions, textures, maillage du terrain, aéroports et éléments de décor. Vous pouvez d’ailleurs choisir la taille de cette portion du cache réglée par défaut à 16 Go sur le SSD et qui existait déjà sur 2020 FS (mais n’avait pas le même impact). Tout dépendra de la qualité de votre connexion. Avec de la fibre optique récente et une liaison stable, vous pourrez vous en passer. En revanche, si votre débit est moyen (câble ou fibre de première génération), ou s’il a tendance à fluctuer, vous aurez tout intérêt à recourir à cette béquille. Du reste, n’hésitez pas à procéder à des essais et à monter jusqu’à 128 Go le cas échéant. C’est généralement le minimum requis pour que ce soit efficace. Toutefois, n’oubliez pas non plus de prévoir une réserve de 10 % par rapport au volume maximal de stockage de votre disque pour assurer un fonctionnement optimal, en considérant l’espace total attribué à la nouvelle itération du simulateur : jeu de base (environ 50 Go), add-ons tiers, et mémoire tampon.
Cette approche n’est possible qu’en raison de l’emploi systématique d’un algorithme baptisé Rolling Cache qui se concentre sur ce qui est strictement nécessaire au vol en temps réel. C’est un peu la même logique que celle du rendu fovéal des casques de réalité virtuelle. L’idée étant d’allouer les ressources progressivement (processeur, mémoire, carte graphique), en hiérarchisant les calculs et en évitant les variations brutales. Dès lors, si vous voyagez en Espagne, par exemple, le jeu ne se souciera pas plus de la Normandie que de la Sicile. Ce qui n’était pas le cas avec la version 2020, d’où les problèmes de fuite de mémoire sur Xbox X|S qui occasionnaient l’extinction définitive de tous les écrans et afficheurs de nombreux avions en plein vol, notamment lors des changements de météo ou à proximité des zones très fréquentées. L’agrément au quotidien est évident pour l’utilisateur, mais pour Microsoft, Asobo et leurs partenaires, il s’agit d’une révolution technologique arc-boutée à l’intelligence artificielle. Elle revient à dupliquer virtuellement chaque recoin de la terre, d’en faire un « jumeau numérique », comme se plaît à le rappeler Jorg Neumann, qui supervise le projet.
Le corollaire, c’est la nécessité de disposer en permanence d’une connexion solide et de dépendre de la bonne santé des serveurs de la firme de Redmond. Une dépendance qui a joué des tours à tout le monde au lancement du jeu le 19 novembre dernier… Au point de jeter le discrédit sur le travail des différentes équipes et de provoquer la colère des fans. La situation s’est très vite stabilisée, mais il est évident que l’opération n’a pas été anticipée comme elle aurait dû l’être et qu’il faudra du temps pour apaiser les esprits. D’autant que de gros problèmes subsistent et que la communication choisie par Microsoft et Asobo a parfois manqué de prudence. D’un autre côté, certaines réactions complètement disproportionnées rappellent que patience, recul et tempérance feraient le plus grand bien au microcosme du jeu vidéo…
Cette réflexion prend de l’ampleur quand on découvre le jeu pour la première fois, tant la précision des environnements, la modélisation des avions, la magnificence des éclairages, le rendu saisissant des effets météorologiques et l’étendue des possibilités donnent le tournis et décrochent les mâchoires les plus serrées. Ne tergiversons pas : Flight Simulator 2024 est en tous points somptueux et renvoie aux oubliettes les références du genre ! Même son prédécesseur — déjà spectaculaire — ne soutient pas la comparaison. La finesse des textures au sol, la somme des détails, la subtilité des reflets, la qualité des bruitages, la poussière qui balaye les pistes ici ou là, les arbres qui ploient sous les assauts du vent, la mer qui se soulève lorsque l’horizon s’assombrit… Tout est absolument extraordinaire ! La sensation d’immersion est totale et l’impression de réalisme laisse sans voix en particulier en ce qui concerne la lumière et le rendu des nuages. Dieu que c’est beau ! Comble d’aise, le titre semble tourner sans broncher sur Xbox Series X et c’est un gros progrès par raport à Flight Simulator 2020. Pour tout dire, la console ne chauffe pratiquement jamais et la fluidité des vols multijoueurs impose une sorte d’étonnement solennel. Ça paraît incroyable. C’est pourtant vrai.
Enfin plus ou moins, car ce tableau idyllique ne vaut que lorsque les serveurs tiennent le choc et que les bugs sont en vacances. Malheureusement, les choses se gâtent dès que les infrastructures de Microsoft Azure faiblissent un peu (même si cette situation est très marginale à l’heure d’écrire ces lignes), ou quand Flight Simulator 2024 tente de battre des records de bugs. Récurrents ou aléatoires en fonction de vos activités, vous ne pourrez y échapper à moins qu’une mise à jour corrige le tir sous peu (et ce sera le cas, évidemment).
Pour l’heure, disons-le clairement, le jeu peut vite devenir pénible ! Le déplacement de la caméra à l’aide de la souris est inutilisable. Les afficheurs et GPS de nombreux appareils sont illisibles de jour comme de nuit (530 GNS en particulier). La tablette électronique qui fait office de compagnon de bord ou EFB (pour Electronic Flight Bag) impose de charger plusieurs fois un même plan de vol pour démarrer l’avion à froid depuis le parking plutôt que de commencer la partie moteurs lancés et prêt à décoller. Le scrolling se bloque soudainement au beau milieu d’une page, tout comme le zoom sur la carte (sans recours puisqu’il n’y pas d’alternative). Les procédures d’approche sont fantaisistes et empêchent toute vraie programmation de vol en avion de ligne. Les profils permettant de paramétrer différentes vues au clavier ne sont pris en compte qu’au redémarrage et sont effacés avec les patches. Le jeu ne mémorise pas les livrées ou les modèles que l’on apprécie, ni même la taille de l’EFB ou les préférences entre système métrique et impérial, etc. Il est impossible et futile de dresser la liste de tous ces innombrables petits écueils qui, jusqu’à présent, gâchent réellement l’expérience de jeu.
Du reste, d’autres problèmes plus sérieux empêchent la progression dans le mode carrière qui souffre en outre de fréquents ralentissements (contrairement au vol libre). Par exemple, certaines missions imposent une quantité de carburant insuffisante pour arriver à bon port… et vous ne pouvez rien y changer. C’est d’autant moins compréhensible, que la plupart de ces tâches sont en partie scriptées et c’est d’autant plus regrettable qu’elles sont souvent intéressantes ! Escorter des VIP, faire de l’épandage en hélicoptère, lutter contre des incendies, transporter des blessés ou des médicaments, créer une compagnie aérienne, acheter et réparer des appareils, recruter des pilotes, secourir des marins ou des techniciens en perdition, hélitreuiller de lourdes charges, accompagner une équipe scientifique soucieuse de photographier une tornade… Chaque mission vous rapportera un peu d’argent et il vous en faudra beaucoup pour acquérir ou entretenir votre flotte !
Le simulateur regorge ainsi de possibilités et reconduit au passage les tutoriels exhaustifs inaugurés en 2020 : inspection de l’appareil, préparation des vols, pilotage, navigation à vue ou aux instruments, aviation générale, jets, liners, hélicoptères. Tout y est ! Et à défaut de vous transformer en véritable pilote dans la vie réelle, ces exercices vous permettront d’appréhender sereinement tous les aspects de la simulation aérienne et de profiter pleinement de son plus fidèle représentant.
Pour cela, il vous faudra tout de même faire fi de la rudesse du système de notation et de l’intransigeance des instructeurs. Mettez cinq secondes de trop à stabiliser votre appareil à une altitude donnée, virez un peu trop tôt ou trop tard lors d’une approche (sans qu’elle soit pour autant chronométrée), atterrissez un peu trop loin d’une zone ciblée et votre évaluation globale en prendra un coup. On peut comprendre cette exigence, mais elle relève souvent d’une forme d’arbitraire ou résulte de l’imprécision, voire du timing bancal de certaines des directives qui vous sont transmises. En tout cas, armez-vous de patience si vous souhaitez obtenir les meilleurs scores !
Flight Simulator 2024 offre aussi des défis constitués de figures imposées, de parcours chronométrés, d’atterrissages périlleux et met en place un système de gain de réputation semblable à celui du mode carrière. Vous pourrez également visiter des lieux emblématiques ou y prendre de beaux clichés grâce au mode photo (complet et agréable) : les pyramides de Gizeh, le Taj Mahal, Yosemite National Park, New York, Naples, le mont Fuji, etc.
Cerise sur le gâteau, le jeu propose désormais d’une fonction replay qui enregistre automatiquement les cinq dernières minutes d’un vol. De quoi saisir de beaux instants ou progresser pendant les manœuvres les plus délicates en apprenant de vos erreurs. Son usage est encore chaotique, il est vrai, mais les perspectives sont plaisantes et cette option était attendue depuis longtemps. Et puis, le simulateur intègre enfin un planificateur de vol disponible gratuitement aussi bien depuis votre ordinateur ou votre smartphone qu’en jeu sur l’EFB, grâce à votre compte Xbox ! Préparez un itinéraire, enregistrez-le et vous pourrez l’utiliser comme bon vous semble.
Ou presque, dans la mesure où cette énième pièce constitutive d’une bien belle vitrine pâtit, également, d’une sortie prématurée. Pour preuve, la plupart des modules tiers conçus pour la mouture 2020 du simulateur et que l’on annonçait compatibles de A à Z avec celle de 2024 ne le sont toujours pas officiellement… Une situation difficile à comprendre, sachant qu’il y a eu un vrai dialogue avec la plupart des éditeurs pendant les derniers mois. Mais cette démarche a sans doute débuté trop tard et oublié les toutes petites structures qui doivent accepter sans broncher des contraintes liées à l’omniprésence du Marketplace et à des défis techniques nouveaux : cryptage des mods, recodage des modèles 3D en plusieurs versions afin de ne pas surcharger le streaming avec des éléments redondants, etc. Autant de choix valables dans l’absolu. Cependant, ils induisent des paris risqués pour les entreprises les plus modestes coincées entre des emplois du temps à rallonge et des surcoûts indirects qu’il faudra bien répercuter, à moins de jeter l’éponge… À l’arrivée, le flight simmer passionné qui ronge son frein depuis des mois commence aussi à faire le bilan des dépenses (jeu, ad-dons, périphériques). Ce qui explique en partie l’agacement de la communauté, tandis que le joueur occasionnel s’étonne de ne pas pouvoir profiter sereinement de cette offre incluse à son abonnement Game Pass.
Doit-on pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain comme certains le clament déjà haut et fort ? Certainement pas ! Et pour vous en convaincre, prenez les commandes de n’importe quel appareil et découvrez un modèle de vol que personne n’aurait espéré il y a encore quelques mois. Le travail colossal entrepris sur la physique globale du jeu s’avère bluffant et magnifie les plus petites nuances du vol, comme du roulage ou des évolutions dans l’eau : masse, puissance des moteurs, vent traversier, courants ascendants, turbulences (très impressionnantes), relief, traces laissées dans l’herbe, la terre ou la neige, intempéries, encrassement réaliste des vitres et des éléments externes… Chaque aspect a bénéficié d’un soin particulier et les sensations sont enivrantes. Du plus frêle ballon aérien à l’hydravion le plus paresseux, du plus gros des longs courriers au plus vif des avions de brousse, du planeur le plus souple au plus retors des hélicoptères, le résultat est exceptionnel. À telle enseigne, que les add-ons les moins réussis, dont certains très anciens, jouissent d’une vraie cure de jouvence. Enfin, les périphériques sont bien mieux pris en charge qu’auparavant (en dépit de menus toujours aussi mal pensés), et les réglages se font de façon nettement plus intuitive. Ouf !
Alors, certes, il en faudra plus pour faire taire les critiques légitimes et transformer ce canard encore boiteux en cygne impassible. Beaucoup plus. Oui, mais d’une part l’expérience acquise avec l’opus de 2020 atteste du savoir-faire de Xbox et de Asobo Studios et, d’autre part, Flight Simulator 2024 s’élance sur une piste très prometteuse, infiniment plus stable et mieux balisée que celle de son aîné quelques semaines après sa sortie.
+
- Splendeur graphique inégalée
- Modèle de vol exceptionnel
- Modélisation météorologique saisissante
- Interactions avec les éléments
- Accessibilité et performances
- Mode carrière ambitieux
- EFB généralisé et Flight Planner
- Modes photo et replay
- Possibilités quasi infinies
- Titre en évolution constante
-
- Avalanche de bugs passés, présents et sans doute à venir…
- Assujettissement au Cloud
- Ergonomie très perfectible
- Paramétrage encore fastidieux
- Communication et réactivité du duo MS/Asobo
- Exigences et incohérences du mode carrière
- Contraintes imposées aux petits éditeurs tiers