Test : Skull and Bones sur Xbox Series X|S
Une aventure beaucoup trop bateau
Mettons les choses au clair dès maintenant, Skull & Bones n’a absolument rien en commun avec Sea of Thieves, si ce n’est son univers rempli de bateaux et de pirates. Même constat si on le compare à Assassin’s Creed IV et, même si le projet est tout d’abord né avec la volonté d’être un Black Flag 2, force est de constater que ce nouveau titre d’Ubisoft n’a plus grand chose en commun avec sa source première d’inspiration. Développé à l’origine par Ubisoft Singapour, bien aidé par la suite par une bonne dizaine de studios qui ont évité de peu qu’une mutinerie ne s’organise autour du projet, le titre nous embarque dans l’Océan Indien, entre la côte Africaine et les Indes Orientales, au XVIIème siècle. Une zone géographique propice aux actes de pirateries, alors que les Bataves, les Anglais et les Français cherchent à développer leur influence. Un contexte rapidement illustré avec une introduction qui nous plonge dans une bataille intense, où les «brits» finissent par disloquer notre équipage et à nous envoyer sur une petite île en compagnie de quelques autres rescapés.
Il faut donc repartir à zéro, tout en rêvant de devenir le «Kingpin» de la région. Mais avant cela, c’est à bord d’une boutre (comprenez une petite barque à voile unique) que l’aventure débute réellement, après avoir choisi l’apparence de notre pirate parmi une dizaine de visages. C’est ensuite en compagnie d’Asnah Yatim, qui a l’air d’en connaitre un rayon au sujet des vieux loups de mer, que nous repartons au large. Les premières minutes montrent ainsi un petit échantillon des possibilités offertes par Skull & Bones, avec la nécessité de remplir des quêtes et de récupérer des ressources, avant de nous envoyer à Saint-Anne, une ville qui sert de camp de base durant la première moitié du jeu. C’est ici que l’on fait la rencontre du menuisier, du forgeron, du raffineur et du responsable du chantier naval. Tous ont un rôle à jouer dans votre potentielle réussite en mer puisqu’ils sont chargés de vous aider à fabriquer de nouveaux bateaux, à confectionner les matériaux nécessaires à leur construction et les équipements qui pourront s’y greffer, à commencer par les indispensables canons.
D’une petite barque de pêcheur, il va donc falloir s’armer pour rivaliser avec les factions qui quadrillent la région. La mer est pour ainsi dire très vivante, dans le sens où ce sont de nombreux bateaux qui naviguent, seuls ou regroupés en flotte. Selon les circonstances, ceux-ci peuvent être pacifique ou belliqueux, et il est nécessaire de bien analyser la situation avant de s’embarquer dans une bataille. Car la puissance d’un bateau n’est pas seulement définie par sa taille. D’ailleurs les navires de corsaires ne sont pas toujours les plus grands, mais pourtant ils sont destructeurs et peuvent vous entrainer par le fond en quelques secondes selon votre navire. Il est donc important, voire indispensable de constater le niveau de l’ennemi avant de lancer les hostilités. Un niveau calculé en fonction de votre type de bateau avec, entre autres, le sloop et le brigantin, et en fonction de l’armement et des protections embarqués. Au passage, on regrette une organisation de la cale mal fichue qui, si la limite de poids est bien compréhensible, nous limite sur le nombre d’objets différents que l’on peut transporter. Cela oblige à trier régulièrement ce qui est en notre possession, soit en stockant un maximum à l’entrepôt, soit en abandonnant une partie de la cargaison en mer.
Le plus regrettable réside tout de même dans la structure du game-design, avec une progression dictée par le jeu, avec l’obtention de plans qui permettent de débloquer des équipements de plus en plus évolués au fur et à mesure de la progression dans l’histoire de Skull & Bones. Un dictat simpliste qui enlève énormément à l’intérêt, avec l’amère impression de suivre une ligne directrice imposée par les développeurs, là où il aurait été certainement préférable de laisser un peu plus de liberté au joueur. Le titre se transforme alors rapidement en simple jeu de farm dans lequel il faut se rendre à un endroit précis pour acheter un plan, puis partir en quête de ressources précises pour fabriquer l’équipement désiré. Malheureusement, le jeu ne parvient à aucun moment à transformer ces moments particulièrement ennuyeux en séquences dignes de la piraterie. Même les phases de pillage n’offrent que peu de satisfaction, avec la nécessité de couler un navire entre deux récupérations de bout de tissus et de planches de bois. C’est horriblement plat, la faute à cette gestion poussive des ressources. Les développeurs nous ont tout de même mis la puce à l’oreille durant les premières heures de jeu, lorsque le forgeron nous a réclamé trois clous pour fabriquer une dizaine de boulets de canon.
Et pourtant Skull & Bones a tout de même quelques atouts dans sa manche. Quand il ne s’agit pas de partir ramasser deux bananes et une voile déchirée, la navigation est assez agréable. La bateau se manœuvre très simplement à l’aide du stick, tandis que la vitesse se gère selon trois positions, avec consommation d’endurance pour la dernière. Les batailles se font alors avec souplesse et dextérité, et se planquer derrière un petit récif montagneux pour souffler quelques secondes ou semer l’ennemi se fait très facilement. Même chose pour l’utilisation des pièces d’armement, avec la possibilité d’user des canons latéraux, ou de la proue, auxquels viennent s’ajouter une position à la proue et un espace pour placer un mortier sur les navires plus élaborés. En achetant les bons plans, il est par la suite possible d’équiper certaines parties du bateau avec une baliste à l’avant, avec un lance-torpilles ou un lance-flammes. De quoi diversifier les approches, pour des affrontements généralement bien rythmés capables de retranscrire un vrai sentiment de puissance.
De quoi donner envie de parcourir les 625km2 de carte (soit quatre fois plus que ACIV: Black Flag) en prenant soin de s’orienter en fonction du vent pour ne pas perdre de vitesse et économiser de l’endurance. A noter que deux vues sont disponibles, à savoir une vue extérieure et légèrement reculée pour apprécier et anticiper les éventuels obstacles, tandis qu’une vue «intérieure» nous met à la barre avec un meilleur feeling mais une visibilité amoindrie. La gestion de voile se fait automatiquement, tout comme le recrutement des membres d’équipage. C’est à dire qu’à mesure que vous fabriquez de nouveaux bateaux, rien ne vous explique comment une nouvelle bande de gus se retrouve sur le pont. Une gestion totalement impersonnelle qui aurait, là aussi, mérité mieux. Même regret sur les tempêtes, bien présentes, mais qui ne procurent malheureusement pas de véritables frissons. On sent globalement que les intentions étaient pourtant bien présentes, mais le manque de profondeur rend l’expérience bien trop morne pour s’apprécier sur la longueur.
Ce n’est malheureusement pas le scénario qui permet de relever le niveau. A force d’allers/retours à Saint-Anne, puis avec un autre camp de base un peu plus tard, l’écriture ne parvient à aucun moment à embarquer le joueur. Ca sonne là aussi terriblement creux, avec des objectifs qui se répètent mission après mission. Couler un navire, piller un village, transmettre une missive… le tout servi sans aucune mise en scène, ou totalement ratée quand elle existe. Quelques exceptions viennent tout de même apporter un second souffle à l’ensemble, mais cela reste malheureusement bien trop rare. Pire, les transitions entre les phases en mer et celles sur la terre ferme sont abruptes et cassent le peu d’immersion proposée jusque là.
Comme c’est souvent le cas, le moteur Anvil d’Ubisoft permet un joli rendu général, avec notamment des décors plutôt jolis et un vrai travail pour bien différencier la côte africaine et la côte asiatique, avec des plages typiques de ces deux environnements. Toujours le même souci en revanche concernant la plupart des modèles 3D et leurs animations, qui paraissent datés. Les déplacements de notre personnage sur la terre ferme se montrent d’ailleurs d’une lourdeur inhabituelle pour un jeu Ubisoft. Quelques bugs de script sont venus interrompre notre progression à plusieurs reprises, forçant à redémarrer le jeu. On rappelle au passage que Skull & Bones ne se joue qu’en ligne, dans un monde persistant où l’on côtoie d’autres joueurs. Les développeurs ont d’ailleurs introduit plusieurs événements, aussi bien coopératif que compétitif avec la possibilité de se frotter à un grand capitaine façon raid, ou de se battre pour récupérer une carte au trésor légendaire. On imagine sans mal que de nouveaux contenus viendront agrémenter le jeu de base façon «jeu service», avec l’obligation de revoir une partie de la copie initiale pour garder un maximum de joueurs sur la durée. Dernier point, le jeu n’est pas franchement punitif avec la possibilité de réapparaitre non loin du dernier navire coulé par l’ennemi, même si cela implique parfois une agression immédiate dès la réapparition et donc une seconde défaite dans la foulée de la première. Rageant.
+
- Navigation facile à prendre en main
- Carte qui invite à l'exploration
- Bateaux bien modélisés
- Décors et rendu de la mer plutôt bons
-
- Aucune gestion de l'équipage
- Manque de mise en scène
- Gestion de la cale pas terrible
- Farm poussif et abusif
- Bugs de script