Test : Resident Evil 2 sur Xbox One
Modern (s)talking
On ne va pas (trop) refaire l’histoire, Capcom s’en est déjà occupé maintes fois, à commencer par un développement abandonné en cours de route à l’époque PlayStation. Trop semblable à son illustre prédécesseur et surtout trop anémié pour faire office de digne suite, Resident Evil 2 était alors repris à presque zéro pour déboucher, un gros report plus tard, sur le titre que l’on connaît. Deux disques, des aventures qui s’entrecroisent, des frissons partout et un été 98 à fermer les volets pour ne pas être pris en traître à cause d’un reflet sur l’écran. Déjà absurde mais forcément légendaire, Resident Evil 2 méritait une revisite est c’est sans se faire trop prier que Capcom s’est mis au boulot, après s’être assuré de l’intérêt des joueurs pour la série grâce à l’excellent Resident Evil VII – et alors que le remake du tout premier est en passe d’être majeur.
Le résultat, visuellement parlant, est une énorme réussite. Repartie sur les bonnes bases d’un moteur désormais bien maîtrisé, l’équipe d’artistes s’est visiblement fait plaisir en donnant du volume à des décors que l’on visite caméra à l’épaule plutôt qu’en aplats pixellisés. Le commissariat de Raccoon City, ses sous-sols et environs ont une gueule folle et le RE Engine crache effets spéciaux et jeux de lumière sans trop souffrir, même sur une Xbox One (S) vieillissante. Que l’on découvre les lieux ou que l’on y revienne avec de bons souvenirs en tête, le plaisir des yeux est majeur et la tonne de détails qui habille chaque pièce apparaît comme une bénédiction, un jeu des mille différences dans lequel personne n’est jamais perdant. Côté héros, le bilan est un poil plus discutable : si les corps sont impeccablement animés et modélisés, les visages manquent du « naturel » qui caractérisait ceux de Resident Evil 7. C’est loin d’être raté, mais Leon et Claire méritaient sans doute de meilleures expressions faciales. Rien à dire sur le reste du casting : des seconds rôles aux morts-vivants dégingandés, on reste rarement de marbre en croisant quelqu’un dans Resident Evil 2.
C’est surtout vrai pour Mr X, funèbre technicien de surface chargé d’effacer les preuves de la bévue d’Umbrella. Autrefois cantonné au scénario B, l’imperméable génétiquement modifié se fait ici plus constant et son pas lourd – accompagné de baffes non moins pesantes – rythme la majeure partie d’une aventure qui s’épanouit (là aussi) dans la transgression d’acquis. Outre la présence malveillante du T-00, on pense à ces couteaux devenus consommables, et dont la première casse est un crève-cœur pour le petit malin qui pensait protéger ses douilles en surinant à tout-va. Des ouvertures à barricader aux quelques occurrences de zombies franchissant une porte, le remake est ponctué de changements bienvenus. Noyés dans un déroulé similaire qui favorise la prise de confiance, ils obligent à rester sur ses gardes et provoquent quelques remarquables montées en tension.
Plutôt malin dans son approche, Resident Evil 2 connaît malheureusement quelques ratés, dont l’importance reste relative face au boulot accompli, mais qui empêchent à nos yeux le titre de s’installer à la table des plus grands. Prenez Mr X, par exemple : ni Nemesis ni Jack Baker, il exerce une pression constante à laquelle on n’échappe que trop péniblement, et uniquement par une longue course qui éloigne de l’objectif ou via une salle de sauvegarde dont l’aspect « protection magique » casse un peu l’immersion. Au-delà des premières rencontres, forcément glaçantes, on soupire plus qu’autre chose à l’énième arrivée du colosse, chicane mobile que l’on esquive bien trop facilement, mais qui fait quand même perdre un temps précieux. Que l’on parle charisme ou game design, l’adversaire nous semble un bon cran en-dessous des références récentes, auxquelles on ajoute l’Alien d’Isolation.
Cette petite déception vaut aussi pour la boucle de gameplay, du moins dans sa partie action. On peut en effet se poser la question de l’intérêt de moderniser perspective et contrôles, quand le résultat débouche sur des affrontements aussi poussifs. Dévalorisés au point d’être souvent moins efficaces qu’un tir dans le genou, les headshots sont la mauvaise blague de ce remake, trahissant à la fois l’ADN de la série et le mythe du zombie, censé tomber plus facilement quand on lui vrille la caboche. Irritante au possible, la loterie qui exige entre trois et huit balles pour faire exploser une tête témoigne pour nous d’une certaine fénéantise de la part de Capcom. Plutôt que de coder de meilleurs macchabées, le studio a préféré affaiblir ses héros, par ailleurs incapables du moindre geste offensif permettant de raccourcir un affrontement. Ceux qui souhaitent faire le ménage – et il y a largement assez de munitions pour le faire en difficulté normale – ont donc droit à un shooter visuellement moderne, mais pauvre en mécaniques et franchement soporifique par endroits.
Difficilement critiquable, le côté zinzin des énigmes est (péniblement) justifié par le fait que le commissariat était autrefois un musée, et qu’il est donc tout à fait compréhensible que l’on aille planquer sa clé USB dans une boîte à bijou qui ne peut être ouverte qu’en collant un faux livre dans la main d’une statue planquée dans une remise. Pour tout explorer, les allers-retours sont donc inévitables mais heureusement facilités par une carte bien détaillée et on ne peut plus pratique pour ne rien rater. Même son de cloche côté inventaire, dont l’étroitesse originelle cède vite devant la multitude d’extensions plus ou moins cachées sur le chemin.
On aurait aimé que ce souci de modernisation touche aussi la structure du titre, surtout au niveau des interactions entre Leon et Claire. On a beau apprécier les courtes séquences permettant d’incarner un autre personnage au fil de l’aventure principale, la relation entre les deux héros semble avoir perdu en qualité dans ce remake, qui se contente trop souvent de quelques mémos impersonnels pour toute interaction. Ceux qui avaient espéré une aventure « mixte » alternant les points de vue en sont donc pour leurs frais : Resident Evil 2 oblige toujours à faire le jeu deux fois (voire quatre, pour les stakhanovistes) pour avoir la vraie fin, et la répétition n’est pas en sa faveur. D’un personnage à l’autre, le bestiaire revient, les énigmes sont remises à zéro mais certains détails sont inexplicablement changés, comme si Mr X s’était offert une double casquette maçonnerie et home staging entre deux prises. Ça ne tient scénaristiquement pas debout, le rythme un peu plus azimuté n’est toujours pas source d’emballement en termes de gameplay, et l’ensemble sent une fois de plus l’empressement et la facilité.
+
- Visuels et atmosphère au top
- De la souplesse dans le déroulé
- Des secrets un peu partout
-
- Mécanique TPS sans grande saveur
- Les runs A/B, ça ne fonctionne pas
- Mr X, plus relou qu’autre chose