Jeux

Lost Odyssey

RPG | Edité par Microsoft Studios | Développé par Feel Plus/Mistwalker

8/10
360 : 29 février 2008
26.02.2008 à 16h43 par |Source : http://www.xbox-mag.net/

Test : Lost Odyssey sur Xbox 360

Lost Odyssey est le deuxième grand RPG promis à Microsoft par Sakaguchi début 2005. Rassemblant un casting de producteurs au moins aussi prestigieux que celui de Blue Dragon, il semble s’adresser, tant par son côté plus sombre que par le soutien marketing qui lui est prodigué, davantage aux joueurs occidentaux qu’à leurs homologues japonais. Après des mois et des mois de développement, peut-on parler de lui comme du meilleur titre de sa catégorie sur 360 ? Tentative de réponse.


Le choix de Sakaguchi

Il y a un décalage. Entre l’enthousiasme presque maladif qui avait chaviré la presse et les joueurs au moment de l’annonce de la préparation des deux RPG de Sakaguchi sur Xbox 360 et leur sortie effective, la pression est subitement retombée, comme si les deux jeux n’étaient pas ce qu’ils auraient pu ou dû être. A bien y regarder, il est évident que Mistwalker cultive, peut-être plus que tout autre studio à l’heure actuelle, l’art du RPG nippon classique. « Classique », un terme que vous risquez de lire au moins une fois dans tous les tests de Lost Odyssey (ou de Blue Dragon) que vous croiserez. Avant de s’essayer à une recette en apparence plus moderne (Cry On), Sakaguchi a voulu démontrer que la formule Exploration-Overworld-Tour par tour n’était pas morte avec la dernière génération de consoles. Ce style de gameplay est considéré par certains observateurs comme rétrograde, à l’époque où des jeux d’action toujours plus spectaculaires émergent de toute part. Il serait plus juste de dire qu’il est à part, en décalage avec la tendance actuelle de la production vidéoludique. Blue Dragon l’avait prouvé l’année dernière, Lost Odyssey le fait à nouveau aujourd’hui : il est encore possible d’offrir de belles expériences de jeu avec les ingrédients les plus traditionnels qui soient.

Une quête pour l’éternité

Avant toute chose, Lost Odyssey, c’est une remarquable entrée en matière. La première heure de jeu est en effet absolument excellente en termes de mise en scène, soutenue par les variations d’un thème principal parfaitement adapté à l’esprit mélancolique du soft. Divisée en deux longues cinématiques et une phase de gameplay, cette petite heure est à la fois une introduction idéale au jeu, mais présente aussi la particularité de proposer une belle complémentarité entre cut-scenes et combats au tour par tour.

Pourquoi s’attarder sur la première heure d’un jeu qui en comporte 40, 60, 100 pour les plus acharnés ? D’abord parce qu’elle démontre le talent irréfutable de Mistwalker et Sakaguchi pour la réalisation, talent qui n’est pas démenti par la suite. Ensuite parce qu’elle reste malheureusement une exception dans le titre. Après cette fameuse séquence, les combats redeviennent des plus classiques, avec écrans de début et de fin, personnages qui prennent des dégâts dans la figure sans broncher, etc. Sans doute très difficile à mettre en œuvre tout au long d’un RPG complet, cette interpénétration cinématique-combats aurait sans doute permis à Lost Odyssey de proposer quelque chose de vraiment très original. Ce sera peut-être pour une prochaine fois.

En dépit de ce léger regret, difficile de ne pas apprécier les mécanismes de jeu de Lost Odyssey, qui déploie, comme tout bon RPG qui se respecte, un arsenal de sorts, objets et accessoires divers, mais avec un vrai sens logique. Autour des combats et de l’évolution des personnages, qui leur est directement liée, gravitent une demi-douzaine de mécanismes très dynamiques qui encouragent la customisation et permettent d’aboutir en définitive à un bilan très satisfaisant. L’intérêt est sans cesse relancé par des objets spéciaux, de nouvelles magies acquises lors d’un changement de niveau, et démultiplié par le système d’apprentissage, permettant, sur la durée, de se forger des personnages « à la carte » en « copiant » les pouvoirs d’accessoires et/ou d’alliés du même groupe.

Le degré de difficulté est si bien dosé qu’il demeure à peu près bien ajusté durant toute la durée du soft, une gageure sur 60 heures. Les ennemis plutôt variés qu’on rencontre exigent toujours d’adopter une stratégie précise, tant et si bien que Lost Odyssey montre un réel aspect tactique au fur et à mesure du développement du groupe de héros et de l’avancée dans l’aventure. Le choix de sa formation, divisée entre magiciens et guerriers, la gestion du mur protégeant la ligne arrière,l’emploi des anneaux permettant, en temps réel, de bonifier ses attaques en atteignant une cible, la capacité des héros immortels de se réveiller seuls d’un KO, tout cela, sansvraiment innover,est à prendre en considération et permet de donner une substance, une personnalité aux combats.

Leprincipal défautqu’on pourrait opposer à ces qualités est celui qu’on craignait depuis le début : la nature aléatoire des rencontres avec l’ennemi. Invisibles sur la carte, les adversaires prennent sans cesse le joueur par surprise. Ce n’est pas foncièrement gênant dans la progression normale des quêtes, mais dès qu’il s’agit d’explorer, de chercher des objets, de revenir sur une zone déjà visitée, on réalise que ce type de système a bel et bien du plomb dans l’aile et gagnerait à faire quelques concessions. Il est heureux que Mistwalker ait inclus une fonction sprint pour éviter de s’engluer trop longtemps dans des combats parfois sans intérêt, pour peu qu’on ait bien développé ses héros. Dieu merci, la mécanique bien huilée des affrontements aide à faire passer la pilule et contribue à les rendre, malgré tout, prenants.

Mille ans de rêve, quelques heures de jeu

Prenante, l’aventure proposée par Lost Odyssey l’est aussi. Les pérégrinations de Kaïm Argonar, immortel abattu par des siècles d’existence, tout comme les environnements visités tout au long du jeu, dégagent une force, une mélancolie assez extraordinaires. Très développés, les personnages sont attachants (notamment le trio Kaïm-Jansen-Seth) et permettent, de par leur personnalité, d’entrer plus vite dans l’histoire que dans un Blue Dragon par exemple. La bande-son d’Uematsu, superbe et très adaptée au jeu, ainsi que le sens de la mise en scène de Sakaguchi, font merveille dans une association qui démontre l’entente de deux auteurs. Il demeure malheureusement quelques impairs, subjectifs certes, mais plus ou moins propres à l’œuvre du créateur de Final Fantasy, qui risquent de déranger quelques joueurs, comme une certaine tendance à tomber dans le mélodrame ou des scènes d’une naïveté presque exagérée (surtout à la fin). Mais l’important est de retenir que l’aventure est immersive, connaît quelques beaux rebondissements, et cette qualité globale permet d’oublier que Sakaguchi aurait sans doute pu faire de meilleurs choix.

Assez fermée dans un premier temps, la carte du monde de Lost Odyssey a la particularité de s’ouvrir petit à petit, révélant une grande quantité de quêtes secondaires très bien conçues et apportant du challenge supplémentaire aux amateurs de leveling. Il existe une myriade de lieux annexes et de trésors à découvrir. Parmi eux, les mini-nouvelles de Kiyoshi Shigematsu, Un Millénaire de Rêves, qui se débloquent en explorant les niveaux à la recherche de scènes marquantes, stimulant la mémoire perdue de Kaïm, apportent un cachet particulier au jeu de par leur côté à la fois très commun (ce sont des textes simples, sans fioritures) et plutôt original dans un medium qui privilégie le son et l’image. Cette trentaine de petites histoires, qui aident à restituer le background de Kaïm et de certains de ses acolytes, sont très bien écrites (moins en français, mais la substance des scénarios est quand même là) et se marient parfaitement avec la grande mélancolie du héros, de l’histoire et le rythme très posé de la progression.

Cet aspect très posé, le jeu ne le doit pas seulement à son classicisme, mais aussi à quelques impairs techniques qu’il est impossible de passer sous silence. En dehors de l’esthétique un peu délavée de certains décors, les points qui fâchent sont l’abondance des temps de chargement et les ralentissements et à-coups multiples qui donnent l’impression que la Xbox 360 souffre en permanence pour tout afficher correctement. Cela s’explique par un développement assez cahoteux, qui aura vu les développeurs se débattre avec l’Unreal Engine 3 et créer spécialement le studio Feel Plus en cours de route pour disposer de plus de flexibilité. Ces contretemps ont laissé des traces indélébiles.

En dehors de cela, et de quelques fautes de goût vestimentaires criantes (visiblement, Takehiko Inoue n’était pas super inspiré pour certains personnages principaux), Lost Odyssey est plutôt agréable à regarder, et dispose notamment de bonnes animations, essentielles pour retranscrire les nombreuses émotions par lesquelles passent les héros. L’ambiance est là, depuis le mystère des forêts et montagnes magiques jusqu’à la froide technologie des villes d’Uhra et de Gohtza. Et, petit-à-petit, on se surprend à aimer le jeu, malgré son tour par tour, malgré ses énigmes un peu basiques (pousser des caisses…), malgré sa morale manquant parfois de subtilité. Lost Odyssey est, bel et bien, l’aventure qu’on attendait. Pas besoin d’y jouer pendant mille ans pour le comprendre.

Pour plus d’avis sur Lost Odyssey, n’hésitez pas à faire un tour sur notre Warm Up dédié au jeu.

Il y a fort à parier que les réfractaires aux grands RPG japonais n’aimeront pas Lost Odyssey. Pourtant, le jeu de Sakaguchi est bien de la trempe des précédentes oeuvres du créateur de Final Fantasy. Il accuse encore des tares qui l’empêchent d’accéder au sublime, mais il propose suffisamment de qualités et de solidité pour, peut-être, l’atteindre aux yeux de certains. C’est déjà une bonne chose, tant pour les amateurs de jeux de rôles que pour la Xbox 360, qui a aussi le droit, de temps en temps, de laisser tomber les flingues et de se laisser entraîner dans une aventure simple et belle. C’est pour cela que Lost Odyssey se hisse, pour nous, parmi les meilleurs jeux de sa ludothèque.

+

  • Le choix entre anglais, japonais et français
  • Les nouvelles de Shigematsu
  • Durée de vie king-size
  • Bande originale excellente
  • Monde, quêtes et trésors
  • Combats, gestion de la progression
  • Histoire et personnages attachants

-

    • Quelques choix scénaristiques discutables
    • Combats aléatoires trop encombrants dans les phases d’exploration
    • Puzzles plutôt moyens
    • Un bilan technique contrasté
    • Quelques fautes de goût en character design