Jeux

Mirror’s Edge

FPS | Edité par Electronic Arts | Développé par DICE

8/10
360 : 14 novembre 2008
15.11.2008 à 08h47 par |Source : http://www.xbox-mag.net

Test : Mirror's Edge sur Xbox 360

Depuis environ deux ans, Electronic Arts a entamé son processus de renouvellement. Remise en question sur plusieurs franchises et créations de nouvelles licences : le géant américain repart sur de bonnes bases avec des Dead Space, des Spore, des Rock Band. Une nouvelle ligne directrice dans laquelle s’inscrit parfaitement Mirror’s Edge, représentant à la fois l’originalité et l’audace. Mais cela n’en reste pas moins un gros risque créatif pris par EA et les suédois de DICE, l’expérience ayant déjà démontré que les concepts originaux ne font pas forcément recette. Alors, faut-il tenter le grand saut avec la charmante Faith, ou Mirror’s Edge n’est-il qu’une simple façade, sans réel fond ? Test sur le fil du miroir.

Have a little Faith

Revenons à la période de l’E3 2008, où Faith, l’héroïne de Mirror’s Edge, se dévoilait pour la première fois aux yeux du public. Certains avaient déjà pu voir quelques esquisses du titre peu de temps auparavant, mais pour la plupart des joueurs, Mirror’s Edge restait inconnu au bataillon. Vient donc le temps de l’Electronic Entertainment Expo. Personne n’avait vu ça auparavant. Un concept jamais retranscrit de manière aussi réussie dans un jeu vidéo. Du free running à l’état pur, où enchainer des sauts plus démentiels les uns que les autres paraît être un jeu d’enfant. Résultat des courses, la critique est conquise par le concept frais et novateur que représente le soft, et lui décerne le prix du « meilleur jeu original » du salon californien. La machine Mirror’s Edge était lancée. Aujourd’hui, le titre est disponible partout dans le monde, et, à coup sûr, ne laissera personne indifférent.

L’aventure prend place dans un futur proche, dans lequel la criminalité a été éradiquée. Les autorités contrôlent le moindre transit d’informations, et veillent à maintenir l’ordre dans une cité en apparence parfaite. Peut-être même trop. C’est là que vous intervenez, en prenant le contrôle d’un messager (« une » plutôt) dénommée Faith. Vivant dans la clandestinité, son rôle, comme celui de ses collègues, est d’assurer le transfert de certains colis sensibles pour le compte de ceux qui refusent de se plier au système. Vivant comme des marginaux, les messagers volent de toits en toits afin de remplir leur mission. Seulement, et sans trop en dévoiler, tout ceci s’apprête à basculer. Un meurtre va être commis, et la sœur de Faith, Kate, va bien involontairement être impliquée. Voilà, pour résumer, l’élément perturbateur qui déclenchera le fil de l’histoire.

Prometteur et mis en scène par de jolies cinématiques réalisées en flash, le déroulement de l’aventure, sans trop innover, comporte son lot de rebondissements, drames et trahisons. Seulement, la tournure des évènements s’avère être extrêmement prévisible et l’ensemble aurait diablement mérité d’être plus fouillé. Avec une ville où tout est contrôlé et Faith, l’héroïne du jeu, à laquelle on s’attache facilement, il y aurait largement eu matière à creuser davantage les choses pour disposer d’un background plus travaillé, et non d’un scénario prétexte pour faire des galipettes partout. On touche là à une des faiblesses récurrentes du jeu vidéo, qui progresse mais peine à trouver ses marques, malgré l’émergence récente d’auteurs plus ou moins reconnus. Mirror’s Edge étant prévu comme une trilogie, le soft a encore le temps de s’améliorer, pour peu que les critiques soient prises en compte.

A côté du scénario, le doublage, intégralement en français, s’avère être correct, sans toutefois être transcendant. Les puristes peuvent bénéficier de la VO en réglant la langue de leur 360 sur anglais, mais là aussi, ce n’est pas toujours l’extase.

Sur le fil

L’intérêt et la force de Mirror’s Edge ne résidant pas dans son scénario, il est temps de se tourner vers la partie la plus importante du titre, à savoir son gameplay.Et sur ce point, on peut dire que les petits gars de DICE ont fait des merveilles. Tout d’abord, la maniabilité a été simplifiée au maximum, gâchettes et boutons de tranche privilégiés, afin que la prise en main se passe dans les meilleures conditions possibles, que le tout soit intuitif pour n’importe qui s’essayant au jeu. La touche LB sert à toutes les actions impliquant des sauts, tandis que la gâchette gauche concerne les phases où il faut se baisser ou effectuer une glissade. Quant à la gâchette droite, elle sert à user des poings ou des pieds, au choix. Et c’est à peu près tout, à part deux ou trois actions contextuelles ou occasionnelles. En action, force est de constater que tout fonctionne au doigt et à l’œil : Faith escalade, saute et glisse sans broncher, et surtout, vous ne vous retrouverez jamais dans une situation où les commandes ne réagiront pas vis-à-vis de l’environnement. Tout a donc été étudié, et c’est un pur régal de jouer les apprentis Yamakasi. Mis en avant durant le développement, la conscience du corps (« body awareness ») de Faith est elle aussi très bien implémentée : le bruit des pas, le souffle, l’effet de vitesse, l’apparition des jambes ou des bras lors des sauts ou des courses sont de réels avancées dans un genre où, pendant très longtemps, la caméra ne permettait même pas de voir ses pieds.

Grosso modo, les phases de jeu comportent soit des parcours très rapides, où la vitesse est des plus grisantes, notamment lors de courses-poursuites dantesques, soit des moments de réflexion, lors desquels il faut chercher ses prises et où l’environnement se mue en puzzle. La jouabilité de Mirror’s Edge s’adapte plus volontiers au premier de ces deux cas de figure, néanmoins il peut être tout aussi agréable de chercher à exploiter parfaitement l’agencement des décors, quitte à ne pas foncer comme une flèche.

Rarement un jeu n’a été aussi bien pensé et réalisé que Mirror’s Edge du point de vue du level-design. Alors oui, la progression est linéaire et on ne peut pas sauter sur tous les toits que l’on désire, ou entrer dans n’importe quel bâtiment. Les amateurs de liberté totale style Crackdown en seront pour leurs frais. En réalité, vous aurez toujours un seul et unique « rail » de progression dans le jeu. Il n’y a généralement qu’une seule « voie » pour arriver d’un point A à un point B, mais plusieurs méthodes différentes permettent de remplir son objectif. Et c’est là le plus important. Allez-vous tout simplement passer par le trou de ce grillage ? Ou bien prendre appui sur un mur, et passer par-dessus par un chemin détourné ? Ou tout simplement l’escalader ? Ce genre de choix étant offert à chaque instant, vous l’aurez compris, Mirror’s Edge donne la possibilité de progresser à sa manière et à son rythme. Et même si, en définitive, les niveaux sont bel et bien linéaires, le jeu de DICE possède une vraie dimension créative. A tel point qu’on se fiche un peu de ne pas avoir des dizaines de quartiers accessibles, et que l’on suit son propre chemin sur le fil du miroir, instinctivement.

Les objets permettant d’avancer dans le jeu (poutre, mur…) sont colorés en rouge vif, afin de voir dans quelle direction on doit progresser, et ce sans temps morts. Le réticule au centre de l’écran permet de rester précis dans ses sauts et, accessoirement, d’éviter le mal du FPS pour ceux qui auraient des soucis pour supporter les cabrioles de Faith. Car oui, Mirror’s Edge se joue au feeling, et ça lui réussit très bien. Le sens urbain complète le tableau en désignant à tout moment la zone à atteindre. Impossible de se perdre par conséquent, mais ces béquilles peuvent aussi bien être désactivées, pour s’immerger totalement dans l’expérience.

Quand le miroir casse

Poursuivie par la police, Faith doit parfois jouer des poings, voire des armes, pour arriver à ses fins. La police, qui ne porte pas la jeune messagère dans son cœur, intervient assez régulièrement dans le jeu, ce qui ajoute une certaine tension. Se voulant pacifiste, Mirror’s Edge peut être fini sans ne serait-ce qu’effleurer un garde, et c’est une bonne chose. Mais parfois, le combat est quasiment inévitable, et les choses se gâtent. Premièrement, les séquences d’affrontement sont un peu molles et manquent de dynamisme. Le combat au corps à corps n’a jamais été une spécialité dans les jeux en vue subjective. Mirror’s Edge ne fait pas forcément tout mal, notamment en ce qui concerne les animations très correctes, mais on a des difficultés à ressentir les frappes de Faith, en plus d’un manque criant de précision.

Notre messagère étant très fragile, deux coups adverses suffisent souvent à la mettre au tapis, parfois sans qu’on réussisse à faire grand-chose, et sans qu’on puisse parer, puisque cette commande n’existe tout simplement pas. En plus de cela, pour désarmer un ennemi de face, il faut systématiquement attendre que ce dernier attaque avant de pouvoir enclencher l’action. Et quand les assaillants se multiplient, les nerfs craquent très vite. Impossible ou presque d’attaquer plus d’un homme de front. Tous ces éléments additionnés rendent la plupart des combats frustrants, d’autant plus que les éléments pouvant être améliorés sont pour la plupart évidents.

L’usage des armes à feu est, lui, limité : vous n’aurez qu’un chargeur à votre disposition, et pratiquement jamais d’armes fournies en cours de mission, ce qui évite les carnages successifs, et surtout préserve l’intérêt du jeu. Mirror’s Edge se veut être un soft basé sur le mouvement, pas sur la tuerie. Et de toute façon, la partie FPS s’avérant extrêmement maigre (armes standard, maniabilité peut adaptée), mieux vaut se concentrer sur les itinéraires de fuite que sur l’attaque.

Autre regret : durant certains passages quelque peu tordus, le sens urbain ne répond pas. Cela peut prêter à beaucoup de confusions, et surtout, à lancer le joueur sur de fausses pistes. Certaines zones étant très punitives, que ce soit à cause des gardes ou en raison d’éléments placés à la limite des possibilités de Faith, on se retrouve parfois à recommencer le même enchaînement un très grand nombre de fois. Lors de certains moments, il faut impérativement connaitre l’emplacement des ennemis, le moment où ils arrivent et leurs déplacements (souvent les mêmes, l’IA étant réduite à sa plus simple expression) pour pouvoir avancer. Frustrant. Heureusement que les points de contrôles sont à l’avenant, permettant en général de recommencer juste avant une erreur.

Mon beau miroir

Loin de se cantonner aux gratte-ciels d’ivoire d’une ville aseptisée, Mirror’s Edge propose beaucoup plus qu’il n’y paraît. Le jeu propose intérieurs design, station d’épuration des eaux, métro, chantiers, bateau, bref, un peu de tout. La palette de couleurs utilisée est très simple, usant de couleurs franches et vives : blanc, vert, bleu, jaune, rouge, orange. Cela donne un vrai cachet visuel au titre, certes simple, mais réellement bien agencé. Plutôt amusant alors qu’il tourne sur base d’Unreal Engine 3, un moteur souvent critiqué pour ses caractéristiques trop visibles. Ici, le parti-pris de Mirror’s Edge est franc, audacieux et on a plus envie de l’applaudir que d’en critiquer les faiblesses. Des bugs subsistent çà et là, l’aliasing, pas trop voyant certes, s’est aussi invité à la fête, mais qu’importe. La découverte de l’univers de Faith est un plaisir visuel, avec, pour ne rien gâcher, une bande-son simplement géniale, aux musiques d’ambiance électroniques planantes. Que ce soit lors de moments de réflexion ou de course poursuite, les morceaux marquent, sans oublier bien sûr le somptueux thème principal, Still Alive, homonyme du générique de Portal. Mirror’s Edge est un de ces jeux qui restent en mémoire après les avoir parcourus, et c’est en grande partie grace à cette réalisation artistique de haute volée.

Dommage que ce cocon ne subsiste guère longtemps. Le mode solo comportant neuf chapitres, l’aventure ne dure pas. Deux ou trois soirées pour les plus rapides. Le mode contre la montre, consistant à refaire l’histoire dans un temps imparti, et le mode parcours, vous proposant plusieurs niveaux à réaliser dans différents temps, améliorent le bilan. Une grande partie de l’intérêt de Mirror’s Edge repose en effet sur l’exploration de nouvelles voies dans les niveaux, de la recherche de l’efficacité maximale dans l’enchaînement des obstacles. La durée de vie n’est donc pas aussi maigre qu’on pourrait le croire à première vue.

Qu’est ce que Mirror’s Edge ? Une espèce de renouveau du jeu de plate-forme. Evoluer avec légèreté dans le monde de Faith est tout simplement grisant, et apporte un lot de sensations jusqu’alors rarement explorées dans un jeu vidéo. Le soft n’exploite pas encore la totalité du potentiel de ses idées de départ, c’est évident, mais la bouffée d’air frais qu’il procure fait assurément du bien, et prouve qu’il y a toujours un semblant de créativité chez les développeurs. Pour ses partis-pris francs, certains vont l’adorer, d’autre le détester (la critique est d’ailleurs fort partagée sur le jeu), mais personne ne sera indifférent face à cette originalité à l’état pur. C’est cette originalité que nous avons décidé de récompenser.

+

  • Novateur, original
  • Excellente bande-son
  • Une héroïne attachante
  • Sensations de jeu
  • Level Design
  • Style graphique et design général

-

    • …qui tombe un peu à plat
    • Combats largement perfectibles
    • Certaines phases de jeu trop punitives
    • Durée de vie de l’histoire…