Test : Crackdown 3 sur Xbox One
La tête dans le Cloud
Drôle de parcours que celui de Crackdown 3. Suite inattendue d’une licence à priori enterrée après un deuxième épisode aussi rapidement développé que franchement bâclé, le jeu n’aura eu de cesse d’être reporté et son développement confié à plusieurs studios différents. Entre-temps, Microsoft aura même eu le luxe de créer la plateforme Xbox Games Pass permettant de jouer de façon illimité à un catalogue de centaines de jeux de manière totalement libre. Cerise sur la gâteau, Microsoft a annoncé l’année dernière que désormais, tous les jeux édités par Microsoft Studios -renommé depuis Xbox Studios- seront disponibles dès le jour de leurs sorties respectives sur le service. Au fil des années et suite aux annulations successives de Scalebound, Fable Legends ou encore du reboot de Phantom Dust, Crackdown 3 est donc devenu le dernier représentant des premières heures de la console en même temps que l’un des ambassadeurs du «Netflix du jeux-vidéo».
Il n’est pas facile de débuter sereinement une critique sur Crackdown 3, tant les premiers instants peuvent laisser circonspect. Après une introduction aussi courte que ratée dans sa tentative d’humour badass décomplexé, le jeu enchaîne directement avec des cinématiques basées sur des images fixes plus au niveau d’un jeu indépendant financé dans la douleur que d’un triple A classique. S’en suit un petit prélude à l’aventure sous forme de tutorial qui nous conduira à un bref affrontement contre le premier boss du jeu, avant de pouvoir parcourir librement les rues de New Providence, terrain de jeu de ce nouvel opus. Le jeu étant strictement identique dans sa structure au premier Crackdown, vieux déjà de 12 ans, votre mission sera simple : abattre la gouvernante autoproclamée de la petite île fictive, en affaiblissant le corps pour faire tomber la tête. En jeu, cela se résume à une poignée de missions annexes, jamais scénarisées et quasiment toutes basées sur la casse à plus ou moins grosse échelle, ponctuées ici et là de courses contre-la-montre, cascades en voiture ou escalade de tours radio, aussi dénuées d’originalité que d’intérêt. La réussite des missions vous permettra de faire tomber les cinq lieutenants et leurs trois supérieurs, dans des combats de boss plutôt réussis, avant de vous en prendre directement à la caricaturale grande méchante du jeu. Action que les plus téméraires pourront d’ailleurs tenter directement dès les premières minutes de jeu, si par hasard ils arrivaient à trouver son quartier général.
Pour vous aider dans cette simulation de juge et bourreau en un seul homme, que n’aurait pas renié un certain Judge Dredd, vous pourrez compter sur une palette de mouvements et d’équipement plutôt généreuse, qu’il faudra une fois de plus développer à la force du poignet. Catégorisé en cinq sections (agilité, armes à feu, explosifs, force physique et la strictement inutile conduite), les compétences de votre personnage ne se feront pas sous forme de points d’expériences ou d’arbres de compétences à distribuer soi-même, mais automatiquement en récoltant de précieuses orbes de couleurs. Concrètement, hormis pour les orbes d’agilité qui vous demanderont d’arpenter les moindres recoins de la ville, l’ouïe et la vue au taquet, le système est simple : plus vous utiliserez une compétence, plus vous récolterez d’orbes et plus vous la maitriserez. Explosez les voitures ennemis à coup de lance-roquette ou grenades et vous pourrez porter plus d’explosifs. Tabassez les vigiles à coup de patates de Terry dans la tronche et vous pourrez soulever des voitures. Si le système est très bien pensé et permet d’évoluer en fonction de sa façon de jouer. On regrettera certains passages à niveau pas forcément très intéressant (les grenades pour sauter plus haut ou la télékinésie pour soulever des objets), compensés néanmoins par une montée en level extrêmement rapide vous permettant d’être au top quasiment partout en moins de dix heures de jeu. On peut regretter également le manque de prise de risque qui aurait pu conduire à des nouveautés intéressantes, comme des branches de compétences permettant de modeler un agent selon ses préférences personnelles. Le jeu se contente globalement de faire la même chose que le premier Crackdown, hormis l’ajout d’un dash terriblement efficace, directement hérité du cousin Recore.
Si l’on parvient forcément à s’amuser devant une formule aussi simple que fun, on ne peut s’empêcher de regretter qu’hormis d’un point de vue technique, si peu de choses aient changé depuis 2007. Douze longues années -qui nous font paraître bien vieux d’un seul coup- sont donc passées depuis ; une génération de consoles est apparue et même un deuxième épisode qui souffrait déjà d’une grande paresse artistique s’est glissé entre Crackdown et son troisième épisode. Pourtant, Crackdown 3 ne cherche jamais à faire évoluer sa formule et il est difficile de réellement s’emballer pendant les huit heures que dure l’aventure pour le joueur ne cherchant pas à tout faire, ni tout voir. On enchaîne les objectifs comme on barre sa liste de courses au supermarché, grisé par l’action, mais aussi ennuyé par des déplacements forcément trop longs, pas aidé par la poignée de véhicules disponibles, tous à quatre roues, dans une ville totalement morte. S’il y a d’ailleurs bien un point sur lequel Crackdown troisième du nom est totalement dépassé en comparaison de ses petits camarades, c’est dans sa ville. Morne, petite et générique, remplie de passants moches et sans identité, se contentant de courir comme des poulets sans têtes à la moindre fusillade, on n’a jamais d’impression de vie dans ce monde pourtant rempli de néons et de couleurs, encore plus triste qu’un adulte portant un t-shirt tie & dye. La comparaison avec des titres comme Watch Dogs 2 ou Red Dead Redemption 2, dans lesquels les personnages semblent tous avoir une vie propre dans des open-world pourtant plus grands et plus beaux, finissent d’enfoncer le clou d’un cercueil déjà bien scellé.
Le jeu possède néanmoins des atouts indéniables. Comme son arsenal riche en pétoires, lance-missiles et grenades ou encore son bestiaire varié, avec des nouveaux ennemis qui font leur apparition tout les quarts d’heures jusqu’au combat de boss final. Notons également une difficulté parfois assez relevée et cela même en normal, en dépit il est vrai à un système de lock automatique pratique, mais qui peut rapidement devenir une vraie plaie dans les situations les plus riches en ennemis. C’est bien simple, on se retrouvera très souvent à cibler l’ennemi le plus loin alors que l’on aimerait juste tirer un missile sur le groupe d’ennemis qui nous fait face. Le lock peut également poser problème lors des sauts en nous fixant obligatoirement sur un ennemi situé en dessous ou derrière un objet.
Concernant l’aspect visuel, le jeu se permet un très joli affichage en 4K sur One X, le rendant très net et très propre avec absolument aucune trace de flou ou d’aliasing. Mais d’une point de vue purement technique, Crackdown 3 affiche clairement son retard à tous les instants et l’aspect cell-shading, souvent preuve de cache-misère, ne comble pas le retard visible en comparaison du reste de la production vidéoludique actuelle. La direction artistique n’est pas en reste avec des couleurs flashy et une volonté de reprendre les codes visuels de séries funs et décomplexées, Saint’s Row en tête, sans jamais y parvenir. L’humour est d’ailleurs totalement absent du jeu une fois passée l’intro et ce n’est pas l’ajout du footballeur/acteur/militant Terry Crews qui y changera quelque chose, aussi sympathique et investi soit-il. Au rang des bonnes nouvelles, notons le framerate qui bien que limitée à 30 FPS, tient le choc tout le temps, quelle que soit l’heure de la journée, le nombre d’explosions ou d’ennemis.
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Wrecking zone : le multijoueur de Crackdown 3 (testé par Gattuso)
Pas franchement à l’aise sur sa partie solo, il reste néanmoins à Crackdown 3 les moyens de survivre à sa difficile venue au monde au travers de son mode multijoueur : Wrecking Zone. Il est peu dire que nous attendions avec curiosité de nous y essayer car peut-être l’ignorez-vous mais Crackdown 3 à plusieurs s’est vu affublé ces dernières années d’un étendard difficile à porter, à savoir celui du digne représentant de l’utilisation du Cloud pour améliorer les performances du jeu. En ce qui concerne notamment la gestion du moteur physique, permettant ainsi un début d’affranchissement des limitations techniques des consoles. Aujourd’hui disponible, Crackdown 3 livre de ce côté-là une prestation qui souffle le chaud et le froid.
D’un naturel plutôt prudent, nous ne nous attendions évidemment pas à la révolution que l’on aurait pu être tenté de proclamer, vidéos d’époque à l’appui. Pour autant, l’expérience de jeu en multijoueur n’est pas inintéressante sur le fond, grâce entre autres à cette possibilité de destruction massive des environnements. On peut effectivement y aller franco pour déloger un ennemi qui aurait eu la mauvaise idée d’essayer de se planquer. Couplée au dynamisme brut de la prise en mains déjà expérimentée en solo, l’idée de pouvoir attaquer les positions ennemies comme un éléphant dans un magasin de porcelaine assure une certaine dose de fun. Mais (parce qu’il y a toujours un mais), Crackdown 3 paye cette liberté par un rendu, aussi bien graphique qu’artistique, à mi-chemin entre le moche et le dégueulasse. On comprend tout à fait les restrictions graphiques qu’imposent une si grande possibilité de destruction, tout cela en maintenant une expérience relativement fluide ; mais il n’empêche qu’il existe franchement plus agréable qu’évoluer dans un amas de cubes vaguement empilés avec un peu de décors pour faire le liant, le tout sur un quadrillage Tronesque.
Si les faiblesses ne tenaient qu’à cela, on pourrait s’en accommoder parce qu’on le répète, se fritter à cinq contre cinq au milieu d’une orgie d’explosifs, c’est chouette. Mais pour l’heure, le concept tire la langue. Avec seulement deux modes de jeux (élimination en équipe et capture de territoires) sur une petite sélection de trois cartes, on a déjà vite fait le tour de propriétaire. Et à celui qui se dit que ce n’est pas le nombre de cartes qui compte mais les personnes avec qui on se trouve, eh bien qu’il sache qu’à la fin de chaque partie Crackdown 3 renvoie gentiment chaque joueur jusqu’à son menu, l’empêchant non seulement de rejouer donc immédiatement avec les mêmes personnes mais le forçant aussi et surtout à se farcir de nouveau un matchmaking assez long (deux bonnes minutes à l’aise). Trop long. Bref, il y a du potentiel pour Crackdown 3 en multijoueur ; espérons seulement qu’il comble rapidement ses lacunes, aujourd’hui tout de même bien réelles.
+
- Jouabilité souple pour plaisir immédiat.
- Montée en puissance très rapide.
- Très propre visuellement.
- Framerate solide même dans les moments explosifs.
-
- Artistiquement daté et techniquement pas à niveau.
- Très chiche en contenu.
- Trop rapidement répétitif.
- Lock auto souvent imprécis.
- Open-world petit, triste et morne.
- Conduite totalement inutile.