Test : Anthem sur Xbox One
Plus dure sera la chute
Anthem est la première licence originale de Bioware sur la génération actuelle de consoles. Il succède à un Dragon Age Inquisition très réussi, bien que se démarquant nettement de l’épisode originel sorti il y a déjà un bon paquet d’années, et surtout de Mass Effect Andromeda, catastrophe industrielle qui se soldera tout simplement par la fermeture pure du petit frère, Bioware Montréal. Autant dire qu’Anthem a toute son importance pour le futur du studio, d’autant plus que cette fois-ci le virage vers le jeu d’action multijoueur est totalement assumé et que son aspect RPG s’arrête à l’apparition du logo du studio. Si l’on peut en toute honnêteté regretter de voir un studio connu pour sa profondeur narrative et scénaristique se lancer à corps perdu vers ce que font déjà très bien d’autres de leurs confrères, on peut très bien imaginer qu’après plusieurs décennies à réaliser des jeux basés sur le même modèle l’envie de se frotter directement au genre à succès actuel soit un défi enthousiasmant et à la hauteur de leur talent.
Situé une fois de plus dans une galaxie très éloignée de la nôtre, Anthem essaie tant bien que mal de nous conter la quête de l’un des derniers bastions de l’humanité, cloitré dans un fort, des années après une attaque aussi brève que destructrice. Empruntant aussi bien à l’Attaque des Titans qu’au mythe du Roi Arthur, l’histoire d’Anthem n’est clairement pas le point fort du jeu et rivalise directement avec la saga Halo en termes de maladresse narrative et de difficulté à raconter une histoire pourtant pas très complexe. C’est bien simple, hormis quelques rares cinématiques pas forcément marquantes – un comble quand on connait le talent du studio en termes de mise en scène comme en témoigne l’intro de Mass Effect 2 – l’histoire est diluée dans des discussions trop longues, doublées avec paresse et aussi platement réalisées qu’un RPG Bethesda en vue à la première personne. Les plus courageux pourront toutefois s’appuyer sur des dizaines d’objets et documents à collecter pour enrichir l’encyclopédie – baptisée du doux nom de Cortex – riche en détails, mais clairement hors de propos dans un jeu où la principale motivation est d’empiler les douilles et les cadavres.
C’est d’ailleurs au niveau de son gameplay qu’Anthem avait le plus à prouver et force est de constater que le bougre a de sérieux arguments pour se défendre. On commence par sélectionner un «Javelin» parmi les 4 exosquelettes disponibles : Commando, pour un style de jeu polyvalent entre force brute et rapidité ; Colosse, tout en force au détriment de la vitesse ; Tempête, privilégiant le combat à distance et hors-sol ; Intercepteur, le plus rapide et le plus volatile des quatre. Vient ensuite l’obligatoire création rapide d’avatar sans réel intérêt pour la suite de l’aventure et vous serez lancé en guise d’introduction dans la seule parcelle du jeu entièrement solo et pour le coup aussi impressionnante que réussie. Le tutorial est d’ailleurs aussi spectaculaire qu’efficace et en quelques minutes le contrôle de votre Javelin vous paraitra tout ce qu’il y a de plus naturel tant la souplesse du personnage est aussi redoutable que les sensations en combat. Dash, attaque rapide au corps à corps, bouclier de protection, lancer de grenade et autres attaques ultimes pouvant être lancées une fois sa jauge chargée, les particularités de chaque type d’armures sont bien définies et permettent à chacun de trouver rapidement son bonheur pad en main.
Le fait de pouvoir renforcer son arsenal en débloquant les autres modèles d’exosquelettes au fil de la montée en niveau vous permettra d’éviter la lassitude, jusqu’à trouver parfaitement chaussure à votre pied. Si les sensations de tir et la balistique sont une réussite, on peut toutefois regretter le manque de diversité de l’arsenal et surtout le fait qu’il n’y a que très peu de modèles différents parmi une même classe d’armes. A force de loot, vous débloquerez constamment une arme totalement similaire à celle que vous possédez déjà avec uniquement des statistiques supérieures, sans différence cosmétique. On peut regretter également que les seules modifications de votre armure soient de l’ordre de sa couleur, celles graphiques étant obligatoirement à échanger contre de l’argent réel. On a connu plus sympa, sachant qu’Anthem n’est pas un free to play mais bien un jeu complet et vendu comme tel.
On regrettera également que le jeu ne nous laisse pas la possibilité de modifier notre inventaire en pleine partie et cela même lorsque l’on joue en partie privée. La véritable nouveauté et réussite du gameplay d’Anthem est l’apport du vol en temps réel. La sensation de vitesse alliée à la simplicité de la prise en main du Javelin permet de maitriser quasi immédiatement son personnage. Plus qu’une simple façon de parcourir le monde ouvert du jeu en remplaçant les inévitables véhicules, fendre les airs offre des possibilités de combat allant du vol stationnaire pour canarder l’ennemi en hauteur à la fuite pure et simple, sous l’adage « courage, fuyons », le temps que la recharge de bouclier fasse son travail. On appréciera d’ailleurs souvent de simplement se déplacer à plusieurs centaines de mètres au-dessus du sol pour finir en plongeant carrément dans les fonds marins sans aucune coupure ni arrêt. Si ce n’est bien sûr la gestion de la surchauffe qu’il faudra apprendre rapidement à amadouer avant de se retrouver dans une situation délicate sans pouvoir décoller les fesses du sol pendant de longues secondes. Au final, Anthem offre une expérience aérienne qu’aucune autre adaptation de super-héros n’à réussi à nous faire ressentir aussi positivement jusqu’ici.
Si comme vous venez de le lire, le gameplay du jeu est une franche réussite, l’aspect technique n’est quant à lui pas en reste. C’est bien simple, Anthem est actuellement l’un des plus beaux jeux sur lequel il est possible de poser ses mains et la version Xbox One X fait clairement honneur à la puissance de la machine. Le jeu est magnifique et couplé à une direction artistique qui, si elle ne brille pas vraiment pas son originalité, a le mérite d’être plaisante et cohérente. L’affichage en 4K sur Xbox One X permet également de profiter d’une netteté agréable et claire en permanence, avec absolument aucune trace d’aliasing ou de flou. Côté framerate, le jeu reste bloqué à 30FPS avec malheureusement de grosses chutes durant les cinématiques et lorsque l’action se veut particulièrement explosive. Rien de grave heureusement, même si l’on aurait pu apprécier le choix d’un mode performance en 1080p et 60 images par secondes. Malgré les patchs déployés depuis sa sortie, quelques bugs subsistent et de notre côté, on note le décès d’au moins une Xbox One X durant la période de test. Bien qu’absolument rien ne prouve que le jeu ait eu un quelconque rapport avec cet incident, il vous oblige néanmoins à lire ce test avec 2 bonnes semaines de retard.
Aussi beau et plaisant soit le jeu dans sa forme, lorsqu’il s’agit de se pencher sur le fond, Anthem devient plus problématique et plus difficilement défendable. La structure des missions est toujours basée sur la même boucle : on vous envoie à un point A dans lequel vous devrez tuer tout ce qui bouge pour ensuite rechercher ou activer un objet. Puis vol vers le point B, pour faire exactement la même chose, ainsi de suite pendant plus ou moins longtemps, puis… Retour automatique à Fort Tarsis, HUB central du jeu, pour récupérer vos précieux points d’expérience et le loot durement gagné. Vous aurez évidemment le droit à quelques variantes, comme défendre une position ou ramasser des objets vous empêchant de voler, mais au bout de deux heures de jeu vous aurez déjà l’impression de faire constamment la même chose et ce n’est pas la suite de l’aventure qui vous fera changer d’avis.
Pire encore que la structure des missions, le rythme du jeu est constamment haché par le fait que l’exploration du monde ouvert de façon libre est totalement déconnectée des autres missions du jeu. Si vous souhaitez prendre le temps d’explorer la carte pour faire quelques événements aléatoires, une fois de plus calqués sur le même modèle que les missions, crafter quelques minéraux ou bien tout simplement aller à la recherche de coffres ou de documents, il faudra une fois de plus passer par ce satané fort et lancer une exploration libre. Même constat pour les contrats, missions annexes ou missions principales : vous ne pourrez pas en prendre plusieurs et décider d’enchainer les objectifs pour ensuite récupérer les points d’expérience stockés. Dès la fin de votre objectif en cours vous serez automatiquement téléporté à la maison. Idem pour la modification de votre Javelin vous obligeant à passer par un autre sous menu, la forge, accessible uniquement en fin de mission ou depuis ce fort décidemment bien envahissant. Le pire dans ce choix de game-design, déjà pas franchement ergonomique sur le papier, tient au fait que chaque transition se fait via un écran de chargement plus ou moins long et particulièrement agaçant lorsqu’on commence à cumuler les heures de jeu. A noter également que si vous décidez de parcourir le jeu avec vos amis ou des inconnus, comme il l’est évidemment recommandé, le fait que l’un des joueurs avance vers l’objectif vous téléportera directement vers lui, avec un bref écran de chargement en prime. Vous pouvez également rater certains éléments narratifs si vous n’êtes pas équipé d’un disque dur aussi rapide que celui de vos co-équipiers. Reste la possibilité de faire intégralement les missions principales en mode solo, ce qui vous fera perdre le sel du jeu en équipe, mais vous permettra d’avancer tranquillement à votre rythme.
Pour en revenir d’ailleurs à Fort Tarsis, vous pouvez oublier d’office les promesses de la magnifique vidéo de présentation E3. Si vous vous imaginiez déjà en train de vous balader au milieu des passants, vivant leurs vies dans un gigantesque marché rempli d’autochtones et semblant sortir tout droit d’Horizon Zero Dawn, la déception n’en sera que plus grande. Tout y est statique, dénué de vie et tout simplement d’intérêt, que ce soit dans l’exploration ou tout simplement dans les dialogues à choix multiples sans aucun intérêt, autant narratif que ludique. On fini d’ailleurs par y passer juste le temps de valider la mission en cours et de pouvoir en sélectionner une nouvelle. La dernière mise à jour nous permet d’ailleurs de nous téléporter directement dans notre Javelin sans être obligé de parcourir les tristes ruelles en long, en large et en travers. Ouf.
Quelques mots également sur le bestiaire du jeu : les Geths d’Anthem sont donc les Scars. Des insectes humanoïdes aussi originaux que stupides et servant de chair à canon les trois quarts du temps, couplés à quelques factions dissidentes, pas mal de bêtes sauvages tout droit sorties du Pandora de James Cameron ou encore des Titans. Ces derniers, véritables sac à point de vies, vous feront regretter de vous être lancé seul dans une mission lorsque vous devrez passer près de dix minutes à leur envoyer tout ce que vous avez en stock, non-stop. Si les animaux sont très bien animés et plutôt inspirés dans leurs design, leur découverte fait rapidement place à la lassitude de revoir inlassablement les mêmes, juste plus nombreux et toujours plus résistants. Heureusement vous aurez le droit à de rares occasions (trois pour être précis) à l’exploration de «Forteresses» dans de longues missions obligatoirement jouables en escadron de trois compagnons, se soldant par un combat de boss aussi impressionnant que réussi et directement inspiré par Lost Planet, pour notre plus grand plaisir. Dommage qu’ils ne soient pas plus nombreux ni intégrés directement à l’aventure principale. Pour en finir avec la longue liste de reproches, on pourra également souligner que l’open-world n’a pas grand-chose à offrir. Le manque de diversité des environnements, couplé avec le peu de choses à y voir et à faire, nous rappellera malheureusement qu’aussi beau soit-on, le plus important au final c’est bien ce qui se trouve à l’intérieur.
+
- Visuellement bluffant sur X.
- Gameplay intense et immédiatement fun.
- Sensation de vol grisante.
- Combats de boss impressionnants.
-
- Scénario et écriture en retrait.
- Fort Tarsis petit et pas forcément intéressant.
- Impossibilité d’équiper son loot au cours d’une mission.
- Gros ralentissements, même sur One X.
- Boucle de mission répétitive.
- Manque de diversité des environnements et du bestiaire.
- Des écrans de chargements partout, tout le temps.