Test : Bloodshore sur Xbox One
Kill Biloute
Imaginons un monde dans lequel nous aurions poussé le voyeurisme et le besoin d’amusement décérébré jusqu’à organiser et diffuser sur la Terre entière un Battle Royale. Un vrai, avec des armes, un terrain dont on ne peut s’échapper et la victoire qui ne revient qu’à une seule et unique personne. Si votre esprit a voyagé un instant vers les Hunger Games, vous pouvez couper la transmission tout de suite ; Bloodshore imagine plutôt son délire comme une émission de téléréalité d’aujourd’hui dans laquelle Kimberley aurait tout pouvoir de repousser les avances de ce boulet qu’est Kylian en lui collant la tête dans les WC jusqu’à le noyer. Car bien que l’émission « Killstream » eut été un temps un Battle Royale où s’écharpaient uniquement des condamnés à mort en quête de salvation, elle a évolué au fil des années pour devenir un rendez-vous où s’invitent (en plus des tueurs-nés) influenceurs, bloggeurs de l’extrême et autres ex-stars à la recherche d’un second souffle. C’est d’ailleurs de cette dernière catégorie que provient Nick, le personnage dont nous allons guider les pas au fil de l’aventure.
Bloodshore est un FMV, un pur et dur. Comprenez par là qu’il se déroule comme un film durant lequel nous nous voyons très régulièrement proposé des choix. Dans neuf cas sur dix, on dispose d’ailleurs de deux choix uniquement, à valider dans un temps très limité. Il y a dans les options la possibilité de mettre ces moments en pause (fonctionnalité dédiée en premier lieu aux streamers) mais on vous conseille de ne pas y recourir. La pression exercée sur le joueur par le chronomètre est un élément important de l’immersion. A titre de comparaison, on retrouve dans Bloodshore une structure, une expérience, un mode de progression semblables à ce que l’on a pu expérimenter dans The Complex. L’histoire est en avancée constante, vers une issue plus ou moins favorable, ce qui rend la partie très dynamique la première fois notamment. C’est un type de FMV carré et efficace, sans temps mort : véritablement un petit film sur lequel nous exerçons une influence.
Vous vous en doutez si vous expérimentez de temps en temps le FMV, Bloodshore est comme ses congénères un jeu qui ne brille pas pour ses qualités scénaristiques. Avec un tel contexte, il est même de ceux qui sautent bien fort dans la flaque du nanar et éclaboussent le joueur du début à la fin. Entouré de stars des réseaux sociaux caricaturées au possible et de tueurs professionnels qui ne le sont pas moins, notre héros assure lui aussi bien son boulot de gueule d’ange envoyée en enfer. Autour de lui gravite un petit groupe avec lequel il atterrit sur l’ile et globalement, chaque personnage tient plutôt bien son rôle. Toujours avec un gros marqueur sur les contours, quitte à surfer très près des courants du ridicule, mais sans jamais vraiment sombrer dans la bêtise. Tous ces personnages ne sont peut-être pas exploités comme on aurait pu l’espérer, mais on a tout de même quelques bonnes surprises avec une mention spéciale pour notre ami irlandais.
Parmi ces acteurs et personnages, deux ont une influence plus prononcée que les autres sur le déroulement de l’histoire de Bloodshore. C’est certainement à ce niveau de la conception de l’aventure que le bât blesse. Avec plus de huit heures de vidéo annoncées (un record pour un FMV) et logiquement des choix influençant le déroulement de l’histoire, on s’attendait à retrouver au travers de ces deux axes incarnés par autant de personnages des expériences fondamentalement différentes. A la manière d’un Late Shift par exemple, qui avait su se montrer très diversifié. Il n’en n’est rien avec Bloodshore qui certes offres de nombreuses issues possibles à l’aventure (plus ou moins bonnes) mais qui dans le même temps ne s’éloigne jamais vraiment d’un chemin tout tracé. On sent, au fil des nouvelles parties, que le jeu s’efforce de nous emmener là où il veut. Il existe bien sûr plusieurs façons de se vautrer et voir les crédits défiler de façon prématurée mais d’une manière générale, on comprend vite la mécanique menant à la bonne fin. Parce que c’est de cela dont il s’agit : qu’importe qui vous allez sauver, ou avec qui vous entendez créer une bonne entente, certains rôles sont clairement prédéfinis et les choix n’exercent finalement que peu d’influence sur eux.
Bloodshore fonctionne ainsi beaucoup mieux lors de sa découverte que lorsque l’on s’efforce de le creuser pour en découvrir tout le contenu. Sauver X ou Y mène parfois à l’exacte même discussion avec un personnage ou l’autre. Dans un lieu autre et face à un visage différent certes, mais avec les mêmes mots et en direction de moments clés qui se dérouleront finalement de la même façon. Difficile par ailleurs de tenter trop de fois l’aventure sans se lasser, le système de passage des scènes est autorisé uniquement pour celles que vous avez vu, si tant est qu’elles appartiennent à une séquence précise. Autrement dit, impossible de passer une scène déjà vue si celle-ci est le résultat de choix précédents faits différemment. Ça a donc tendance à rallonger la sauce. On vous conseille donc de jouer aussi sérieusement que possible votre première partie, parce que c’est clairement celle-ci dont profite à fond Bloodshore et délivre alors une expérience globalement plaisante.
Un poil violent, un brin vulgaire mais jamais trop enfoncé dans un ou l’autre, Bloodshore dépeint avec une certaine réussite ce monde étrange qui verrait des gens regarder d’autres gens d’entretuer pour le plaisir. Nanardesque à souhait, Bloodshore n’est cependant pas tout à fait stupide dans le message qu’il fait passer. Sans philosopher sur la question du voyeurisme jusqu’au-boutiste, il pose suffisamment de petites questions pour donner à son univers le semblant de viabilité nécessaire à ce que l’on perçoive la nanardise attenante à son juste niveau. D’un point de vue technique, Bloodshore est un FMV de haut niveau offrant un ensemble très propre, particulièrement net lorsque s’enchainement les séquences faisant suite à des choix. Pas un ralentissement, pas de changement trop brutal, c’est maitrisé. On a alors l’impression de véritablement regarder un petit film qui nous emmène sur une ile offrant ce qu’il faut d’environnements différents pour permettre à l’aventure de conserver un certain dynamise. Et comme on profite de tout cela avec des sous-titres en français, le confort est au rendez-vous. A noter enfin, pour les vétérans des FMV gallois, la présence furtive de quelques acteurs que l’on a pu voir passer dans d’autres jeux. On apprécie toujours ce genre de clin d’œil.
+
- Réalisation très propre
- Un nanar qui s’assume pleinement
- Acteurs bien calés dans leurs rôles
- Format de FMV très dynamique
- Bonne durée de base (comme un téléfilm)
- Sous-titres en français
-
- Des choix mais peu de routes significativement différentes
- On ne peut pas passer les scènes quand on le veut…
- … Ce qui rend les nouvelles parties ennuyeuses à la longue